Le 29 juin 2020, l’Assemblée Nationale gabonaise à adopté une loi portant dépénalisation de l’homosexualité dans ce pays. Cela signifie que les homosexuels gabonais ne seront plus sanctionnés par des peines de prison et des amendes pécuniaires comme cela était le cas jusqu’à lors. Cette information a causé un vif émoi et a littéralement enflammé la toile dans notre pays : la plupart des commentaires sont rédhibitoires, les avis sont tranchés, les réactions violentes voir haineuses à l’endroit de l’homosexualité et des homosexuels. Ces réactions laissent transparaître une certaine peur/panique à la seule idée qu’une telle décision puisse être prise dans notre pays. Le Gabon est perçu, de ce fait, comme un cheval de Troie qui aurait pour mission de faire ouvrir les portes de la dépénalisation de l’homosexualité dans la sous-région Afrique Centrale, notamment au Cameroun.
L’homosexualité fait partie des minorités sexuelles LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels, transsexuels) tolérées dans la plupart des pays occidentaux, décriées et farouchement combattues principalement en Afrique noire. L’homosexualité n’est pas le seul sujet clivant qui suscite des tensions sociales à travers le monde : on peut citer l’avortement, la drogue, la pédophilie, la prostitution, l’euthanasie, le mariage pour tous, entre autres. Ce phénomène intéresse par l’impact réel ou supposé qu’on lui attribue sur nos valeurs de référence, sur l’évolution des mœurs et des mentalités dans nos sociétés africaines modernes. C’est la raison pour laquelle nous nous sentons tous intimement concernés par le sujet, que nous soyions contre l’homosexualité ou non.
LE POINT DE VUE DES HOMOPHOBES.
L’homophobie est le mépris, le rejet ou la haine envers les homosexuels. Ces derniers sont victimes de stigmatisation, de chantage, de violences verbales ou physiques parfois mortelles. Certains vont même jusqu’à proposer qu’ils soient systématiquement brûlés vif. Les homophobes les plus violents sont souvent des homosexuels refoulés qui n’osent pas faire leur coming-out. Le sentiment homophobe trouve sa justification dans les croyances religieuses et traditionnelles.
– Certains chrétiens estiment que l’homosexualité est une abomination condamnée dans la Bible. Cependant, le Pape donne un autre son de cloche en déclarant que, si une personne est gay et qu’elle cherche le Seigneur avec bonne volonté, on ne devrait pas la juger. Il semble, par ailleurs, que le Saint Coran ne condamne pas clairement l’homosexualité. Ces points de vue divergents ouvrent ainsi le débat sur la justification religieuse de l’homophobie.
– D’aucuns pensent que l’homosexualité est une pratique étrangère, totalement ignorée dans nos sociétés traditionnelles. Par contre, le chercheur camerounais Charles Guebogo (que j’invite â nous éclairer ici) estime que les mots et expressions désignant les différentes pratiques homosexuelles dans les langues africaines, nous indiquent qu’il s’agit de réalités qui ont été concrptualisées bien avant l’arrivée des colonisateurs. L’unanimité sur ce point n’est pas effective et nous invite une fois de plus au débat.
– Certains évoquent la théorie du complot selon laquelle les pays occidentaux, avec la complicité de certaines élites de nos pays africains, engagés dans les sectes et autres cercles ésotériques, feraient feu de tout bois pour imposer l’homosexualité aux populations. Le but recherché serait de désorganiser la société par la perte des valeurs et des repères, afin de pervertir, d’exploiter sexuellement et d’asservir les populations, en contrepartie de promesses d’ascension sociale et des avantages matériels. Les pays où les individus qui refuseraient de se plier à ces pratiques seraient marginalisés et sanctionnés.
LA LUTTE CONTRE L’HOMOPHOBIE.
L’homophobie est combattue dans les pays occidentaux, et l’Union Européenne en a fait son cheval de bataille. Pour les partisans de cette tendance, l’homosexualité serait une orientation sexuelle normale au même titre que l’hétérosexualité. Sylvia Bongo, la première Dame gabonaise résume cette tendance lorsqu’elle déclare, pour se féliciter de l’adoption de la loi portant dépénalisation de l’homosexualité, que le Parlement a rétabli un droit humain fondamental pour les citoyens, celui d’aimer librement sans être condamné. Oui à la dignité, non à la haine, à la stigmatisation, fondées sur une orientation sexuelle naturelle.
CE QUE JE PENSE.
Je relève, pour le déplorer, que lorsqu’on parle de l’homosexualité, sujet sensible au plus haut point, la raison et le bon sens s’effacent et laissent la place aux réactions épidermiques irréfléchies, dictées par l’émotion et la passion. Les remous contre l’homosexualité aujourd’hui me rappellent les réactions violentes en France au siècle dernier contre l’octroi du droit de vote aux femmes. Ce droit leur a été accordé, mais l’on n’a pas assisté à toutes les horreurs et catastrophes que prédisaient ceux qui refuseraient ce droit fondamental aux femmes. Le catastrophisme issu de la peur irraisonnée d’une situation est souvent démenti par les événements réels..
Tâchons de ne pas prendre nos vessies pour des lanternes, car les montagnes que l’on s’imagine accouchent parfois de souris.
A mon avis, la peur de l’homosexualité est exagérée, car il s’agit d’un phénomène marginal, caché, discret, non invasif. Bref, les homosexuels ne s’affichent par peur des représailles, ils restent dans leurs cercles fermés, et n’y vont que ceux qui sont intéressés. C’est une minorité qui ne constitue donc pas une menace pour la majorité hétérosexuelle, non plus une menace pour le développement économique du pays, l’exemple des pays occidentaux développés étant là pour l’attester.
Mon propos n’est pas une apologie ou un plaidoyer en faveur de l’homosexualité. Je ne suis pas homosexuelle ni homophobe, je m’efforce tout simplement de faire une analyse froide, objective, sans passion sur ce sujet. Je comprends que l’on puisse avoir des opinions divergentes, mais je désapprouve la violence utilisée par certains pour imposer leur point de vue aux autres. Je désapprouve donc les actes de violence contre les homosexuels,
La pratique de l’homosexualité pose le problème de notre rapport au corps et à la sexualité, qui est un sujet tabou chez nous. Elle pose également le problème de la liberté de chacun de nous disposer de son corps comme il l’entend, à condition de ne pas porter préjudice à autrui et à la société. En général l’homosexualité concerne les rapports librement consentis entre adultes responsables, son impact sur la société s’en trouve donc amoindri.
SUGGESTIONS PRATIQUES
Nous n’en sommes pas encore à la dépénalisation de l’homosexualité dans notre pays, cependant il serait souhaitable d’anticiper, de réfléchir d’ores et déjà sur notre réaction face à une telle éventualité, afin d’éviter les controverses, les tiraillements, les frustrations observés au Gabon voisin à cet effet. Sur un plan élargi, la question de l’homosexualité devrait faire l’objet d’un débat public, d’études et de sondages préalables auprès des populations, par exemple. Pour maîtriser un phénomène, il faut le cerner objectivement, et ceci passe par l’information et l’éducation des masses, en vue d’une moralisation des mœurs et un changement de mentalités.
Sur le plan individuel, il y a des choses dont l’existence ou l’avènement échappent à notre volonté ou à notre pouvoir, par exemple une éventuelle dépénalisation de l’homosexualité dans notre pays. Si nous ne pouvons pas changer la situation, nous devrions concentrer nos efforts sur des choses qui dépendent de nous et sur lesquelles nous pouvons influer. Nous pourrions agir sur nous-mêmes et nos proches, nos enfants par exemple, en adoptant et en leur inculquant une éthique, une hygiène de vie fondées sur l’amour, le respect de soi, de son corps et des autres. Nous devrions respecter les choix des autres, effectuer les nôtres avec discernement, et les préserver. EDUCATION, INFORMATION, RESPECT ET TOLÉRANCE SONT LES MAÎTRES MOTS À RETENIR ICI.
* JE VOUS MONTRE LA LUNE, PRIÈRE DE NE PAS VOUS FOCALISER SUR MON DOIGT!
Par Caroline Meva, Écrivaine