Le Ministre Jacques Fame Ndongo comme à son habitude tient un discours qui se veut musclé en affichant une volonté feinte de dialogue sur la crise anglophone, qui en réalité ne trompe plus grand monde, ni au Cameroun ni au sein de la communauté internationale, tant la dictature de Yaoundé a été littéralement mise à nu.
En réalité la position anachronique de cet apparatchik du régime illégitime et trentenaire de Paul Biya cache sa peur de se voir pratiquement débordé puis évincé par un mouvement de désobéissance civile qu’il a successivement nié, minimisé, puis sauvagement réprimé sans succès.
Mais à ce jeu sordide de conserver obstinément le pouvoir pour le pouvoir, c’est d’abord le Cameroun qui en sort plus fragilisé, affaibli, et profondément divisé, notamment de ces différents massacres d’une population civile anglophone dont on espère que M. Fame Ndongo et nombre de ses camarades du Rassemblement dit démocratique du peuple camerounais pourront un jour répondre devant les instances judiciaires internationales.
Car on n’a jamais œuvré pour la paix, la concorde nationale, et l’indivisibilité territoriale d’un pays en semant autant la terreur militaire sur une partie de celui-ci, au nom d’un affrontement opportun contre des “groupuscules d’agitateurs”.
L’urgence commande d’abord à la retenue, puis à la tenue d’un vrai dialogue national, ouvert, franc, et direct sur un nouveau consensus camerounais entre les différentes composantes du Cameroun, auxquelles les anglophones sont bien plus qu’une “spécificité” ou un “particularisme” de l’histoire.
Le temps du leurre permanent est révolu. Les rustines ne suffiront plus à résoudre durablement le problème anglophone.
Joël Didier Engo, Président du CL2P
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Jacques Fame Ndongo (RDPC): «Le Cameroun est un et indivisible»
Les Etats-Unis ont jugé « inacceptables » les violences des forces de l’ordre camerounaises lors des manifestations d’indépendantistes anglophones, dimanche 1er octobre 2017. Le bilan, incertain, va de 10 à 17 tués. « Nous exhortons le gouvernement du Cameroun à respecter les droits de l’homme et la liberté d’expression, y compris l’accès à internet » et « appelons toutes les parties à ouvrir un dialogue pour une solution pacifique et durable », dit le département d’Etat américain. Dans la nuit du lundi 2 au mardi 3 octobre, une bombe artisanale a explosé à Bamenda, sans faire de victimes. Pour Jacques Fame Ndongo, ancien ministre, secrétaire à la communication du RDPC, le parti au pouvoir, le Cameroun est « un et indivisible ». « Une minorité de personnes utilisent la violence et pose même des bombes », déclare Jacques Fame Ndongo. Il répond aux questions de Jean Jacques Louarn.
RFI : Jacques Fame Ndongo, craignez-vous un printemps anglophone ?
Jacques Fame Ndongo : Il faut comprendre que le Cameroun n’est pas divisé en anglophones et en francophones, ni en nordistes et en sudistes. Le Cameroun est un et indivisible. Un groupuscule d’agitateurs exprime des problèmes d’ordre politique, notamment soit le fédéralisme, soit la sécession. Evidemment, cela est non négociable, ainsi que l’a souligné fort opportunément le chef de l’Etat, son Excellence Paul Biya, président national du RDPC. Donc il n’y aura aucun printemps anglophone, entre guillemets.
Plusieurs voix s’élèvent pour dire que Paul Biya a toutes les cartes en main pour éviter un scénario à la tunisienne ou à la burkinabè. Faut-il une main tendue, faut-il effectivement un dialogue ?
Le dialogue a commencé avec des problèmes corporatifs. Moi-même qui vous parle, je préside, depuis près d’un an, une commission technique chargée de résoudre les problèmes concernant le sous-système universitaire et scolaire anglophone, et, le sous-système universitaire et scolaire francophone. Le ministre d’Etat, ministre de la Justice, garde des Sceaux, préside également une commission ad hoc pour résoudre les problèmes relatifs, notamment au Common lawyers et aux problèmes posés par les syndicats d’avocats anglophones. Donc, en réalité, le dialogue a lieu, il a commencé depuis près d’un an. Et, bien sûr, le chef de l’Etat, son Excellence Paul Biya, pourra, s’il en a convenance, trouver une solution qui lui semble opportune. Mais nous, à notre niveau, nous savons que le dialogue a commencé, nous savons que c’est une infime minorité qui revendique des problèmes d’ordre politique et ces problèmes sont non négociables, notamment le fédéralisme et la sécession. Le Cameroun est un et indivisible. Il est hors de question que qui que ce soit vienne au Cameroun pour diviser notre cher et beau pays.
Vous souhaitez que le président Paul Biya aille plus loin aujourd’hui dans le dialogue ?
Je ne souhaite absolument rien. Ça dépend du président de la République. C’est lui qui a été élu ! Je m’en tiens à ses instructions et nous les avons appliquées. Ce sont nos frères et sœurs qui souffrent le plus de l’intransigeance d’une minorité d’extrémistes qui utilisent la violence, voire qui posent des bombes. Il faut bien savoir que cette minorité pose des bombes ! A posé des bombes, bien sûr!
Je vous comprends bien… Pas question de revenir à deux Etats fédérés comme ce fut le cas entre 1961 et 72 ?
Oui, c’est cela que le président de la République a dit. Il a dit clairement: c’est non négociable. La forme de l’Etat est non négociable. La majorité des ressortissants des deux régions Sud-Ouest et Nord-Ouest estiment que la forme de l’Etat actuelle est la meilleure.
Vous évoquez un groupuscule. Qui sont ces jeunes, effectivement, qui, d’après vous, sont armés et vont jusqu’à poser de bombes ?
Les services spécialisés ont des informations là-dessus. Nous savons tout simplement que ce sont des extrémistes qui veulent utiliser la violence. Or, nous sommes un pays démocratique qui abhorre la violence pour accéder au pouvoir. S’ils veulent accéder au pouvoir, ils n’ont qu’à se présenter à toutes les élections qui seront organisées et s’ils sont élus par le peuple, tant mieux pour eux !
Mais dans cette unicité du Cameroun ne faut-il pas cependant reconnaître un particularisme anglophone ?
Il y a une spécificité que nous reconnaissons et qui va de soi. D’ailleurs, le président de la République a créé la Commission nationale pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme. C’est dire que nous reconnaissons l’originalité, la spécificité de chaque zone. Mais cette originalité ne doit pas induire la sécession ou la fédération. Voilà la différence. Le président de la République reconnaît bien la spécificité de chaque région. Nous reconnaissons qu’il y a une spécificité historique, linguistique, liée aux deux régions anglophones et aux huit régions d’expression française.
De toute évidence, la réponse que vous apportez, et la réponse du gouvernement, n’est pas que sécuritaire ?
Bien sûr. Nous avons, par exemple, un forum national de l’éducation qui sera organisé prochainement et ce forum de l’éducation doit permettre un dialogue national sur les problèmes du sous-système anglophone et du sous-système francophone.
La présidentielle arrive à grands pas. Craignez-vous que cette période soit une période troublée, notamment en terre anglophone ?
Non. Pas du tout. C’est une période qui ne sera pas troublée parce que, comme dans tous les pays du monde, l’ordre républicain est assuré, l’ordre constitutionnel est assuré, dans le respect, bien entendu, des droits de l’homme, des droits du citoyen, afin d’éviter des atrocités et des exactions.
Mais nous espérons que le camp des extrémistes, qui est ultra-minoritaire, comprendra également que le plus important, ce n’est pas la violence, mais c’est de se préparer à visage ouvert. Il ne faut pas avancer masqué pour les élections qui auront lieu l’année prochaine ; municipales, législatives, sénatoriales, présidentielle et ainsi de suite. Et ces élections auront lieu dans la transparence, dans la démocratie, dans le respect des idées des uns et des autres. Nous ne voulons pas brider, nous ne voulons pas museler les opinions des uns et des autres. La seule chose que nous rejetons, c’est la violence. Nous ne sommes pas un peuple violent qui tue des innocents parce que nous sommes respectueux du vivre ensemble.
Source : rfi
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Akéré Muna: au Cameroun, une «majorité» d’anglophones pour l’indépendance
Les affrontements entre forces de l’ordre et indépendantistes qui ont éclaté dimanche dernier dans le Cameroun anglophone ont fait au moins 17 morts, selon Amnesty International. Les heurts se sont produits lors de manifestations organisées à l’occasion du 56e anniversaire de la proclamation de la République fédérale du Cameroun, après la réunification des zones françaises et britanniques créées à la fin de la Première Guerre mondiale, lors du démantèlement de l’ancienne colonie allemande. Régulièrement, le Cameroun anglophone, « l’Ambazonie » pour les indépendantistes, est le théâtre de manifestations et de violences. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a demandé aux autorités camerounaises « une enquête ». L’unité du Cameroun est-elle en péril ? Que « pèsent » les indépendantistes ? Comment Paul Biya peut-il reprendre la main ? Akéré Muna est ancien bâtonnier, ancien vice-président de Transparency international, il est aujourd’hui à la tête du Conseil de la Conférence anticorruption.
RFI : Les velléités indépendantistes sont-elles largement partagées par la population anglophone, anciens et jeunes ?
Akéré Muna : Les plus jeunes se trouvent dans une situation qu’ils pensent être sans issue et pensent que l’indépendance serait une solution. Tandis que ceux qui sont entre deux générations ont plutôt des arguments de contexte. C’est ce que je pense.
Peut-on évoquer là un fossé générationnel ?
Il y a un fossé générationnel, c’est sûr.
Faisons de la politique fiction, un référendum poserait la question : êtes-vous oui ou non pour l’indépendance ? Quel serait le résultat ?
70% de la population désormais est une population jeune, donc moins de 30 ans. Vous avez une majorité qui dirait « oui » pour l’indépendance.
Qui sont plus précisément les indépendantistes en 2017 ? Sont-ils structurés pour une partie d’entre eux, voire armés ?
Armés, je ne pense pas du tout. Structurés ? Encore moins. Ce genre de mouvement, on a vu qu’ils sont spontanés, que les personnes tentent de captiver pour être dans la tête. On l’a vu en Tunisie, on l’a vu au Burkina dernièrement, on l’a vu en Egypte. C’est un mouvement de foule qui exprime un ras-le-bol. Il y a des gens qui par la suite ont décidé de se présenter comme le visage du mouvement, qui ont été adoptés par les uns et les autres.
Que sait-on justement sur celui qui se présente comme le président de l’Ambazonie, Sisiku Ayuk ?
Moi, je ne sais absolument rien. Je ne le connais pas, je ne l’ai jamais rencontré. Je ne sais pas ce que c’est.
C’est une personne autoproclamée ?
Autoproclamée, ou bien proclamée par un groupe qui n’est pas ici au Cameroun. Mais il est clair que dans le fonctionnement et dans les réclamations, beaucoup de gens ont adopté le fait qu’il serait le leader de ce mouvement. Il n’y a pas à redire.
Une question que tout le monde se pose aussi : ce mouvement a-t-il des racines ethniques ?
Pas du tout. C’est un mouvement qui est né d’une frustration. C’est aussi simple que cela.
Le Front social démocrate (SDF) de John Fru Ndi ne canalise plus cette colère dans le pays anglophone depuis que le parti a fait sa mue en quelque sorte de parti anglophone. Il se positionne aujourd’hui comme un parti national ?
Il est un parti national. Et c’est l’embarras du leadership du SDF, qui est clairement anglophone, qui doit gérer ce problème.
Vous êtes vous-mêmes né en terre anglophone et votre carrière, vous l’avez faite à Yaoundé. D’aucuns ont parlé de vous comme un pont entre le Cameroun anglophone et francophone ?
Je suis plus ou moins le Camerounais qu’on aurait souhaité. C’est faisable de gérer les deux en respectant l’un et l’autre. Mais à cause de la médiocrité des autres, on pense qu’on gagne plus dans une division.
Mais êtes-vous pessimiste ? Dans un de vos écrits, vous dîtes : « Si nous continuons à nier l’histoire alors nous ne serons jamais unis, les divisions persisteront et nous perdrons la paix qui nous est si chère ».
Exactement. C’est un non-sens. Quand je suis rentré de Londres en 1978, j’ai mis trois ans pour être avocat alors que j’étais avocat à Londres parce que je suis anglophone. Je pense que la mauvaise gouvernance a donc créé ce problème. Les gens se croient des laissés-pour-compte.
Je pense que les problèmes dans l’extrême nord, tout le monde est d’accord pour le dire, ont une racine économique. Je suis sûr que les gens de l’Est ont des problèmes énormes. Ces gens-là sont des laissés-pour-compte. Mais au Sud, le problème est que l’on a quelques oligarques qui ont complètement capturé l’Etat et tout le monde en souffre. Il est temps que les Camerounais se rendent compte que notre unité est garantie par la naissance d’une nouvelle République. Ce climat de transition commence à s’avérer assez nocif.
Paul Biya peut-il réagir ? N’est-il pas trop tard ? Et quel geste politique pourrait-il faire aujourd’hui ?
Je pense que la personne qui est dans la meilleure position d’apaiser les Camerounais et d’aller de l’avant, c’est le président de la République. Parce qu’il a tous les outils qui lui permettent de le faire. Je le connais personnellement et je pense que c’est quelqu’un de modéré. Mais je pense qu’il gagnerait à écouter au-delà des gens qui sont autour de lui, qui font une analyse complètement tronquée de la situation, qui pensent qu’en disant que le président est un renfort et fait ce qu’il faut, sa façon d’y aller, pas du tout.
Je pense que le problème finalement, c’est de donner de l’espace aux Camerounais pour qu’ils puissent prendre en main le dialogue parce que ceux qui sont là ont montré leurs limites, ils n’ont qu’un seul outil à mettre, c’est le marteau. Tous les problèmes apparaissent comme un clou. Et je pense que la personne qui est le mieux placée maintenant pour ouvrir vers un dialogue, pour prendre les choses en main, et pourquoi pas une conférence nationale. Je peux dire qu’on a presque l’impression qu’on est dans une logique suicidaire, pour un pays avec autant d’atouts.
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Cameroon – Video – Barrister Agbor Balla: “The Anglophone struggle is not a fight of Anglophones vs Francophones, we are not xenophobic! This is a struggle of Anglophones against the institutions of the State”
“The government’s poor response is fuelling more disappointment which could lead to disaster. Making it clear that, the only solution is to meet on a round table as two people and have a veritable dialogue.”
Barrister Agbor Balla