Il est le dernier candidat à annoncer sa candidature à la présidentielle du Gabon, mais il ne sera sans doute pas le dernier au soir du scrutin, le 28 août prochain. A 74 ans, Casimir Oyé Mba se lance dans la bataille. Cette fois, l’ancien gouverneur de la banque des États d’Afrique centrale et ex-Premier ministre d’Omar Bongo ne se présente pas en indépendant : il est investi par le principal parti de l’opposition, l’Union pour la nation. Quelle est sa stratégie face au président sortant Ali Bongo ? De passage à Paris, l’opposant gabonais répond aux questions de RFI.
« Je me sens le porte-voix de mon parti et au-delà, de tous les Gabonais qui aspirent au changement dans notre pays et à l’alternance politique […] Je suis pour une candidature unique de l’opposition, il faut qu’on se parle. »
RFI : Casimir Oyé Mba, il y a déjà beaucoup de candidats sur la ligne de départ : Ali Bongo, Jean Ping, Guy Nzouba Ndama, Raymond Ndong Sima et bien d’autres. Qu’est-ce qui vous fait penser que vous avez plus de chance que vos adversaires ?
Casimir Oyé Mba: D’abord, en 2009, j’avais été candidat en indépendant. Depuis lors, à partir de 2010, j’ai contribué à faire éclore un nouveau parti politique, à créer un nouveau parti politique qui s’appelle l’Union nationale, avec d’autres compatriotes : Monsieur André Mba Obame, Monsieur Zacharie Myboto, Monsieur Eyeghe Ndong, etc.
Cette fois-ci j’ai été investi par mon parti l’Union nationale, le Congrès de mon parti dont je suis vice-président, et à la faveur d’une primaire, d’une vraie primaire, c’est la première fois historiquement qu’une telle procédure est utilisée par un parti politique au Gabon. Nous sommes très fiers de cela, d’avoir innové dans ce domaine-là. Donc je me sens le porte-voix de mon parti et au-delà de mon parti, de tous les Gabonais qui aspirent au changement dans notre pays et à l’alternance politique.
Mais tout de même, Jean-Ping, ancien président de la Commission de l’Union africaine, n’est-ce pas un autre poids lourd de l’opposition qui va vous prendre des voix nécessairement ?
Ecoutez… Monsieur Jean-Ping a décidé de faire son chemin vers l’élection présidentielle en annonçant sa candidature personnelle, je respecte son choix et moi j’ai le mien.
Vous pensez que peut-être parce que vous appartenez à la communauté Fang vous avez plus de poids ?
Non, non… Ne m’enfermez pas dans les Fangs. Je suis Fang, je n’ai pas demandé à Dieu de naître Fang, maintenant je suis candidat pour le compte de l’Union nationale et à travers cette candidature je m’adresse à tous les Gabonais. Pas seulement aux Fangs ! A tous les Gabonais qui aspirent au changement dans mon pays !
A tous les autres candidats de l’opposition, Casimir Oyé Mba, vous proposez une action commune pour rendre, vous dites, impossible la candidature d’Ali Bongo. Mais sur quelle base ?
Sur la base de l’article 10 de la Constitution. L’article 10 dit ceci : un Gabonais qui a acquis la nationalité gabonaise ne peut pas être candidat à la présidence de la République gabonaise. Depuis 2009 monsieur Ali Bongo Ondimba n’a pas produit un acte de naissance prouvant qu’il est Gabonais de naissance. C’est-à-dire le fils biologique de monsieur Albert-Bernard Bongo et de madame Josephine Kama. Et depuis lors il a produit une série d’actes de naissance. C’est quand même curieux qu’un seul individu produise deux, trois actes de naissance différents ! Moi je n’en ai qu’un. Vous aussi, j’en suis sûr, vous n’en avez qu’un ! Vous n’en avez pas deux, vous n’en avez pas trois !
Les avocats du président de la République produisent un extrait d’acte de naissance qui confirme qu’Ali Bongo est Gabonais de naissance. Cet extrait de naissance a été communiqué par le Service central d’Etat civil du ministère français des Affaires étrangères.
Cet acte de naissance qui aurait – je dis bien : aurait au conditionnel – était produit par je ne sais plus trop quel service français de Nantes…
Le Service central d’état civil ?
Oui, en 2015 ou en 2016. Si cet acte de naissance existait pourquoi Monsieur Ali Bongo ne l’a-t-il pas produit en 2009 quand il s’est présenté aux élections présidentielles ? Pourquoi a-t-il cru devoir faire fabriquer un acte de naissance dont il a reconnu lui-même sur votre chaîne d’ailleurs, que ces documents étaient faux ? Comment penser que quelqu’un qui sait détenir quelque part une pièce d’identité vraie, pourquoi pour la constitution de son dossier en 2009 a-t-il cru nécessaire de faire fabriquer par l’Etat civil gabonais un document qu’il savait être faux ? C’est étonnant quand même !
Casimir Oyé Mba, est-ce que cette polémique sur la « gabonité » d’Ali Bongo n’a pas des relents xénophobes ?
Non, pas du tout ! Ce n’est pas de cela qu’il s’agit ! Il s’agit de l’application d’une disposition de la Constitution gabonaise.
Mais à force d’insister sur l’Etat civil du candidat Ali Bongo…
Mais ce n’est pas moi qui insiste ! La Constitution gabonaise c’est la première loi du pays.
Est-ce que vous ne craignez pas tout de même que beaucoup de Gabonais se disent : Casimir Oyé Mba fait cela pour cacher le vide de son programme ?
Mais non ! J’aurai à présenter un programme. Je ne l’ai pas encore fait de manière formelle, mais cela sera fait !
Et si jamais la justice gabonaise valide la candidature d’Ali Bongo, est-ce que vous renoncerez à votre candidature ou est-ce que vous irez quand même… ?
Mais pourquoi je devrais renoncer à ma candidature en fonction de la décision que la justice prendra ? Je dirais à mon parti : mon désir de candidature reste constant. Dites-moi ce que je dois faire !
Il n’y aura qu’un seul tour. Alors si vous tous, les candidats de l’opposition, vous n’arrivez pas à votre mettre d’accord sur une candidature commune, est-ce que le candidat Ali Bongo n’aura pas un boulevard devant lui ?
La quête d’une candidature unique de l’opposition est générale dans l’opinion gabonaise qui aspire au changement. Ça, je dois à la vérité de le reconnaître. Je suis pour la candidature unique. Mais pour qu’une candidature unique puisse émerger il faut évidemment que les gens parlent ensemble !
Et justement, aujourd’hui avec Ping, avec Guy Nzouba Ndama, avec Ndong Sima vous vous parlez ?
J’ai pris l’initiative d’adresser une lettre à tous les candidats déclarés pour leur proposer de nous retrouver.
Est-ce qu’ils vous ont répondu ?
Avant que je quitte Libreville il y en avait deux qui m’avaient répondu. Je peux vous citer par exemple le cas de mon ami Pierre Claver Manganga Moussavou.
Donc ce n’est pas facile ?
Non, ce n’est pas facile. Non, ce n’est pas facile, c’est vrai. Je peux vous dire qu’en ce qui me concerne, si c’est l’intérêt de mon pays je suis prêt à me mettre derrière qui que ce soit d’autre. Je pourrais vous citer deux noms que j’ai à l’esprit, deux personnalités politiques gabonaises derrière lesquelles je serais disposé à me mettre.
Et ces deux autres noms ?
Non, je ne peux pas les dire !
Ce sont deux personnes qui sont déjà candidates ou qui ne le sont pas ?
Non, ça non plus, je ne peux pas donner cette précision.
Par RFI