« Le Gabon a un président. Et le seul souhait que nous pouvons émettre, c’est qu’il y ait un dialogue, une réconciliation ». Voici les propos tenus ce lundi par Manuel Valls. Le Premier ministre français demande aux anciens candidats de la présidentielle de construire l’avenir ensemble. Une déclaration qui tranche avec celle il y a un mois du chef de la diplomatie française Jean-Marc Ayrault.
Peut-être M. Valls appellera aussi bientôt les opposants notamment de gauche à Marine Le Pen à “se ranger” derrière elle, puisqu’elle incarne désormais l’unique “légitimité présidentielle” connue, étant quasiment aujourd’hui la seule candidate assurée d’être au second tour de la prochaine élection présidentielle en France.
À moins de considérer que le vote “des bêtes sauvages” gabonaises – en référence à l’œuvre de l’écrivain ivoirien Ahmadou Kourouma – n’a jamais représenté une quelconque importance pour la France, dès lors que le tyran Ali Bongo qu’elle soutient et a toujours soutenu, est encore parvenu à s’imposer par la fraude électorale et le massacre des populations civiles, dans une certaine indifférence de la “communauté internationale”.
Certains y verront évidemment du réalisme politique ou realpolitik, là où ressort davantage le tropisme paternaliste, néo-colonial, et raciste d’une classe politique française pathologiquement incapable de voir en “l’Homme Africain” un être égal suffisamment “évolué” pour mériter enfin l’alternance démocratique.
Joël Didier Engo, Président du CL2P
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Gabon: Valls appelle au «dialogue», le pouvoir arrête des journalistes
«Dieu me garde de mes amis. Mes ennemis, je m’en charge» : Manuel Valls peut certainement méditer la célèbre sentence de Voltaire en l’appliquant au Gabon. Le Premier ministre pensait-il tourner la page de la crise gabonaise en validant pour la première fois la réélection d’Ali Bongo à la tête du Gabon ? Ce dernier, loin de conforter ce signal amical, a peut-être mis le chef du gouvernement français dans l’embarras. Le 31 octobre, en déplacement à Abidjan en Côte d’Ivoire, Valls surprend tout le monde en déclarant : «Le Gabon a un Président et le seul souhait que nous pouvons émettre, c’est qu’il y ait un dialogue, une réconciliation».
«Une anomalie flagrante»
Si les propos surprennent, c’est parce que jusqu’à présent la communauté internationale et plus précisément les Européens s’accordaient pour émettre des «doutes» sur la réélection contestée d’Ali Bongo fin août. Personne ne s’est pressé pour féliciter l’homme fort du pays, lui-même fils de l’inamovible Omar Bongo. L’Union européenne dont on attend toujours le rapport final, a évoqué «une anomalie flagrante», alors que, sur la même ligne que Jean-Marc Ayraut, ministre des Affaires étrangères, Valls avait lui aussi demandé «un nouveau décompte des voix» le 6 septembre.
Quelle mouche a donc piqué le Premier ministre pour entériner brusquement une réélection à ce point unanimement contestée ? Ses propos ont en tout cas rapidement enflammé les réseaux sociaux, où la diaspora proche de l’opposition est très active. Mais c’est sur place, à Libreville que l’appel au «dialogue» a été le plus concrètement démenti. Par le pouvoir lui-même.
Des hommes cagoulés au siège d’un journal d’opposition
Trois jours après la déclaration de Valls, des hommes en civil, parfois cagoulés et tous lourdement armés, vont en ainsi investir les locaux d’un journal d’opposition Echos du Nord. Ce jour-là, jeudi 2 novembre, ces hommes qui font irruption au siège du titre, arrêtent 14 personnes, aussitôt envoyées dans un lieu de sinistre réputation : «la Direction générale de documentation et de l’immigration (DGDI), est connue pour abriter des cellules et un centre d’interrogation où la torture est systématique», affirme Désiré Ename, le rédacteur en chef d’Echos du Nord, qui vit en exil à Paris depuis décembre 2014. Non seulement les personnes interpellées ce jour-là affirmeront avoir été sévèrement tabassées, mais dès le lendemain vendredi, c’est au tour de la rédactrice en chef adjointe Raissa Oyasseko d’être interpellée chez elle et conduite à son tour à la DGDI.
«Décevants et révoltants»
Relâchée le lendemain, elle a raconté son interrogatoire dans le dernier numéro d’Echos du Nord paru lundi : questionnée sur un article de l’hebdomadaire évoquant les déboires récents d’un général connu, elle prétend ne pas en connaître l’auteur. Ce qui lui aurait valu d’être «bâillonnée» et frappée : «à l’aide d’un tuyau noir dans lequel il y avait un bois, ils m’ont donné des coups, aux fesses, aux cuisses, sur la plante des pieds», décrit-elle. Puis un peu plus tard elle sera: «accrochée à une barre» et «balancée de gauche à droite». Voilà une conception du «dialogue» avec l’opposition, que Manuel Valls n’avait peut-être pas imaginé.
«Les derniers propos de Manuel Valls sur le Gabon sont à la fois décevants et révoltants. De quel droit dénie-t-il à un peuple le droit d’exprimer son vote ? Comment un homme public de ce niveau peut-il se déjuger aussi facilement ? C’est pitoyable», s’indigne Désiré Enamé. De son côté le Premier ministre français n’a pas officiellement réagi à l’attaque contre l’hebdomadaire Echos du Nord.
Par Maria Malagardis