Chasse à l’Homme à Yaoundé
Nous avons été littéralement inondés toute l’après midi de mardi 26 février par des rumeurs insistantes et des spéculations indécentes faisant notamment état de l’arrestation – supposée « en cavale » – de la brillante avocate camerounaise Michèle Ndoki, membre éminente du principal parti d’opposition de ce pays, le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) du professeur Maurice Kamto, séquestré dans les geôles du dictateur avec plus de 200 de ses camarades pour entre-autres « incitation à l’insurrection ».
Après recoupement des informations, il apparaît que l’arrestation dite en cavale de Me Ndoki est un grossier montage fabriqué par ses bourreaux pour accréditer l’idée d’un délit de fuite, donc d’une présomption de culpabilité, contre une opposante politique arrêtée à Douala et qui n’a absolument rien à se reprocher. Si ce n’est qu’elle essayait en cachette de se soigner des blessures par balles reçues des escadrons de la mort du dictateur lors de la manifestation pacifique du 26 janvier 2019.
Sommes-nous de nouveau sous l’ère prétendument révolu d’une dictature implacable, où l’opposition véritable doit choisir entre vivre en clandestinité, la séquestration, ou la mort? En effet, à Yaoundé, c’est devenue une routine de voir la dissidence politique traquée et réprimée à travers des disparitions forcées, la torture systématique, les arrestations et détentions arbitraires, et/ou la mort. En effet, Maurice Kamto, qui a tenté de s’opposer à M. Biya lors des élections factices de l’année dernière, est en prison et passible de la peine de mort. Les défenseurs des droits de l’Homme sont harcelés en permanence et poursuivis en justice, les journalistes arrêtés et empêchés de pratiquer librement leur profession, le travail des ONG est drastiquement limité.
C’est indiscutablement la seule possibilité laissée par la machine de terreur de Yaoundé, dans le but ultime de s’emparer du pouvoir laissé par le despote octogénaire Paul Biya entre les mains des clans régentés par son épouse Chantal Biya, la Deus ex machina du pays.
Sauvons à travers la libération de Maître Ndoki et ses camarades l’espoir évanescent d’une véritable démocratie au Cameroun.
En effet, le coup institutionnel en cours élimine même la « promesse » du régime démocratique. Ainsi, cette idée distillée que le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) est un «parti insurrectionnel» est totalement ridicule. Le MRC n’a rien fait d’autre que de jouer au jeu institutionnel et légaliste, le sachant pourtant biaisé. Ils sont allés à une course à la présidentielle que notre propre organisation souhaitait vivement les voir boycottée. Ils se préparaient sur la même lancée à participer aux élections municipales et législatives. Mais en rejetant aussi sauvagement, y compris les opposants les plus républicains, le régime de Yaoundé montre ses vraies couleurs: la politique de la terre brûlée conduit à la radicalisation de la compétition politique et à une inévitable (autre) guerre civile.
M. Biya et ses « créatures » peuvent bien penser qu’ils n’ont pas besoin de soutien populaire légitime pour continuer à lobotomiser et maintenir un peuple Camerounais apathique sous une chape de plomp sécuritaire. Cependant, la corruption, l’inflation, la misère, et le chômage, ainsi que la brutalité de l’État, alimentent les frustrations dans le pays. La propagande bien hulée du régime Biya n’arrête pas de prétendre que celui-ci nous a apporté «la stabilité et la paix» . Nous en sommes indéniablement très éloignés, et pour longtemps si nous n’y prenons garde. Parce que les gens qui continuent à soutenir aveuglement le règne de Biya manquent plus que d’intégrité politique. Ils manquent également d’intégrité psychique. Et c’est cela le malheur du Cameroun.
Par Joël Didier Engo, Président du Comité de Libération des Prisonniers Politiques et Olivier J. Tchouaffe, Porte-parole du CL2P
English version
Manhunt in Yaoundé
We were literally flooded all tueaday afternoon with persistent rumors and indecent speculation including the arrest – supposedly « on the run » – of the brilliant Cameroonian lawyer Michèle Ndoki, a prominent member of the country’s main opposition party. , the Movement for the Renaissance of Cameroon (MRC) of Professor Maurice Kamto, sequestered in the private dungeon of the dictator with more than 200 of his comrades for among others « incitement to insurrection ».
After cross-checking the information, it appears that Maître Ndoki’s arrest on the run is a crude montage made by her executioners to support the idea of a presumption of guilt against a political opponent arrested in Douala and who did nothing wrong. Except she was secretly trying to heal herself from the gunshot wounds she received from the dictator’s death squads during the peaceful demonstration on January 26, 2019.
Are we again under the supposedly end of an implacable dictatorship, where the true opposition must choose between living in hiding, sequestration, or death? Indeed, it is now routine in Yaoundé that political dissent is suppressed through disappearances, torture and arbitrary arrests. As said earlier, Maurice Kamto who tried to stand against Mr. Biya in last year’s sham election, has been jailed and could get the death penalty. Human rights defenders are harassed and prosecuted, journalists detained and barred from practicing their work, the work of NGOs drastically curbed.
This is indisputably the only possibility left by the machine of terror of Yaoundé, with the ultimate aim of seizing the power left by the octogenarian despot Paul Biya in the hands of the clans ruled by his wife Chantal Biya, the Deus ex machina of country.
Save through the release of Maître Ndoki and her comrades the evanescent hope of a true democracy in Cameroon.
Indeed, the constitutional coup now under way removes even the “promise or veneer” of democratic rule. Thus, this idea that the MRC is an “insurrectional party” is totally ludicrous. The MRC has done nothing but to play the game. They went to a presidential race our own organization boycotted. They were even preparing to go to municipal and legislative elections. By discarding, even the most loyal opposition, the regime of Yaoundé shows its true colors which scorched earth policy is leading to the radicalization of politics and civil war.
Mr. Biya and his “creatures” may well believe they do not need much legitimate popular support when they can coerce compliance. However, corruption, inflation and unemployment as well as state brutality are fueling frustrations in the country. A more accurate assessment of Mr. Biya’s rule might be that it provides “stability and peace” – for now. Folks who continue to bolster Biya’s reign, however, lack more than political integrity. They lack psychic integrity as well.