Crédit photo :Le président sortant Denis Sassou Nguesso et son épouse Antoinette quittent mercredi soir le QG de campagne. Au terme d’un scrutin contesté, D. Sassou Nguesso a été déclaré réélu par la Céni avec 60% des voix.
© Marco Longari/AFP
Commencer cette journée avec Radio France Internationale (RFI) – annonçant en boucles ce qu’elle a assimilé à une “victoire” après une mascarade d’élection présidentielle du boucher de Brazzaville Dénis Sassou Nguesso…a non seulement déprimé mais ôté définitivement tout espoir de voir cette France officielle accompagner véritablement un jour les processus de libération démocratique des peuples du sous-continent des derniers bastions tyranniques (Cameroun, Tchad, les deux Congo, Le Gabon…).
Sans sombrer dans la théorie du complot très prisée par les théoriciens du panafricanisme identitaire et réactionnaire, il n’en demeure pas moins que cette libération des peuples d’Afrique noire francophone se fera inéluctablement, tôt ou tard, sans la France.
Nombre d’entre-nous ne seront peut-être plus de ce monde, mais elle se fera.
Car aucun peuple ne se complaît ou résigne indéfiniment dans une tyrannie imposée et/ou soutenue en partie par des forces extérieures, en Afrique comme ailleurs dans notre monde intégré.
Président du CL2P
Congo : la victoire anachronique de Sassou-Nguesso
Editorial du « Monde ». 24.03.2016
Après trente-deux ans au pouvoir, Denis Sassou-Nguesso a donc été réélu. Au premier tour, comme il l’avait annoncé. La victoire est sans appel, et nul ne s’en étonnera. Le chef de l’État de la République du Congo a recueilli plus de 60 % des suffrages, selon les résultats proclamés par son ministre de l’intérieur. Son succès aura pour autant bien du mal à recevoir un quelconque vernis démocratique.
Comment, en effet, juger une élection « transparente », quand les résultats sont annoncés au milieu de la nuit, dans un pays où l’ensemble des communications sont coupées depuis la veille du scrutin de dimanche ? Comment la considérer comme « équitable », quand les moyens de l’État sont à la disposition d’un candidat, tandis que les opposants sont contraints au bricolage ? Ou quand le calendrier électoral est imposé par le candidat-président ? Comment, enfin, estimer que cette élection a été obtenue à l’issue d’une campagne apaisée, quand les quartiers de la capitale, Brazzaville, réputés frondeurs sont quadrillés par les forces de l’ordre, et que les journalistes, comme l’envoyé spécial du Monde et deux reporters de l’Agence France-Presse, se font agresser par des policiers en civil dans une évidente manœuvre d’intimidation?
En guise d’avertissement, les manifestants qui s’étaient aventurés dans les rues, en octobre 2015, pour contester le vote d’une nouvelle Constitution, taillée sur mesure pour permettre à Denis Sassou-Nguesso, bloqué par la limite d’âge et son nombre de mandats, de se représenter, avaient subi une répression qui a fait entre 4 et 20 morts. Puis en février, les partisans du général Jean-Marie Michel Mokoko, l’un des principaux compétiteurs de cette présidentielle, avaient été violemment pris à partie par des gros bras du régime, lorsqu’ils étaient venus accueillir leur candidat à l’aéroport.
Les opposants congolais, qui dénoncent « un hold-up électoral », ont souvent longtemps frayé avec le pouvoir, et leur conversion à la démocratie est des plus tardives. Guy-Brice Parfait Kolélas, arrivé second selon les résultats officiels, a été un ministre de l’inamovible président et demeure un proche de l’extrême droite française. Jean-Marie Michel Mokoko a été le chef d’état-major des armées de M. Sassou Nguesso et serait impliqué dans une tentative de coup d’Etat contre lui.
Il n’en demeure pas moins que la réélection de Denis Sassou Nguesso ne fait pas avancer la démocratie au Congo-Brazzaville. Et par contrecoup sur le continent africain, qui détient le record mondial du nombre de présidents cumulant plusieurs décennies au pouvoir.
Une tendance lourde se dessine ainsi au sud du Sahara : celle des potentats, dont le clan élargi a mis la main sur les richesses du pays – au Congo, elles sont pétrolières –, modifiant les Constitutions à leur convenance pour rester au pouvoir. Après la réélection de Denis Sassou Nguesso et du Burundais Pierre Nkurunziza, celles du Tchadien Idriss Déby et du Djiboutien Ismaïl Omar Guelleh se profilent dans les prochaines semaines, dans un climat comparable à celui observé à Brazzaville.
Un anachronisme sur un continent qui regarde vers l’avenir et s’ouvre à l’extérieur. Pour tous ces « dinosaures », le danger ne vient pas de la contestation d’opposants affaiblis ou de chancelleries occidentales agacées. Il est à chercher dans l’exaspération d’une jeunesse sans avenir, sans emploi, et qui n’a connu qu’un seul régime.