Bring back our intenet in South West and North West Cameroon
Au Cameroun, le pouvoir punit ainsi depuis sept (07) semaines la minorité anglophone en coupant tout accès à Internet.
Ainsi pour combattre de prétendus « sécessionnistes », la dictature trentenaire en place a pris l’initiative d’une «sécession numérique».
Au regard de la résolution adoptée par l’ONU qui considère la coupure intentionnelle d’internet comme une violation des droits de l’Homme, le temps est peut-être venu pour que les opérateurs et fournisseurs qui collaborent avec les autorités camerounaise dans ce crime politique aux conséquences économiques désastreuses soient poursuivis devant les juridictions internationales compétentes.
Nous ne pourrons simplement plus rester passifs, appelant en vain au rétablissement de l’accès à internet à des populations des régions anglophones, « punies » collectivement pour insoumission civique au centralisme autoritaire du dictateur Paul Biya.
Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques (CL2P)
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Couper internet, nouvelle méthode de répression “soft”
Le gouvernement de Yaoundé a bloqué l’accès au réseau d’une partie de la population camerounaise, en conflit avec le pouvoir. Snowden y voit “l’avenir de la répression”, alors que l’ONU avait reconnu en 2012 le droit à la liberté d’expression sur internet.
Depuis bientôt deux mois, une partie du Cameroun est délibérément privée d’accès à internet par le gouvernement de Yaoundé. Il s’agit de la partie anglophone de ce pays officiellement bilingue, en proie à une vague de protestations contre les discriminations. Pourquoi parler de ce sujet quand le monde a les yeux fixés sur Donald Trump ou Vladimir Poutine, ou encore sur la Corée du Nord et ses tests de missile ? Parce que l’accès à internet est considéré par les Nations unies, depuis 2012, comme un droit de l’homme, et que couper les réseaux fait désormais partie de l’arsenal répressif “soft” des dictateurs et régimes autoritaires. Il y a cinq ans, en effet, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU adoptait à l’unanimité une résolution stipulant que chaque individu a le droit de se connecter et de s’exprimer librement sur internet. C’est ce droit qui est aujourd’hui ouvertement bafoué au Cameroun pour une partie de ses citoyens. Ce qui se passe dans ce pays d’Afrique centrale est sans précédent, non dans le principe mais dans la durée. Sur ce continent en pleine mutation, où l’internet mobile est en plein essor, permettant le développement des échanges économiques et sociaux, couper durablement les réseaux conduit à condamner une population entière à la marginalisation.#BringBackOurInternet
Depuis que Hosni Moubarak, pendant la révolution égyptienne de 2011, a coupé l’accès à internet pendant plusieurs jours pour tenter de briser le mouvement qui a fini par entraîner sa chute, les pouvoirs autoritaires ont de plus en plus souvent recours à cette méthode de contrôle. 24 pays ont procédé à des coupures d’internet l’an dernier, contre 15 l’année précédente, selon l’organisation Freedom House citée par le “New York Times”.
Cela attire peu l’attention car c’est moins voyant que d’autres méthodes répressives. On l’a constaté de la crise politique en République démocratique du Congo aux remous post-électoraux au Gabon et en Gambie, du Xinjiang chinois au Népal : couper internet devient un réflexe de régime autoritaire, comme une précaution de survie.
Cameroun. Le pouvoir punit la minorité anglophone : plus d’internet !
Edward Snowden, l’ancien agent de la NSA toujours réfugié en Russie, attentif à la question des libertés numériques, ne s’y est pas trompé, tweetant dès le mois de janvier à propos du Cameroun :
“C’est l’avenir de la répression. Si nous ne nous y opposons pas là-bas, ça arrivera chez nous.”
Snowden a ajouté le hashtag (mot-clé) qui fleurit sur les réseaux sociaux depuis deux mois : #BringBackOurInternet, “
Systèmes D
Le cas du Cameroun est emblématique, car dès le début, à la mi-janvier, les autorités ont pris soin de cibler la coupure, limitée aux deux régions anglophones du sud-ouest et du nord-est, soit un peu moins de 20% des 22 millions d’habitants du pays.
La Chine a déjà expérimenté ces coupures sélectives, au Xinjiang, la région autonome ouïgour à l’ouest du pays, théâtre d’incidents graves entre populations ouïgour musulmanes et résidents han, le peuplement majoritaire en Chine, ou plus récemment d’attaques ou de menaces terroristes.
Mais jamais jusqu’ici, un gouvernement n’avait appliqué cette restriction pendant des semaines comme l’a fait le Cameroun, avec des conséquences économiques et sociales importantes. Internet est devenu central dans les transferts d’argent, y compris entre particuliers, dans les transactions économiques, dans l’éducation ou la santé.
Le gouvernement affirme avoir procédé à cette coupure pour lutter contre la diffusion de “fausses informations” sur les réseaux sociaux ; mais il empêche aussi, et peut-être surtout, les mouvements de protestation de s’organiser par le biais des messageries comme WhatsApp.
Comme toujours, les “systèmes D” prennent le relais. Un nouveau business a vu le jour, celui des coursiers qui font l’aller-retour entre les régions soumises au black-out et les zones où le réseau est accessible, avec des dizaines de téléphones portables sur lesquels ont été préparés des messages à envoyer. Il ne leur reste plus qu’à appuyer sur “send”…
Les racines de la crise
Cette crise est un héritage historique. Ancienne colonie allemande, le Cameroun a été partagé à l’issue de la Première Guerre mondiale entre les puissances coloniales française et britannique. Au moment de la décolonisation, en 1960, une partie du Cameroun anglophone choisit par référendum de se rattacher au Nigeria, le géant voisin lui aussi anglophone, et une autre partie au Cameroun francophone.
Mais les promesses fédérales du début sont vite piétinées par un centralisme autoritaire encouragé et facilité par l’ex-puissance coloniale française toujours très influente et active, y compris militairement pour écraser l’opposition, et en soutien à l’homme choisi par Paris, Ahmadou Ahidjo, issu du nord musulman.
Dans leur remarquable livre d’enquête “Kamerun ! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique – 1948-1971″ (La Découverte, 2011), Thomas Deltombe, Manuel Domergue et Jacob Tatsitsa expliquent bien les racines de la crise actuelle :
“Ahidjo sort donc triomphalement de cette ‘réunification’ qui s’annonçait périlleuse. Dans la plus pure tradition française, il annexe sans coup férir le Cameroun méridional anglophone, grâce à l’entremise de ses astucieux conseillers français. Ce qui lui permet de lancer aussitôt une intensive politique d’assimilation culturelle, toujours avec l’aide de la coopération française. […]
Constatant les effets de cette assimilation politique et culturelle à marche forcée, Bernard Fonlon, originaire de la région annexée, diplômé d’Oxford et de la Sorbonne, chantre du pluriculturalisme camerounais, lancera bientôt ce cri d’alarme : ‘Dans deux ou trois générations, nous serons tous Français’…”
La problématique reste la même aujourd’hui, un demi-siècle après ces événements, alors que Ahmadou Ahidjo a été remplacé par Paul Biya, un ancien séminariste porteur de beaucoup d’espoirs à son arrivée au pouvoir en… 1982, devenu avec le temps un inamovible despote assoupi, qui a laissé tous les problèmes du pays en jachère.
Silence de la France
La partie qui se joue au Cameroun dans l’indifférence générale est à la fois locale et universelle. Elle porte sur la capacité d’un Etat moderne à vivre avec ses différences culturelles, à l’intérieur de frontières héritées de la colonisation ; elle porte aussi sur l’utilisation d’internet à la fois pour résister ou pour réprimer.
Si sur les réseaux sociaux, la coupure d’internet au Cameroun anglophone a suscité des réactions et une campagne de solidarité, le silence de la communauté internationale est assourdissant. Surtout de la part des Etats qui, en 2012 votaient pour faire de l’accès à internet un droit de l’homme comme les autres, et qui ne font rien pour le faire respecter.
Silence assourdissant de la France, au nom des liens qui unissent Paris au Cameroun, en particulier dans la lutte contre la secte islamiste Boko Haram, partie du Nigeria voisin mais qui mène désormais ses exactions dans toute la sous-région, y compris le nord du Cameroun.
Mais au nom de la lutte contre le terrorisme, doit-on fermer les yeux sur les violations des droits de l’homme dans les autres secteurs de la société ? C’est le faux dilemme auquel nous contraignent les Etats, avec le risque de légitimer d’autres injustices et de fragiliser encore plus cette même lutte contre le terrorisme.
Une raison de plus pour demander avec les Camerounais : #BringBackOurInternet !
Pierre Haski – journaliste