La « Madame Corse » du gouvernement Jacqueline Gourault a évoqué, mardi 3 juillet, le rapprochement récent en Corse de « prisonniers politiques », un terme cher aux nationalistes, s’attirant avec ce lapsus, malgré un rapide rétropédalage sur Twitter, des critiques et des commentaires ironiques.
« Il y a eu récemment des prisonniers politiques qui ont été rapprochés en Corse », a répondu la ministre auprès du ministre de l’intérieur sur France Inter à une question évoquant les critiques adressées au gouvernement par le président de l’exécutif corse Gilles Simeoni, au lendemain d’une rencontre de ce dernier avec le premier ministre, Edouard Philippe.
Un peu plus tard, sur son compte Twitter, la ministre a fait une mise au point : « Evidemment, je ne m’approprie pas l’expression “prisonniers politiques” ! Il s’agit de détenus de droit commun. Les rapprochements se font au cas par cas, la chancellerie examine un par un chacun des dossiers. »
Dans l’entourage de Mme Gourault, on explique qu’elle « a commis une petite erreur de langage en reprenant l’expression “prisonniers politiques”, terme d’abord utilisé dans la question qui lui était posée à l’antenne ». « Cela ne modifie, bien sûr, en rien sa position et celle du gouvernement sur le sujet, connues de longue date et répétées à nouveau à l’issue de l’émission », a-t-on souligné.
Interrogée sur le nombre de détenus corses qui ont bénéficié de ces mesures de « rapprochement », la ministre a répondu qu’« il y en a eu trois récemment ». La question dite des « prisonniers politiques », une expression employée par les nationalistes, est une pierre d’achoppement entre le gouvernement et ces derniers, qui réclament de longue date leur rapprochement et leur amnistie.
« Pour une fois que nous étions d’accord »
Malgré sa rapide correction, le lapsus de Mme Gourault n’est pas passé inaperçu et a suscité de nombreuses réactions, notamment sur Twitter. Gilles Simeoni lui-même, interpellé par un journaliste sur le réseau social, a répondu sur un ton ironique : « la reconnaissance par Mme Gourault de la notion de “prisonniers politiques”, à mi-chemin entre le lapsus freudien et le coup de chapeau involontaire à Gramsci (“il faut remporter la bataille des idées”). »
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Le président de l’assemblée de Corse Jean-Guy Talamoni, qui, contrairement à M. Simeoni, avait refusé de se rendre à Paris lundi pour rencontrer Edouard Philippe, a, quant à lui, profité du message de Mme Gourault amendant ses propos pour adresser une nouvelle pique au gouvernement : « Dommage. Pour une fois que nous étions d’accord. Décidément… »
L’ex-premier ministre Manuel Valls a, de son côté, assuré, toujours sur Twitter, qu’il n’y avait « aucun prisonnier politique en France », appelant la ministre à « corriger vite » ses propos. Sur Franceinfo, l’eurodéputé du Rassemblement national (ex-FN) Nicolas Bay a, de son côté, fustigé une « grave faute politique » et accusé la ministre de « fissure [r] l’unité nationale en disant cela ». Le président des Patriotes, Florian Philippot, a, lui, dénoncé des « propos honteux », appelant à une « condamnation rapide du premier ministre ».
Lundi, le président du conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni, a déploré « une situation de crise et de blocage », à l’issue d’un entretien avec Edouard Philippe qui a, cependant, permis d’acter la création d’un nouveau « statut fiscal et social » pour l’île. Sur France Inter, Mme Gourault a assuré, mardi, qu’il n’y avait « pas de crise corse », évoquant une rencontre « courtoise et républicaine ». « Gilles Simeoni dit qu’il faut des signes (…). Je crois que le fait d’inscrire la Corse dans la Constitution est un signe politique réel », a-t-elle dit en défendant le projet d’article dédié à l’île dans la future réforme constitutionnelle.
Le Monde.fr avec AFP