Le 21 Février 2017, Siège du REDHAC -Douala,
PROPOS LIMINAIRE de la Directrice Exécutive,
Madame Maximilienne Ngo MBE épse MOUTOUDOU
Mesdames et Messieurs les journalistes
Comme à l’accoutumée, je vous sais gré de répondre positivement à l’invitation du REDHAC.
Voici quatre mois que le Cameroun est en ébullition dans deux de ses régions d’expression anglaise, à savoir le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. Et on a vite fait d’appeler cela ‘’crise anglophone’’. Une crise née d’un malentendu historique avec la réunification en octobre 1961 de l’ancien Cameroun oriental de culture et expression française et de l’ancien Cameroun occidental de culture et d’expression anglaise. Au fil des années, cette réunification ; a la faveur de la classe dirigeante francophone qui, jouant de la loi du nombre, dicte pratiquement ses lois aux compatriotes anglophones qui, de plein gré et de bonne foi ont adhéré à la réunification.
Il se trouve malheureusement qu’avec le temps, la classe dirigeante francophone a multiplié des initiatives et des actes frustrants pour les deux régions anglophones du pays : le référendum du 20 mai 1972 qui a mis un terme au système fédéral mis en place par les accords de Foumban de 1961. Pire encore le décret de 1984 abrogeant l’État unitaire né au terme du référendum ci-dessus cité.
Ces régions étouffent sous une prolifération des fonctionnaires francophones souvent issus des mêmes régions, à savoir le Centre, le Sud et l’Est du Cameroun.
Il va donc sans dire que toutes les régions du Cameroun qui attendent la mise en place de la décentralisation depuis 1996 manifestent leur impatience à travers des memoranda vite étouffés par les élites organiques acquises à la cause du parti au pouvoir.
Le problème a débuté par des revendications des avocats d’abord sur la question de la traduction en anglais juridique du nouveau code pénal adopté par l’assemblée Nationale et promulgué par le chef de l’État le 12 juillet 2016 sur la loi N°2016/007, ensuite les enseignants qui exprimaient leur mal être dans l’exercice de leur fonction, tout ceci dans un élan pacifique. C’est par la suite qu’ayant compris la nécessité de créer un cadre de concertation efficace en cas d’une éventuelle négociation avec l’État, qu’ils ont mis en place le Consortium des Organisations de la société civile anglophone.
À travers des médias que vous représentez tous ici, on a suffisamment glosé sur cette crise. Fédéralisme, Sécession, les négociations, la violence et surtout l’utilisation disproportionnée de la force par la police, la gendarmerie et les agents de sécurité qui ne doivent sortir qu’en cas de guerre.
La nouveauté sur laquelle le REDHAC entend faire entendre se situe autour : des embastillements, des enlèvements, des séquestrations et de l’ouverture des procès intentés contre ceux qui sont présentés comme les meneurs de ces revendications:
1) le REDHAC a rendu visite à certains prévenus notamment Me AGBOR à la prison principale de Kondengui, de cette visite il ressort que presque tous ceux qui sont devant le tribunal aujourd’hui ont été kidnappés par le même mode opératoire. Une voiture vient spécialement avec des envoyés spéciaux de Yaoundé pour procéder aux arrestations sans que les Gouverneurs qui représentent l’Etat ne soient informés: pour le REDHAC, il s’agit des enlèvements, des séquestrations, et embastillements purs et simples dans ces régions.
2) Les procès proprement dits : La façon par laquelle les autorités préparent l’opinion nationale et internationale à accepter les sentences qui se préparent ne peut pas nous laisser indifférents. J’en veux pour preuve la récente sortie devant les médias du Ministre de la communication, Porte parole du Gouvernement qui a pris la place du Commissaire du Gouvernement en démontrant à suffisance l’interférence de l’Etat dans les affaires juridiques en général et dans cette affaire en particulier. Cela est inadmissible dans un ‘’État dit de Droit’’.
Le REDHAC a observé le procès le 13 février 2017 au tribunal militaire.
Vous devez savoir qu’il y a deux affaires qui passent au tribunal militaire:
1e) Me Felix Agbor-Balla (prison principale de Kondengui)
Dr Fontem Aforteba’a Neba (Prison Centrale de Kondegui)
Mancho Bibixy alias BBC (prison Centrale de Kondengui)
Les 3 sont poursuivis d’Actes de terrorisme, d’hostilité contre la patrie, de sécession, de révolution, de rébellion collective, de propagation de fausses Nouvelles à cela pour BBC on doit ajouter défaut de port de la Carte d’Identité Nationale. Le représentant du ministère public, le Commandant NZIE Pierrot Narcisse, Commissaire du gouvernement a demandé au tribunal qu’ils soient punis conformément aux articles 74,97,11,112,154,158, du code pénal et conformément également à l’article 2 de la loi N°2014/28 du 23 décembre 2014 portant « répression des actes de terrorisme au Cameroun ». Je vous lis l’intégralité de cette loi:
« Est puni de la peine de mort, celui qui, à titre personnel, en complicité ou en coaction commet tout acte ou menace susceptible de causer la mort, de mettre en danger l’intégrité physique, d’occasionner des dommages corporels ou matériels, des dommages des ressources naturelles, à l’environnement ou au patrimoine culturel dans l’intention:
a) d’intimider la population, de provoquer une situation de terreur ou de contraindre la victime, le gouvernement et/ou une organisation nationale ou internationale, à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque, à adopter ou à renoncer à une position particulière ou à agir selon certains principes;
b) de perturber le fonctionnement normal des services publics, la prestation de services essentiels aux populations ou de créer une situation de crise au sein des populations;
c) de créer une insurrection générale dans le pays. ».
2e) Un autre procès
– Mme CHE Saphwra LUM (résidant à Bamenda la seule à comparaitre librement)
– Elvis NDZAN YUY
– Elvis TATAH
– VERANSO Stephen
-PENN Terence (Tous résidant à Bamenda et incarcérés à la Prison Centrale de Kondengui à Yaoundé)
Accusés eux aussi d’actes de terrorisme. Ils encourent les mêmes peines sous silence. Le pire c’est que n’étant pas connus du public et ne bénéficiant pas des mêmes traitements sur le plan médiatique national, régional et international, ils pourraient même être fusillés sur la place publique.
Voilà Mesdames et Messieurs les journalistes, comment les autorités du Cameroun vont exercer l’article 2 de la loi contre le terrorisme que nous avons tant décriée dès sa promulgation par le Chef de l’Etat en décembre 2014.
8 et non pas 3 Camerounais dont 1 femme risquent la peine de mort pour avoir simplement voulu pacifiquement exercer leur droit à la liberté d’opinion, d’expression, d’Association et de manifestations.
Pour le REDHAC :
– l’acte de dissolution de la Cameroon Anglophone Civil Society Cosortium (CACSC) du Ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation est nul et de nul effet,
– Par les arrestations , détentions arbitraires des leaders et des autres manifestants, l’Etat du Cameroun est pris en flagrant délit de violation massive des articles 9, al1 « toute personne a droit à l’information », al2 « toute personne a le droit d’exprimer et de diffuser ses opinions … », article 10 Al1« Toute personne a le droit de constituer librement des associations avec d’autres… » de la Charte Africaine des Droits de l’Homme dont l’Etat du Cameroun est membre.
A côté de ces procès iniques, 8 manifestants parmi les 25 arrêtés lors des manifestations à Bamenda restent introuvables, le REDHAC demande aux autorités de publier la liste de ces jeunes ‘’fer de lance de la Nation’’ disparus, sinon, l’Etat devra répondre de ces disparitions forcées devant les mécanismes régionaux et internationaux des droits humains.
Mesdames et Messieurs les Journalistes :
Pour le REDHAC, l’Etat du Cameroun utilise la violence comme mode de dialogue social en violation des droits fondamentaux de la constitution et des autres instruments régionaux et internationaux. Ceci s’illustre par la réquisition de la peine de mort par le ministère public.
Face à ces violences juridiques et judiciaires, le REDHAC annonce la mise en place d’un groupe d’action au niveau national, régional et international pour exiger:
– La libération de tous ceux qui sont arrêtés dans le cadre de ces manifestations ; libération sans condition
– Le réexamen de la loi portant « répression des actes de terrorisme au Cameroun, surtout l’article 2,
– l’arrestation et la traduction devant la justice des agents de la police, de sécurité et les forces de défense en l’occurrence les éléments du Bataillon d’Intervention Rapide(BIR) qui ont utilisé la force disproportionnée. Un Etat de droit ne peut devenir un État de force.
– La publication des noms des 8 manifestants arrêtés par les autorités et portés disparus jusqu’à ce jour.
– Le rétablissement dans ces 2 régions de la connexion internet. Le droit d’avoir une connexion internet est un droit aujourd’hui reconnu par les Nations Unies, le Cameroun est l’un des pays membres des Nations Unies ;
l’Etat du Cameroun ne peut pas opposer aux citoyens une telle violence lorsque ces derniers revendiquent légitimement leurs droits. Par conséquent, il doit répondre de ses actes devant l’Union Africaine, la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, les Nations Unies, en l’occurrence (le groupe de travail sur les disparitions forcées, et celui des arrestations et détentions arbitraires des Nations Unies).
Nous ne pouvons pas terminer ces propos sans rendre hommage à ces valeureux avocats à savoir Me Muna, Me Tchougang, Me Monthe et bien d’autres qui ont démontré qu’il s’agit bel et bien des procès iniques et purement politiques lors du procès du 13/02/2017 au Tribunal Militaire à Yaoundé.
Affaire à suivre. Nous y veillerons pour que justice soit rendue. Rendez vous le 23 Mars 2017 à Yaoundé a Tribunal Militaire.
JE VOUS REMERCIE
[spacer style="1"]
Press Conference on : «The crisis in the Anglophone Regions and the trial of the protesters».
The 21st of February 2017, REDHAC Head Office-Douala,
Executive Director’s OPENING REMARKS,
Mrs. Maximilienne Ngo MBE MOUTOUDOU
Ladies and gentlemen, the journalists
As usual, thank you for responding positively to REDHAC’s invitation.
Cameroon has been in ferment for the last four months in its two English-speaking regions, namely the North-West and South-West. And we quickly called it “Anglophone crisis”. A crisis born of a historical misunderstanding with the reunification in October 1961 of the former Eastern Cameroon of French culture and expression and the former West Cameroon of English culture and expression.
Over the years, this reunification got the favor of the Francophone ruling class, which, taking advantage of the majority rule, practically dictated its laws to the Anglophone compatriots who, willingly and in good faith, adhered to the reunification.
Unfortunately, over time, the Francophone ruling class has multiplied frustrating initiatives and actions for the two Anglophone regions of the country: the referendum of the 20th of May 1972, which put an end to the federal system set up by the agreements of Foumban of 1961. Even worse, the decree of 1984 abrogating the unitary State born at the end of the above mentioned referendum.
These regions are stifled by the proliferation of Francophone civil servants, often coming from the same regions, namely the Centre, the South and the East Cameroon.
Needless to say, all the Cameroonian regions which have been waiting for the implementation of the decentralization since 1996 express their impatience through memoranda, quickly stifled by the organic elites adhering to the cause of the ruling party.
The problem began with the lawyers’ claims first on the issue of the translation into legal English of the new Penal Code adopted by the National Assembly and promulgated by the Head of State on 12 July 2016 on Law No. 2016 / 007, and then the teachers who expressed their malaise in the exercise of their function, all this in a peaceful impetus. Thereafter, having understood the need to create an effective consultation framework in the event of a possible negotiation with the State, they set up the Consortium of Anglophone Civil Society Organizations.
Through the media that you all represent here, we have sufficiently glossed on this crisis. Federalism, Secession, negotiations, violence and, above all, the disproportionate use of force by the police, gendarmerie and security agents, which must happen only in case of war.
The novelty on which REDHAC intends to raise awareness concerns: detention, abduction, sequestrations and the opening of trials against those who are presented as leaders of these demands:
1) REDHAC visited certain suspects, including Mr. AGBOR in the Kondengui Principal Prison. The visit revealed that almost all those who are in court today have been kidnapped with the same procedure. A car comes with special envoys from Yaounde specifically to proceed to the arrests without the Governors representing the State being informed: for REDHAC, this is a kidnapping, a sequestration, and pure and simple detention in these regions.
2) The trials: the way in which the authorities prepare the national and international opinion to accept the upcoming sentences cannot leave us indifferent. This is evidenced by the recent communication to the press of the Minister of Communications, Spokesperson for the Government, who has replaced the Government Commissioner by adequately demonstrating the State interference in legal affairs in general and in this case in particular. This is inadmissible in a so-called ‘Rule of Law Country’.
REDHAC observed the trial on the 13th of February 2017 at the Military Court.
You have to know that there are two cases going to the Military Court:
1e) Mr Felix Agbor-Balla (Kondengui Principal Prison)
Dr Fontem Aforteba’a Neba (Kondengui Central Prison)
Mancho Bibixy alias BBC (Kondengui Central Prison)
The three are prosecuted for Acts of terrorism, hostility against the homeland, secession, revolution, collective rebellion, propagation of false news to this for BBC must be added lack of National Identity Card. The public prosecutor, Commander NZIE Pierrot Narcisse, Government Commissioner asked to the court their punishment in accordance with articles 74,97,11,112,154,158 of the Penal Code on the cyber-criminality and also in accordance with article 2 of Law No. 2014 / 28 of 23 December 2014 on the suppression of acts of terrorism in Cameroon. I quote the article:
« Shall be punished with the death penalty whoever, acting alone as an accomplice or accessory, commits or threatens to commit an act likely to cause death, endanger physical integrity, cause bodily injury or material damage, destroy natural resources, the environment or cultural heritage with intent to:
a) Intimidate the public, provoke a situation of terror or face the victim, the government and/or a national or international organization to carry out or refrain From carrying out an act, adopt or renounce a particular position;
b) Disrupt the national functioning of public services, the delivery of essential services to the public to create a crisis situation among the public;
c) Create widespread insurrection in the country».
2e) Another trial
– Mrs. CHE Saphwra LUM (residing in Bamenda, the only one who appears freely)
– Elvis NDZAN YUY
– Elvis TATAH
– VERANSO Stephen
-PENN Terence (All residing in Bamenda and detained in the Kondengui Central Prison in Yaoundé)
They are also accused of acts of terrorism. They silently face the same penalties. The worst thing is that they are not known to the public and do not benefit from the same treatments on the national, regional and international media, they could even be shot in the public square.
That is how, Ladies and Gentlemen, the authorities of Cameroon are going to apply Article 2 of the law against terrorism, which we have so much criticized as soon as it was promulgated by the Head of State in December 2014.
8 and not 3 Cameroonians, including 1 woman, who risk the death penalty for merely wishing to exercise their right to freedom of opinion, expression, association and demonstration.
For REDHAC:
– the act of dissolution of the Cameroon Anglophone Civil Society Cosortium (CACSC) of the Minister of Territorial Administration and Decentralization is null and void,
– by the arrests, arbitrary detentions of the leaders and other demonstrators, the State of Cameroon is caught in the act of a flagrant violation of Art. 9, para. 1 “Every individual shall have the right to receive information”, para. 2 “Every individual shall have the right to express and disseminate his opinions…”, Art. 10 para. 1 “Every individual shall have the right to free association … “of the African Charter on Human Rights, of which the State of Cameroon is a member.
Beside these unfair trials, 8 out of the 25 protesters who were arrested during the demonstrations in Bamenda remain untraceable, REDHAC urges the authorities to publish the list of these young “spearheads of the Nation” missing, otherwise the State will have to respond for these enforced disappearances before the regional and international human rights mechanisms.
Ladies and Gentlemen, the journalists
According to REDHAC, the State of Cameroon uses violence as a form of social dialogue in violation of the fundamental rights of the constitution and other regional and international instruments. This is illustrated by the requisition of the death penalty by the public prosecutor.
In the face of this legal and judicial violence, REDHAC announces the establishment of an action group at national, regional and international level to demand:
– The release of all those arrested in connection with these demonstrations; unconditional release.
– The re-examination of the law on “Suppression of acts of terrorism in Cameroon, especially article 2.
– The arrest and bring to justice of the police, security and defense forces, in this case the elements of the Rapid Intervention Battalion (BIR), which used disproportionate force. The rule of law cannot become a State of force.
– The publication of the names of the 8 demonstrators arrested by the authorities and missing to date.
– The re-establishment in these 2 regions of the Internet connection. The right to have an Internet connection is a right now recognized by the United Nations, Cameroon is one of the member countries of the United Nations/
The State of Cameroon cannot oppose such violence to citizens when they legitimately claim their rights. It is therefore accountable to the African Union, the African Commission on Human and Peoples’ Rights, the United Nations, the UN Working Group on Enforced Disappearances and UN Working Group on Arbitrary Detentions.
We cannot conclude these remarks without paying tribute to these valiant lawyers, namely Mr. Muna, Mr. Tchougang, Mr. Monthe and many others who have demonstrated that these are unfair and purely political trials at the hearing of 13/02/2017 at the Military Court in Yaounde.
A case to follow up. We will make sure that justice is done. See you on the 23rd of March 2017 at the Military Court in Yaoundé.
THANK YOU