L’ancien président Laurent Gbagbo rentre en Côte d’Ivoire après dix ans d’exil
L’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo est arrivé, jeudi 17 juin, par avion à Abidjan en provenance de Bruxelles, marquant son retour au pays pour la première fois depuis qu’il a été chassé du pouvoir en 2011.
Montant directement dans une voiture sur le tarmac de l’aéroport, il a brûlé l’étape du pavillon présidentiel qui avait été mis à disposition par Alassane Ouattara, où l’attendaient des responsables du Front populaire ivoirien (FPI), son Parti.
Son cortège a ensuite pris la route menant à son ancien QG de campagne de la présidentielle de 2010, situé dans le nord d’Abidjan, où il devait prendre la parole et où l’attendaient des centaines de ses partisans.
Tout au long du parcours, des milliers de jeunes pro-Gbagbo enthousiastes, certains le visage recouvert de cendre, couraient, sautaient en criant « Gbagbo est là », « Gbagbo revient », « il est là pour libérer la Côte d’Ivoire » ou encore « on est là pour Gbagbo et on est fiers ».
L’ancien président a été définitivement acquitté de crimes contre l’humanité par la Cour pénale internationale (CPI) le 31 mars, ce qui a rendu possible ce retour. Avant son départ de Bruxelles, son avocate, Habiba Touré, a déclaré à l’Agence France-Presse que Laurent Gbagbo était « content, enthousiaste et veut jouer sa partition pour essayer de réconcilier les Ivoiriens. Il a besoin de parler à son peuple ».
Un fort contingent de policiers était présent à Abidjan afin d’éviter toute violence, même si le gouvernement du président Alassane Ouattara et les partisans de M. Gbagbo ont dit espérer que son arrivée contribue à la réconciliation du pays. Mais En divers endroits d’Abidjan, la police a fait usage de gaz lacrymogène lors de légers heurts avec de larges groupes de ses partisans. Dans le district de Yopougon, à Abidjan, considéré comme un fief de Gbagbo, des centaines de personnes ont manifesté dans la rue pour saluer son retour.
Vers une réconciliation nationale ?
L’ampleur de l’accueil de l’ex-président a été au cœur des récentes négociations entre le pouvoir et le FPI : le premier souhaitant qu’il soit sans « triomphalisme », le second qu’il soit populaire en permettant au plus grand nombre de ses partisans d’être présents dans les rues d’Abidjan. L’enjeu était la sécurité de M. Gbagbo lui-même mais aussi d’éviter tout débordement ou violence.
Arrivé au pouvoir en 2000, Laurent Gbagbo a été arrêté au terme de la brève guerre civile survenue après qu’il eut refusé d’accepter sa défaite électorale face à son rival Alassane Ouattara en 2010. Les violences, qui se sont déroulées sur fond d’animosités ethniques et régionales, ont fait plus de 3 000 morts. En 2019, Laurent Gbagbo a été acquitté par la CPI des accusations de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité pour son rôle dans ces violences, une décision confirmée en mars dernier par la chambre d’appel de La Haye.
Le retour de Gbagbo intervient après de longues négociations entre ses partisans et le gouvernement. Si ce dernier s’est plaint de ne pas avoir été consulté sur la date de retour, il a finalement fait savoir que Laurent Gbagbo serait accueilli dans l’intérêt de la réconciliation nationale.
L’ancien président, qui conserve un soutien ferme parmi ses partisans, devra encore faire face à une condamnation à vingt ans de prison par contumace prononcée en novembre 2019 par un tribunal ivoirien pour détournement de fonds de la banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest. En avril, le président Alassane Ouattara avait déclaré que Laurent Gbagbo était libre de revenir, sans préciser toutefois s’il avait été gracié.
La Côte d’Ivoire est encore meurtrie par deux décennies de violences politico-ethniques, les dernières remontant à la dernière présidentielle, en 2020, qui ont fait une centaine de morts. Alassane Ouattara a été réélu pour un troisième mandat controversé lors d’un scrutin boycotté par l’opposition, qui jugeait ce nouveau mandat anticonstitutionnel.
Le Monde avec AFP et Reuters
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