Classe politique française: Les masques tombent enfin sur l’Afrique…
Jusqu’ici tout semblait donc toujours permis aux hommes politiques et présidents français en Afrique: rançonner des États et leurs chefs (fussent-ils des dictateurs insupportables comme Kadhafi), puis commanditer l’éviction voire l’assassinat des derniers sous couvert de la légalité internationale.
Non messieurs, le précédent Libyen ne devrait plus se reproduire dans une démocratie qui se veut exemplaire.
La justice doit enfin y mettre un terme, précisément pour l’Honneur de la France.
[spacer style="1"]
Affaire libyenne : les oublis très commodes de Sarkozy dans sa déclaration aux juges
Dans son ultime déclaration aux magistrats avant sa mise en examen, Nicolas Sarkozy s’en prend à la chronologie des événements et aux incohérences de Ziad Takieddine. Habile, mais incomplet.
Pendant plus de 24 heures de garde à vue, mardi et mercredi, l’avocat Nicolas Sarkozy aura tout donné pour défendre bec et ongles son principal client : lui-même. “J’ai essayé avec toute la force de conviction qui est la mienne de montrer que les indices graves et concordants qui sont la condition de la mise en examen n’existaient pas”, a-t-il déclaré aux juges mercredi soir, en les implorant de lui éviter la mise en examen pour le placer sous un statut plus favorable, celui de témoin assisté. En vain.
Dans un texte probablement préparé à l’avance et calibré pour une fuite médiatique dans “le Figaro” ce jeudi matin, l’ancien chef de l’Etat déploie un auto-plaidoyer plutôt habile en trois parties : la chronologie suspecte des accusations, les incohérences multiples de Ziad Takieddine, le procès (actuellement en cassation) sur l’authenticité des documents publiés par Mediapart.
Par Violette Lazard et Timothée Vilars, L’OBS
[spacer style="1"]
Mis en examen, Nicolas Sarkozy dénonce les “mensonges” de Takieddine et Mediapart face aux juges
Mercredi soir, l’ex-chef de l’État a fait une longue déclaration aux magistrats pour leur demander de ne pas être mis en examen. En vain.
Il nie toujours farouchement les faits qui lui sont reprochés. Premier ex-président de la République placé sous contrôle judiciaire, Nicolas Sarkozy a été mis en examen, mercredi 21 mars au soir, pour “corruption passive”, “financement illégal de campagne électorale” et “recel de fonds publics libyens”.
Artisan majeur de la chute du potentat libyen Mouammar Kadhafi en 2011, l’ex-chef de l’Etat a fait une longue une déclaration aux magistrats qui venaient lui signifier leur décision à Nanterre, après plus de 24 heures de garde à vue. Un texte révélé ce jeudi matin par “le Figaro”, dans lequel Nicolas Sarkozy dénonce les “mensonges” de l’homme d’affaires franco-libanais Ziad Takieddine, qui assure avoir remis à son camp 5 millions d’euros en provenance du régime Kadhafi, en 2006 et 2007. Il attaque également le site d’investigation Mediapart, en pointe sur cette affaire depuis 2012.
“Comment peut-on dire que j’ai favorisé les intérêts de l’État libyen ?” s’exclame Nicolas Sarkozy. “Sans mon engagement politique, ce régime serait sans doute encore en place.”
“Croyez-vous que si j’avais la moindre chose à me reprocher en la matière, j’aurais été assez bête, assez fou pour m’attaquer à celui qui m’aurait à ce point financé ? Pourquoi prendre ce risque ?”
Selon nos informations, plusieurs anciens dignitaires du régime Kadhafi avaient en effet récemment livré de récents témoignages confirmant les soupçons de financement illicite. Nicolas Sarkozy rappelle la chronologie de ces dénonciations :
“Les déclarations de M. Kadhafi, de sa famille et de sa bande n’ont commencé que le 11 mars 2011, c’est-à-dire le lendemain de la réception à l’Élysée du CNT, c’est-à-dire les opposants à Kadhafi. C’est à ce moment-là et jamais avant que la campagne de calomnies a commencé.”
Takieddine : “mensonge, mensonge, mensonge”
Du sulfureux businessman Ziad Takieddine, dont il rappelle les liens financiers avec l’Etat libyen, Nicolas Sarkozy liste trois “mensonges” qu’il a selon lui démontrés lors de sa garde à vue.
- “M. Takieddine aurait vu le fils Kadhafi le 4 mars 2011. Il ne peut pas y avoir d’erreur sur cette date puisque c’est le lendemain que M. Takieddine a été arrêté au Bourget avec une importante somme en liquide. Or en relatant cet entretien, M. Takieddine dit : ‘J’ai demandé au fils de Kadhafi si ce qu’il avait dit à Euronews concernant le financement de la campagne de Nicolas Sarkozy était vrai.’ Or ce fait est matériellement impossible puisque l’interview à Euronews de Saïf Al Islam n’a eu lieu que 12 jours plus tard, soit le 16 mars. Comment peut-on interroger quelqu’un sur une émission qui n’a pas eu lieu et sur des propos qui n’avaient donc pas encore été tenus ?”
- “M. Takieddine ment lorsqu’il affirme sans aucune preuve qu’il pouvait pénétrer Place-Beauvau sans justifier du moindre rendez-vous, simplement en déposant son nom. On ne rentre pas Place-Beauvau sans indiquer avec qui on a rendez-vous !”
- “Il se trompe sur la prétendue description des lieux du ministère de l’Intérieur quand il indique que le bureau de Claude Guéant était au premier étage à côté de l’appartement du ministre de l’Intérieur. C’est faux ! Le bureau du directeur de cabinet, Claude Guéant ou un autre, a toujours été au rez-de-chaussée, et au premier étage il n’y a aucun autre bureau que celui du ministre.”
“Compte tenu de leur absence de crédibilité, les propos de M. Takieddine ne peuvent en aucun cas constituer des indices graves et concordants quand on connaît son passé judiciaire et les multiples déclarations contradictoires qu’il a proférées”, conclut Nicolas Sarkozy.
Mediapart : “comble de la manipulation”
L’ex-homme fort de la droite française s’attaque dans un second temps au site Mediapart, qui avait lancé l’affaire en publiant, fin avril 2012, un document libyen accréditant un financement d’environ 50 millions d’euros. La tractation supposée devait notamment permettre à la Libye de sortir de son isolement diplomatique.
Nicolas Sarkozy, qui qualifie ce document de “comble de la manipulation”, cite le rapport de deux juges d’instruction du tribunal de Paris, René Cros et Emmanuelle Legrand, qui ont enquêté sur son authenticité.
“Je cite les trois dernières phrases : ‘La réunion évoquée par cet écrit n’a pas pu se tenir à la date indiquée, ce qui semble confirmer que le contenu pourrait être mensonger. Il existe donc une forte probabilité pour que le document produit par Mediapart soit un faux.'”
Rappelons que la justice a prononcé en mai 2016 puis en novembre 2017 un non-lieu au bénéfice de Mediapart, que l’ex-président avait attaqué pour “faux, recel de faux, usage de faux et diffusion de fausses nouvelles.” Nicolas Sarkozy s’est pourvu en cassation.
Compte tenu de la “fragilité” du document, ce dernier estime néanmoins avoir tenté de montrer que les indices graves et concordants qui justifient aujourd’hui sa mise en examen “n’existaient pas”.
“Les faits dont on me suspecte sont graves, j’en ai conscience. Mais si, comme je ne cesse de le proclamer avec la plus totale constance et la plus grande énergie, si c’est une manipulation du dictateur Kadhafi ou de sa bande, ou de ses affidés, dont Takieddine fait à l’évidence partie, alors je demande aux magistrats que vous êtes de mesurer la profondeur, la gravité, la violence de l’injustice qui me serait faite.”
Nicolas Sarkozy, qui estime devoir aux révélations de Mediapart sa défaite à l’élection présidentielle de 2012, explique que les dénonciations de Ziad Takieddine ont également fragilisé sa campagne pour les primaires de la droite fin 2016, compromettant ses chances de retour au pouvoir.
“J’ai déjà beaucoup payé pour cette affaire. Depuis le 11 mars 2011, je vis l’enfer de cette calomnie.”
L’ex-chef de l’Etat et avocat de profession conclut cette autoplaidoirie en demandant aux juges de retenir “des indices, et non pas des indices graves et concordants” et donc de le placer, comme dans le cas d’autres affaires, sous le statut de témoin assisté. En vain, donc.
T. V.
Source L’OBS