Côte d’Ivoire ou quand un dictateur se noie dans l’illusion de son éternité obscène au pouvoir…en prenant le risque d’embraser une nouvelle fois le pays.
Est-il encore possible de ramener Alassane Ouattara à la raison???
Que celles et ceux qui en ont la possibilité n’hésitent pas à le faire pour préserver la paix en Côte d’Ivoire.
M. MACRON tous les yeux sont principalement tournés vers vous.
JDE
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Côte d’Ivoire : le discours va-t-en guerre d’Alassane Ouattara, investi pour briguer un troisième mandat
La chaleur était écrasante dans le stade Félix-Houphouët-Boigny d’Abidjan. Outre les effets du soleil d’août, le lieu était surchauffé aussi par des dizaines de milliers de militants du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) – parti au pouvoir – venus assister à l’investiture de leur candidat, le président Alassane Ouattara (ADO). Profitant de ce qui avait été pensé comme une démonstration de force, le chef de l’Etat, qui s’est au passage félicité du bilan de ses deux premiers mandats, a surtout tenté de répondre aux nombreuses interrogations suscitées par sa candidature. Depuis cette annonce le 6 août, le pays a enregistré des violences et des tensions.
Comme pour reposer le contexte, le chef de l’Etat a commencé son discours par une minute de silence en l’honneur de celui qu’il appelle encore aujourd’hui son « fils », l’ancien Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, décédé brutalement d’un infarctus le 8 juillet 2020. Homme de confiance d’Alassane Ouattara durant près de trente ans, M. Coulibaly était son successeur désigné, celui qui devait prendre la relève.
Candidature sacrifice
Aux nombreux militants qui affichaient sur leur tenue les initiales « AGC » de l’ancien Premier ministre, le président a expliqué que c’est en raison de ce funeste événement, qualifié de « cas de force majeure » qu’il a dû revenir sur sa promesse du 5 mars dernier de renoncer à la présidentielle d’octobre prochain. Cette décision avait été alors unanimement saluée par la classe politique ivoirienne. Mais là, estimant aujourd’hui « qu’il était difficile dans ce calendrier très serré de quatre semaines d’organiser des primaires pour désigner un candidat de substitution qui fasse l’unanimité au sein du parti », l’homme a qualifié sa décision de rempiler pour un troisième mandat, de « sacrifice ».
Mais l’unanimité dont il dit bénéficier au sein de son parti est loin de se transposer au niveau national. A rebours de l’image d’un président « moderne » qu’il voulait laisser, la décision de briguer un troisième mandat, jugée inconstitutionnelle par l’opposition et de nombreux observateurs, cristallise en effet les tensions. Samedi après-midi, la gare routière, un collège et quelques magasins ont été vandalisés dans la capitale et des heurts ont également eu lieu à Bonoua (sud-est), fief de l’ex-première dame Simone Gbagbo, et à Gagnoa, ville natale de son époux Laurent Gbagbo.
Quelques jours après son annonce déjà, le 6 août, des violences avaient éclaté à Abidjan et dans plusieurs localités : Daoukro, Gagnoa, Bonoua et Ferkessédougou, les fiefs des principaux opposants d’ADO. Des manifestations parfois très violentes qui ont occasionné, selon les autorités, au moins 6 décès, 173 blessés, environ 1 500 déplacés internes, de nombreux dégâts matériels et l’interpellation de 69 personnes. Pour le président Ouattara, qui n’a pas évoqué les victimes, les violences seraient causées par l’opposition à qui il a suggéré d’avoir « pitié de nos enfants » et « d’arrêter de les utiliser pour vos motifs politiques et personnels ».
Des morts et des blessés
Dans certaines localités, les manifestants n’ont pas hésité à brandir des machettes et des armes à feu face aux militants adverses et aux membres des forces de l’ordre, qui ont dénombré plus d’une dizaine de blessés dans leurs rangs. En début de semaine, Amnesty International révélait grâce au témoignage de policier et de vidéos amateures, que la police ivoirienne aurait quant à elle été épaulée par deux convois de jeunes hommes armés pour les aider à disperser les protestataires.
Dans ce contexte électrique, inscrit dans une sous-région instable, les autorités ont annoncé, au lendemain du coup d’Etat intervenu au Mali, l’interdiction de tout rassemblement sur la voie publique. Mais malgré ce décret, les violences continuent.
Pulchérie Gbalet arrêtée
Parmi les arrestations des derniers jours, l’une fait grand bruit : celle de Pulchérie Gbalet, figure citoyenne de l’opposition au troisième mandat. La présidente d’Alternative citoyenne ivoirienne (ACI), une coalition de 40 organisations de la société civile, et trois de ses collaborateurs ont été déférés le 19 août devant la 8e chambre d’instruction du parquet, avant d’être placés sous mandat de dépôt à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca). Alors qu’elle soutient avoir appelé à des marches pacifiques, on lui reproche d’être à l’origine des violences qui ont émaillé le pays.
Une question en particulier agite la société ivoirienne : après deux mandats successifs, le président a-t-il le droit d’en briguer un troisième ? Depuis plusieurs jours, à la télévision, sur les réseaux sociaux et dans les maquis, les Ivoiriens s’écharpent à coups d’article de la constitution et d’argutie juridique en tout genre. Côté pouvoir, aucun doute : l’adoption d’une nouvelle constitution en 2016 a remis les compteurs à zéro et autorise Alassane Ouattara à être son propre successeur. Ce dernier a d’ailleurs profité de son investiture pour s’inviter dans le débat. « Qui connaît cette constitution mieux que moi ? Personne ! », a-t-il assuré devant ses supporters. Pour l’opposition en revanche, dont une partie a fait campagne en 2016 aux côtés du Président Ouattara en faveur de l’adoption de la nouvelle constitution, celle-ci contraint le président à passer la main, comme il s’y était d’ailleurs engagé.
Ces derniers jours, opposition et société civile se délectent des nombreuses archives de 2016 qui refont surface où l’on voit les autorités expliquant l’impossibilité pour le président de rempiler…
Dans son discours d’une heure, ADO n’a pas épargné Henri Konan Bédié (président de 1993-1999), son ancien allié et principal rival à la présidentielle. « Certains (…) veulent être candidats alors que ça fait 20 ans qu’ils n’ont pas travaillé. Qu’est-ce qu’ils peuvent apporter à la Côte d’Ivoire ? Rien ! », a-t-il lancé sous les vivats. Laurent Gbagbo et Guillaume Soro, ses autres potentiels adversaires, voient quant à eux leurs espoirs de candidature se réduire. Ils viennent d’être radiés des listes électorales par la Commission électorale indépendante (CEI) car condamnés « pour un délit ou un crime » et la commission électorale a rejeté, samedi, les recours de leurs proches qui contestaient cette radiation. Une décision qui pourrait tendre encore la situation. « Tant qu’il n’y aura pas de dialogue politique inclusif, la rue va se manifester et on ne pourra pas assister à une élection calme », juge De Laure Nesmon, journaliste et membre active de la société civile.
Satisfecit et programme
Après les piques et quelques mots sur son bilan qu’il juge bien meilleur que tout ce qui a été fait en un demi-siècle, le président a attendu la toute fin de son intervention pour évoquer son programme. « Nous mettons l’accent sur la paix, sur la stabilité des institutions, sur la cohésion sociale, sur le rayonnement de notre pays, sur les jeunes, sur les femmes, sur le monde agricole », a-t-il dit. Et si c’était une manière de lancer enfin la bataille des idées ?
Youenn Gourlay(Abidjan (correspondance)) et Yassin Ciyow(Abidjan (correspondance))