La société est organisée sur des lois et des règles. Ces normes régulent la conscience collective, l’organisation sociale et le vivre ensemble. Mais pour que le système des normes et des valeurs fonctionne, les individus confèrent un pouvoir à une entité appelé l’Etat. L’Etat est donc cet organisme qui assure la sécurité des individus et le respect des valeurs. Lorsque la sécurité des individus est mise en difficulté, lorsque individus ne se sentent plus protégés par l’Etat, cela veut dire que l’Etat a échoué et l’Etat est défaillant. C’est la philosophie du droit et de l’Etat. Or dans le cadre de l’accident d’ESEKA, l’Etat a été clairement défaillant. L’Etat n’a pas pu assurer la sécurité des individus.
La décision du président Biya de tenir pour responsable la CAMRAIL dans le drame d’ESEKA est appréciable, mais elle n’est pas suffisante. Car, il apparaît clairement que l’État a d’abord faillit dans sa mission de protéger les populations. Dans tous les pays du monde qui se respectent, des sanctions politiques devaient être prises depuis des mois contre les personnes en charge du secteur des transports. Soit ils auraient démissionné, soit ils auraient été viré du gouvernement. Car il s’agit de la vie et la sécurité des populations. CAMRAIL ne peut pas être tenue pour seul responsable de la tragédie d’ESEKA. Le président de la République doit aller plus loin en prenant des sanctions d’ordre politique.
C’est le ministre des transports qui autorisé, à la suite d’une réunion qu’il avait convoqué dans ses bureaux de tout faire y compris par les surcharges pour faire voyager les passagers. C’était une décision très grave avec les implications que nous connaissons aujourd’hui. Il était d’ailleurs à CAMRAIL à 12h50 le même jour pour s’assurer que les populations voyagent dans les conditions qu’il a lui-même prescrites. Il a démenti au 13heures de la CRTV l’information d’un accident ferroviaire. Un démenti qui a certainement eu pour corollaire, vu la confusion crée au sein de l’opinion, de ralentir tout le processus de secours. A 16 heures, en compagnie de Mama Fouda, qui était sapé comme jamais » en costume cravate, le ministre des transports a réquisitionné un hélicoptère pour se rendre à Eseka en compagnie de plusieurs journalistes dont Emmanuel Atangana de la CRTV. Or ils auraient également pu réquisitionner des hélicoptères pour faire acheminer les équipes de secours sur place. Le lendemain, voyant l’ampleur des dégâts et du mécontentement populaire, il convoque les journalistes de CANAL 2 pour démentir des propos qu’il a lui-même tenu sur les antennes de la CRTV. Autant d’éléments qui montrent clairement que la responsabilité du ministre des transports est clairement engagée.
Nous savons très bien que le président ne fera rien. D’ailleurs, il s’agit de son fils. Mais il est de notre devoir, pour la mémoire des victimes, pour l’histoire que nous puissions toujours nous souvenir de nos malheurs. Aucune société, aucun peuple ne peut se bâtir sans justice. Mais chez nous, la justice est un mot qui a été rangé aux oubliettes depuis belle lurette.
Par Boris Bertolt, Journaliste Lanceur d’alerte