Nos ancêtres, en Afrique, du pays Bassa l’appelaient Penda, ceux des terres Xhosa ou Shona en Afrique du Sud, Ubuntu et du Rwanda, Gachaça. Un effort de justice, le courage d’une vérité partagée, une paix, sincère, des cœurs ; l’alliage aussi de la raison et de la sagesse. Il ne peut donc être la victoire d’un camp, celui de ceux qui avaient tout compris du « patriotisme » sur l’autre, celui des « marcheurs, oiseaux de mauvaise augure, leaders spontanés des réseaux sociaux, apprentis-sorciers… ». Celle d’un homme-lion, maitre de ces horloges parfois en panne, sur une grande partie de son peuple.
Le « Dialogue » n’est donc pas un de ces jokers, fructueux et gagnants, sur l’échiquier international : un coup de génie de communication politique pour un blanc-seing de la prétendue communauté internationale. Celui qui répond à l’ONU, après avoir ignoré le NOUS ; celui qui regarde vers la France et son Auvergne, plutôt que vers nos chaines montagneuses, leur pendant tropical ; celui qui parle aux Etats-Unis, après avoir mis le couvert sur les raisins de ces colères qui ont ébranlé notre unité.
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Il ne peut donc être une énième ruse des puissants. Celle qui à force de prendre le temps pour un allié inoxydable a vu défiler, depuis le début du crépitement des armes dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, des rangs interminables de déplacés et de réfugiés. Celle qui assiste à la sépulture de milliers de morts, dans l’uniforme du soldat ou le linceul maculé de sang de pauvres citoyens.
Il ne peut donc être le triomphe de milices, bras armés de forces politiques ou phalanges spontanées, sur des populations étranglées par la pauvreté, l’échec ou l’absence de politiques publiques, la crise de redistribution des richesses, du sol, du sous-sol et de la mer. Celui qui donnerait la raison victorieuse à Ayaba Cho Lucas, Ayuk Tabe, Carlson Ayangwe, Gorji Dika, Ikomi Sako, Chrsi Anu…, les tenants de l’Ambazonie. Il est celui qui repart à Foumban pour visiter, c’est vrai ses musées exaltants, mais dépoussiérer ces Accords. Oser dire que le fédéralisme n’est pas la désunion, mais qu’il peut être objet de discussion. Que les Etats-Unis, l’Allemagne, l’Ethiopie, la Russie, la Suisse, états fédéraux sont UN et INDIVISIBLES aussi. Que le régionalisme et le fédéralisme sont des déclinaisons de la décentralisation.
Il ne peut donc être le fruit de la préscience d’hommes politiques, de l’opposition ou du pouvoir, qui avaient énoncé avant tout le monde, twitté avant le tout-venant, dégainé sur facebook avent leurs adversaires, sur les vertus du Dialogue National Inclusif. Un ravalement des vitrines où chaque groupe converge vers l’Immeuble Etoile pour dévoiler le lustre de ses produits. Il est celui où l’opposition peut unir ses forces pour faire converger des thèmes et ouvrir les vannes du consensus.
Il est celui de la réinvention de nouvelles formes de participation politique. Celui où l’on a le droit de marcher pacifiquement quand on est du MRC que du RDPC. Que l’on a le droit d’organiser sereinement son meeting, une réunion, sans la férule du sous-préfet, que l’on soit du SDF, du PCRN, de l’UNDP, de l’UPC, du CPP comme du RDPC.
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Il ne peut donc être une nouvelle édition de 1991 et sa Tripartite ambiguë. Un best of des occasions manquées de notre pays, comme ce conclave, programmé pour discuter selon les prescriptions du chef de l’Etat à son premier ministre d’alors, Sadou Hayatou, du « Code médiatique et du Code électoral », qui finit, grâce à l’opiniâtreté de quelques hommes politiques, par accoucher d’un projet novateur de Constitution, avec élection à deux tours et mandat de 5 ans, renouvelable une fois. Un texte de qualité malheureusement trituré et vidé de sa substance par cinq ans de ruses, de gain de temps. Malheureusement non appliqué dans quelques dispositions essentielles, telles que l’organisation d’élections régionales, consacrant le centralisme de la désignation des Délégués du Gouvernement et son pendant, la déconcentration et ses gouverneurs tout-puissants.
Dans l’Egypte antique, l’une des matrices de la civilisation, d’où viennent des peuples du Cameroun, c’était un jumeau de la Maat, ce principe qui nous enseigne que la justice sans la vérité est comme un discours succulent sur la forme et fade dans le fond. Le « Dialogue », serait donc la reddition et le drapeau blanc des orgueils ; de la vanité devenue doctrine de la politique. Un défi à notre sens de l’humilité. Celui que Ptahhotep, premier auteur de livre de l’histoire de l’humanité conseille à chacun de nous : « prends conseil auprès du sage comme de l’ignorant, car il n’existe pas de perfection dans l’art. La perfection est plus rare que la pierre verte, pourtant elle peut se trouver dans la parole de l’ouvrière sur la meulière ».
« Le Dialogue » est donc celui qui s’inspire de cette Afrique ancienne, de la profondeur de la Charte du Mandé dans l’empire du Mali, dont les traces sont parvenues par la magie des migrations jusqu’au Nord-Cameroun. Il n’est donc pas un édit des rois, un décret de Prince. Il est celui qui se fait en puisant dans la tendresse des cœurs, le mulema en pays Sawa, celui qui puise dans le Pulaaku des Peuls.
Il est celui qui, comme en ce 13 septembre, va vers ces morts pour notre dignité, notre liberté, notre Indépendance, tel un Um Nyobé et bien d’autres figures. Celui qui prépare leurs obsèques méritées. Celui qui ne laisse plus Ahidjo hors de ses terres ; réconcilie donc cœurs et visions de notre pays. Celui qui ne lit pas le Prince de Machiavel mais les Actes du Colloque sur l’Identité Culturelle du Cameroun en 1985, bréviaire du dépassement de nos héritages coloniaux de l’anglais et du français pour fonder un être camerounais au cœur de l’Afrique. Un être camerounais pour la Renaissance Africaine.
Il est celui qui ôte les chaines de ses enfants en prison, Kamto, Valsero, Kingue, Mota et tous les autres pour qu’ils donnent la main à leurs compatriotes autour de la Table. Celui qui dit à Mancho Bibixy et Ayuk Tabé, que l’on a compris les raisins de la colère et que désormais on plantera ensemble, dans un pays divers, riche, aux régions à grande autonomie ou aux Etats fédérés, selon les décisions contraignantes du Dialogue, les grains de la Renaissance.
Oui, il faut le rappeler, le mot « dialogue » (du grec ancien composé du préfixe : « au travers, par, entre », et du radical : « parole, raison, verbe » -, c’est-à-dire littéralement : « une parole raisonnée et agissante, qui pénètre, tranche et traverse complètement et méticuleusement ») désigne un type de communication entre plusieurs personnes ou groupes de personnes. Le dialogue se distingue de la discussion et du débat : il réfère à un mode de conversation qui comporte nécessairement raison, discernement, exactitude et sagesse, ainsi qu’une interpénétration des arguments convergents et convaincants, au fur et à mesure de ce que le dialogue se déploie parmi les interlocuteurs.
Paul Biya l’avait d’ailleurs compris quand il déclarait en 1991 à Bafoussam, quelque temps avant la fameuse Tripartite, en déclarant : « Vouloir dialoguer et définir soi-même les modalités du Dialogue, c’est refuser le dialogue, c’est vouloir imposer sa volonté ».