Le président du Collectif des jeunes de Touboro est sorti de prison ce 21 septembre 2015, après vingt-et-un mois derrière les barreaux.
Vos premiers mots en tant qu’homme libre, Célestin Yandal…
Je dis avant tout merci à Dieu qui m’a gardé durant les vingt-et-un mois que j’ai passés derrière les barreaux. Je dis merci aux médias, aux Ong qui ont pris ma défense dès mon arrestation en 2013. Je rends un vibrant hommage à ma famille politique, l’Undp, qui n’a ménagé aucun effort pour me faire sortir du mouroir dans lequel je me trouvais. Ce, en dépit du temps mis. Je remercie aussi certains leaders d’autres formations politiques qui ont pris ma défense. Je remercie la commune de Touboro qui a été à mes côtés durant ces mois de souffrances. Je rends un vibrant hommage à mon épouse qui a perdu la vie quelques mois après mon arrestation, au maire Undp de Ngaoundéré 2e et enfin, à Me Belmond Riyab, mort les armes à la main, alors qu’il venait défense ma cause. Je suis débordé par la tristesse, pour peu que je me souvienne de tous ces êtres chers. Que Dieu les garde à ses côtés.
Comment analysez-vous votre libération?
Il faut déjà dire que mon arrestation était arbitraire. Les griefs soulevés pour justifier mon arrestation n’avaient pas de fondement. Ces chefs-d’accusation se sont écroulés comme un château de cartes. J’étais placé sous cinq mandats de dépôt. Incroyable pour une seule personne quasiment inoffensive. Oui, j’ai été condamné et je respecte ces décisions de justice, tout comme je ne voudrais pas en faire un commentaire. Ce qui n’enlève en rien le caractère arbitraire de mon arrestation.
Quel regard portez-vous sur la justice camerounaise?
Je fais confiance à cette justice. Mais, elle a encore du chemin à faire. Surtout dans le département du Mayo-Rey, où règne une justice des plus forts, notamment celle du lamido et de ses affidés. La preuve, toutes les nombreuses plaintes que nous avons déposées pour dénoncer les exactions des dogari du lamido de Rey-Bouba n’ont jamais eu de suite. Comment peut-on comprendre cela ? J’ai eu à le dire devant la barre. Dans le Mayo-Rey, les opprimés sont jugés et mis en prison, les oppresseurs libres de leurs mouvements. Les magistrats du Mayo-Rey, surtout le ministère public, devraient aussi regarder les plaintes déposées par les opprimés.
Qu’envisagez-vous dans l’immédiat? L’on présume tout de suite que votre combat va se poursuivre…
Même si j’avoue que je mérite un repos, les exactions et les tortures subies avant et durant ma détention me donnent plus de courage aujourd’hui de poursuivre le combat. Celui de la libération des peuples opprimés du Mayo-Rey du joug de la dynastie de Rey. Je n’ai plus peur. Car, je sais désormais que je ne suis plus seul dans cette bataille de la justice et surtout de la liberté. Le peuple opprimé du Mayo-Rey, ma famille politique qu’est l’Undp, les médias que vous êtes, la société civile, les partis politiques… se sont déjà ralliés à cette noble cause. Impossible aujourd’hui d’abandonner.
Quel est le regard que vous portez sur le milieu carcéral camerounais?
Les prisons camerounaises, notamment celles de Garoua et de Tcholliré, sont de véritables mouroirs. Au final, l’on se demande si l’objectif de rééducation pour les détenus y demeure encore, tant la vie dans ces milieux est inqualifiable. Le gouvernement camerounais devrait tout faire pour changer la donne. Comment comprendre que des prisons construites pour recevoir moins de mille détenus se retrouvent avec des milliers aujourd’hui ?
À Tcholliré où je me trouvais depuis le mois d’avril 2015, pas moins de cinq détenus mourraient par semaine, à cause des mauvaises conditions de vie. Avant que je sorte ce 21 septembre 2015, un détenu est décédé. C’est une prison sans eau, sans électricité et surtout sans toilettes. Les détenus font leurs besoins dans des pots. C’est pour cela que je dis qu’elles sont de véritables mouroirs. En plus des conditions de vie inhumaines, il y a lieu de dénoncer ici les lenteurs judiciaires sans doute à l’origine de cette surpopulation carcérale.
© Mutations: Propos recueillis par Telesphore Mbondo