Tiré de l’article de Mme DORINE EKINE journaliste au journal Mutations: “Cameroun – Conseil des droits de l’Homme de l’ONU: Le caillou dans la chaussure du gouvernement”, Yaoundé, 21 Février 2014
C’est donc fait, après moult tractations, des personnes incarcérées pour de présumés détournements de deniers publics ont réussi à se faire libérer grâce à la pression internationale; notamment, en passant par le Conseil des droits de l’Homme de l’Onu. Mise sur pied en 2006, cette instance a fait signer aux États membres de l’Onu le pacte international sur les droits civils et politiques ratifié par l’État du Cameroun.
À cet effet, le pays est tenu de respecter les droits de ses citoyens, selon les dispositions stipulées par ce pacte qui donne également le droit aux citoyens des pays membres, abusés dans la gestion de leurs droits, de poursuivre ces États. Une fois la ratification effective, le Cameroun a mis sur pied en avril 2011, le comité interministériel de suivi et de mise en œuvre des décisions issues des mécanismes internationaux de promotion et protection des droits de l’Homme. Présidé par le secrétaire général des services du Premier Ministre ou son représentant, il est basé dans les services du Premier Ministre à Yaoundé et rend directement compte au Président de la République.
Au fait de ces ratifications, les détenus dans le cadre de la campagne dite de lutte contre la corruption au Cameroun, communément présentée sous l’appellation “d’opération Épervier”, ont vu la faille et s’y sont engouffrés.
Ainsi, Joël Désiré Engo, fils de Pierre Désiré Engo a décidé de saisir le groupe de travail sur la détention arbitraire de son père. Le quartier général de cette instance est basé à Genève en Suisse. Rattaché au conseil des Nations-Unies sur les droits de l’Homme, ce groupe statue sur les détentions arbitraires. Au terme de ses auditions, il soumet des avis aux États ainsi mis en cause par leurs citoyens. Ces États, afin d’éviter de tomber dans les travers de violation des droits de l’Homme, sont contraints de mettre en œuvre les recommandations ainsi émises. C’est dans ce contexte qu’en 2009, le groupe délibère sur le cas Engo et recommande vivement à l’Etat du Cameroun, de le libérer.
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Sur son blog, Joël Didier Engo commente ainsi cette décision: «Aucun juriste, aucun démocrate, encore moins aucun défenseur des droits humains… ne peut évidemment se satisfaire de ce “décret à tête chercheuse” ( le décret de grâce signé par le Président Paul Biya en février 2014) qui laisse à un chef omnipotent de l’exécutif le privilège (peu républicain) de choisir en toute discrétion parmi ses prisonniers personnels, ceux qu’il veut désormais voir sous une liberté surveillée, et les autres qu’il tient à maintenir au bagne».
Parallèlement au cas Engo, l’avocat de Lapiro de Mbanga saisit également cette juridiction. Dans son avis, le Groupe recommande la libération de Lapiro de Mbanga car, affirme-t-il, il n’y a pas de preuves suffisantes qui militent pour son arrestation. Dans une deuxième recommandation, le groupe demande que Lapiro de Mbanga ne soit pas appelé à payer les dommages et intérêts qui lui étaient réclamé par l’État du Cameroun et qui s’élevaient alors à 280 millions de FCFA. Dans le même temps, le groupe recommande à l’Etat du Cameroun d’assurer la protection de Lapiro de Mbanga une fois libéré, et de réparer le préjudice causé à l’artiste du fait de son incarcération pendant trois ans.
Libéré bien avant la sortie de l’avis du groupe, Lapiro de Mbanga se réfugie aux Etats Unis sous l’égide de l’Onu et décède un an après. Ce qui évitera au Cameroun de devoir assurer sa protection. Toutefois, pour ce qui est du règlement de la réparation du préjudice, l’État traîne le pas. Pour rentrer dans ses frais, Lapiro aurait fait appel aux États-Unis à l’«Alien Tort Claims», une procédure qui vise à transformer les recommandations des Nations unies en décisions civiles. À terme, ses ayants-droits auront donc la possibilité de saisir les comptes et avoirs du Cameroun dans ce pays.
Une démarche qui peut ainsi être préjudiciable à l’État et que Michel Thierry Atangana compte bien exploiter après 17 ans de détention.
Dans l’avis rendu par le groupe de travail sur la détention arbitraire à son sujet, il est stipulé qu’un détenu ne peut être condamné deux fois dans le cadre de la même affaire. On retrouve d’ailleurs ce passage à l’alinéa 5 du décret de remise de peines signé en février 2014 par le Chef de l’État Paul Biya.
Depuis à ces trois cas, est venu s’ajouter celui Paul Eric Kingue, dont l’avis n° 38/2014 du groupe de travail des Nations Unies, adopté le 29 Août 2014 reconnaît explicitement l’arrestation et la détention de Paul Eric Kingue (PEK) comme arbitraire et enjoint l’État du Cameroun à mettre un terme à cette situation (détention) qui n’a que trop duré. Par ailleurs, le Groupe de Travail des Nations Unies sur la détention arbitraire, demande à l’État du Cameroun de réparer les torts causés à ce détenu, du fait de cette longue détention.
Enfin, cet avis/recommandation des Nations Unies, vient mettre un terme sur les débats portant sur la détention arbitraire ou non de Paul Eric Kingue (PEK). En même temps, qu’il vient conforter les avis de toutes les organisations internationales (Amnesty International, Fédération Internationale des droits de l’Homme «FIDH», Transparency International, Commission National des droits de l’Homme et des Libertés «CNDHL») sur cette détention incompréhensible, qui à jeté le discrédit sur la justice Camerounaise et contribué à ternir de manière irréversible l’image du Cameroun englué depuis plusieurs années, dans des violations barbares des droits de l’homme et piétinements ostentatoires de ses lois internes.
Difficile en effet d’admettre qu’un État qui proclame son attachement aux droits de l’Homme et à la démocratie, se mette en porte faux avec ses textes fondamentaux, maquillant les condamnations politiques en crimes ou délits de droits communs. Le Cameroun est ainsi constamment rattrapé dans ses stratégies d’application de sa politique de l’autruche.
3) Affaire Thierry Michel Atangana