En mission à Bruxelles pour «fournir des clarifications» aux camerounais d’Europe au sujet de la crise dite anglophone, le Ministre de la Justice Garde des Sceaux a encouragé les clients des avocats anglophones qui désertent depuis plusieurs mois les tribunaux des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest à les poursuivre en justice pour abus de confiance. Quelques extraits de ses propos face aux camerounais dans la capitale Belge.
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Sur la grève des avocats anglophones
Il y a beaucoup de notions qui ont circulé, et lorsque nous ouvrons ce débat, nous devons tous être au même niveau d’informations. J’ai entendu parler de la grève des avocats, cette notion-là a beaucoup fait l’affaire des médias. Ça parait simplement étonnant que les avocats qui se disent juristes ne savent pas ce que veut dire une grève. Une grève s’adresse à son patron et le patron de l’avocat, ce n’est pas le Tribunal. L’avocat a comme patron, le client qui a payé et qui doit attendre un service. Si l’avocat ne va pas à l’audience, il ne va pas dire qu’il est en grève. Cela ne concerne pas le fonctionnement de l’Etat, cela concerne l’avocat et le client et le client est en droit d’engager une poursuite contre cet avocat pour abus de confiance car il a pris l’argent et il n’a pas rempli sa mission. Donc, tous ceux qui ont parlé de grève des avocats ont utilisé un terme inapproprié. Pour nous, il n’y a pas eu de grève des avocats. Il y a eu un abus de confiance entre un client qui a payé et un avocat qui n’a pas rempli sa mission. Je voulais d’abord qu’on dégage cela et pour dire ensuite que – pour ceux qui ont suivi l’actualité, les juridictions dans les Cours d’Appel du Nord-Ouest et du Sud-Ouest ont toutes fonctionné durant cette période. Aucun tribunal n’a été fermé parce que nous tenions à manifester l’indépendance du pouvoir judiciaire par rapport aux turbulences politiques. Vous pouvez le vérifier, tous les personnels qui étaient en place, tous les greffes étaient en place et tout a fonctionné. Les décisions ont été rendues parce que la loi a prévu ce que l’on fait lorsque les plaignants n’arrivent pas, la loi a prévu ce que l’on fait lorsque les avocats ne sont pas à l’audience et il n’y a aucun obstacle pour que cela se passe ainsi.
Certains avocats ont prétendu qu’on avait pris leurs robes. Ils ont reproché au Ministre de la Justice de ne les avoir pas protégés. Encore une fois, je pensais avoir affaire à des juristes. L’immunité d’un avocat, c’est dans la salle d’audience, ce n’est pas sur la voie publique. Le Procureur et le président du Tribunal connaissent l’avocat dans la salle d’audience. Quand il sort de la salle d’audience pour aller lui-même profaner sa robe et traîner dans la rue comme un voyou, eh bien, on a appris le Droit comme eux. Mais là, il rencontre le sous-préfet, le commandant de Brigade et pas le Procureur de la République parce que le Procureur de la République connaît l’avocat dans la salle d’audience et le protège dans la salle d’audience. Je voulais également que cela soit relevé.
Sur le problème anglophone au Cameroun
On a parlé d’anglophone. Nous avons pensé que dans la terminologie, l’anglophone se rattachait à la langue anglaise. Il se trouve au Cameroun que la notion d’anglophone a une autre dimension. Il faut être né au Nord-Ouest et au Sud-Ouest pour être anglophone. Voila une autre difficulté. L’anglophone apparaît aujourd’hui comme appartenance à une zone et non pas appartenance à une culture. Ça a son incidence. Dimanche dernier, on a initié un recrutement spécial des magistrats anglophones. Cela veut dire que celui qui est né à Ngaoundéré, qui a fait ses études à l’Université et qui est parfaitement bilingue. Lorsqu’il se présente, on va dire que tu n’es pas anglophone parce que tes parents ne sont pas du Nord-Ouest ou du Sud-Ouest. Nous entrons dans un sectarisme difficile, peut-être que c’est une camerounité. Vous qui êtes jeunes, vous aurez l’occasion de clarifier ces notions là. Mais nous devons faire attention à cela parce que lorsque les allemands quittaient le Cameroun en 1918, il n’y avait ni anglophone ni francophone. Nous étions un Cameroun un et uni que nous essayons de reconstruire maintenant. Il ne faudrait pas que les langues des autres, les cultures des autres, les religions des autres viennent diviser le peuple camerounais qui n’est ni anglophone ni francophone, qui est Béti, qui est Bassa, qui est Ewondo… Soyons très attentif lorsqu’on nous égare dans des notions qui n’ont pas de sens pour les Camerounais.
Ensuite, je voulais ajouter que les langues d’égale valeur, le français et l’anglais sont adoptés au Cameroun comme langue officielles d’égale valeur. Cela veut dire que dans les administrations, il faut parler le français ou l’anglais. Le Président de la République a demandé que les documents soient faits en Français et en Anglais. Il n’y a aucune légitimité, aucune légalité de s’exprimer en français dans une association publique ou de s’exprimer en anglais dans une association publique parce que ce sont deux langues d’égales valeurs. C’est une notion que nous avons perdue de vue parce que nous nous accrochons à : « je suis anglophone », « je suis francophone » et celui qui n’est ni anglophone ni francophone est-il camerounais ? S’il parle Bassa, s’il parle Ewondo et que sais-je encore. Donc, soyons attentifs à ces notions qui nous égarent.
Wiliam TCHANGO | Cameroon-Info.Net