L’Association Survie, qui a dénoncé pendant plus de 20 ans la dictature de Blaise Compaoré et le soutien multiforme dont il a bénéficié de la part de la France, s’alarme du retour au pouvoir par la force de ses plus proches collaborateurs, moins d’un an après la révolte populaire qui les avait éloignés du pouvoir. Les autorités françaises, au-delà des déclarations de condamnation, doivent tirer les conséquences de leur diplomatie de complaisance à l’égard des dictateurs et prendre des mesures concrètes.
Solidaires du peuple burkinabè et des mouvements de la société civile qui se mobilisent en ce moment pour faire échec au coup d’État, nous nous inquiétons de la répression sanglante qui s’abat déjà sur la société civile et cible particulièrement les membres du Balai Citoyen : le studio de Smockey, rappeur et figure du mouvement, a été attaqué par le RSP et plusieurs de ses membres ont été gravement blessés. Au moins 10 personnes auraient été tuées à Ouagadougou.
Nous nous interrogeons sur les conditions qui ont permis aux militaires restés proches de Compaoré de renverser la transition. Ce renversement intervient après l’invalidation par le Conseil constitutionnel des candidatures aux prochaines élections du 11 octobre de ceux qui avaient soutenu le projet de tripatouillage de la Constitution par lequel Compaoré comptait rester au pouvoir. La principale mesure annoncée par les putschistes depuis leur prise de pouvoir, la tenue “d’élections inclusives” et permettant donc aux soutiens de l’ancien régime de se présenter, rejoint la position exprimée il y a quelques mois par des représentants français, refusant ainsi implicitement la légitimité des instances de transition.
L’instabilité politique et militaire que connaît le Burkina Faso résulte de l’impunité dont bénéficient le dictateur déchu et sa garde rapprochée, le Régiment de sécurité présidentielle (RSP). Exfiltré par l’armée française puis accueilli à bras ouverts par le président ivoirien Alassane Ouattara, échappant à toute justice nationale et internationale, Blaise Compaoré conserve une capacité de nuisance qui continue de déstabiliser le pays. D’autant plus que l’ex-rébellion ivoirienne favorable à Ouattara est née dans les beaux quartiers de Ouagadougou et qu’elle reste redevable au dictateur déchu.
Celui qui a été nommé “président” par les putschistes du RSP n’est autre que Gilbert Diendéré, ancien chef d’Etat major particulier de Compaoré et complice de la plupart des crimes commis par le régime depuis son accession au pouvoir par la force en 1987 [1]. Pour rappel, Gilbert Diendéré est un proche de plusieurs diplomates et militaires français. Il a même été décoré de la Légion d’honneur française [2], comme continuent de l’être des tortionnaires de dictatures françafricaines [3]. En mai 2012, la presse burkinabè racontait les sauts en parachute du général Emmanuel Beth, alors ambassadeur de France à Ouagadougou, avec son collègue Diendéré. Interrogé il y a un an, le général Beth, comme d’autres officiels français, continuait de défendre le régime déchu et son président Compaoré.
Aujourd’hui, la condamnation de ce putsch est unanime, y compris de la part de la France. Mais au-delà de ces déclarations, qui ne masquent pas le soutien historique apporté au clan Compaoré, un certain nombre de mesures concrètes doivent être prises : arrêt immédiat de toute coopération militaire et sécuritaire avec le régime, gel des avoirs financiers des putschistes, reconnaissance réaffirmée du président Michel Kafando, du gouvernement et du Conseil national de la transition.
L’association Survie s’associe aux appels à rassemblement qui sont organisés en solidarité avec le peuple du Burkina Faso.