Depuis le 17 janvier, les régions anglophones du nord-ouest et sud-ouest du Cameroun n’ont plus accès à Internet. Le gouvernement souhaite ainsi museler les réseaux sociaux sur lesquels s’échangent nombre d’informations sur les protestations qui frappent ces régions dans lesquelles la population s’estime sous-représentée dans les institutions et l’administration. Des messages du ministère des Postes et télécommunication diffusés via les opérateurs mobiles mettent en gardes les usagers des peines encourues pour diffusion de “fausses informations” sur internet et les réseaux sociaux.
Non content de priver directement les régions anglophones des moyens d’information, les autorités interdisent également aux médias traditionnels de traiter de ces questions. Dans un communiqué très critiqué par plusieurs associations de journalistes et de défense des libertés, diffusé le 20 janvier sur les ondes de la radio-télévision nationale, Peter Essoka, président du Conseil national de la communication, l’organe de régulation, a mis en garde “l’ensemble des médias nationaux, publics et privés contre toute publication ou diffusion de propos tendant à faire l’apologie de la sécession et du fédéralisme sous peine de (…) suspension temporaire (ou) d’interdiction définitive d’activités.” Et il cite nommément sept médias qui se seraient rendus, selon lui, responsables de ces actes.
En réaction au communiqué, déclare “La crise anglophone est un problème camerounais. Nous sommes une télévision camerounaise. Donc nous allons en parler”, a réagi sur RFI, Jean Bruno Tagne directeur général adjoint chargé de l’information de la très regardée chaîne de télévision Canal 2 international, en réaction au communiqué.
“Reporters sans frontières, dénonce les mesures d’intimidation et de censure à l’encontre des médias, déclare Cléa Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique de Reporters sans frontières. Le gouvernement camerounais fait face à une crise politique et censurer les médias qui traitent de cette information ne permettra pas de la résoudre plus rapidement. Ces mesures récentes s’inscrivent dans une série de décisions attentatoires à la liberté d’information qui ne visent qu’à museler une presse camerounaise, certes souvent vibrionnante mais qui a néanmoins le droit de travailler librement”.
Atteintes physiques
Selon la famille du journaliste Duval-Level Ebale, fondateur de la radio Oxygène FM, ce dernier a été enlevé, mardi 17 janvier, par un groupe d’hommes cagoulés, à peine deux heures après avoir terminé une émission où il critiquait le traitement de la délégation anglophone lors des négociations en cours avec le gouvernement camerounais.
Le 11 janvier, le gouverneur régional de Bamenda dans le nord-ouest du pays, avait fait fermer la radio Cocoa FM pour avoir animé un débat sur la grève des enseignants, lors d’une mission interactive. Les locaux ont été scellés. Le ministre de la Communication avait déjà interdit en décembre 2016, à tous les médias de poursuivre les émissions interactives sur la crise politique actuelle.
Le 6 décembre 2016, le CNC avait aussi suspendu 22 journaux, dont deux de façon définitive, interdisant à vie à leur directeur de publication de pratiquer le journalisme.
Le Cameroun est classé 126ème sur 180 pays au Classement 2016 de la liberté de la presse établi par RSF.
Par RSF