DÉCLARATION N°000009 DU COMITÉ DE LIBÉRATION DES PRISONNIERS POLITIQUES SUITE À L’AVIS DU GROUPE DE TRAVAIL DE L’ONU SUR LA DÉTENTION ARBITRAIRE AU SUJET DE M. YVES MICHEL FOTSO
À l’issue de sa 78e session tenue entre le 19 et 28 avril 2017, le Groupe de travail de l’Organisation des Nations Unies sur la détention arbitraire a adopté l’avis N°40/2017 sur le cas de l’ancien directeur général de la Cameroon Airlines et homme d’affaire camerounais Yves Michel Fotso.
En son point 57, le Groupe de travail conclut sa décision rendue publique le 28 juillet dernier en ces termes: «le Groupe de travail estime, sur la base du paragraphe 17b) de ses méthodes de travail, qu’il ne s’agit pas, en l’espèce, d’un cas de détention arbitraire».
En d’autres termes, les éléments soumis par M. Yves Michel Fotso au Groupe de travail ne suffisent pas pour établir une détention arbitraire au regard de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques (CL2P):
1/ Constate d’une part que M. Yves Michel Fotso et ses avocats ont saisi le Groupe de travail de l’Organisation des Nations Unies sur la détention arbitraire sur les bases d’un régime de défense dit technique. En optant pour une défense technique, M. Yves Michel Fotso et ses conseils ont de facto crédibilisé le despotisme légal du régime de Yaoundé où la justice est un vrai mirage.
Cette manœuvre légale serait peut-être motivée par l’état de nécessité dans lequel se trouve M. Yves Michel Fotso face aux multiples abus, sévices corporelles et morales dont sont astreints les prisonniers politiques au Cameroun. En effet les prisonniers politiques ont souvent recours aux expédients y compris juridiques pour essayer désespérément de sensibiliser l’opinion internationale quand toutes les voies de Justice sont bloquées dans des régimes dits de despotisme légal. Parer à la première urgence vitale comme ultime bouée de sauvetage juridique semble parfaitement naturel pour un prisonnier politique confronté à un despotisme légal qui, comme au Cameroun, ne lui laisse pratiquement aucune chance d’être jugé de manière juste et équitable.
Pour cette raison tenant véritablement à un besoin de survie juridique, la décision du Groupe de Travail sur la Détention Arbitraire des Nations Unies concernant Yves Michel Fotso ne saurait faire jurisprudence. Car elle ne suffit pas à fonder ou à justifier un précédent juridique, s’apparentant davantage à un alibi inespéré voire à une béquille légale offertee à une dictature.
2/ Le CL2P tient d’autre part à préciser que M.Yves Michel Fotso continue de répondre aux critères retenus par notre organisation (présentation
Rappelons, pour ce qui est de ce dernier critère, que M. Yves Michel Fotso est détenu au Secrétariat d’Etat à la défense à Yaoundé, un camp militaire où il est gardé et escorté par le Groupe polyvalent d’intervention de la gendarmerie nationale, corps d’élite de la gendarmerie.
S’agissant du premier critère cité, M.Fotso est sous le coup d’une condamnation à 25 ans de prison ainsi que d’une double condamnation à vie, toutes pour malversations financières, dans le cadre de l’achat d’un avion présidentiel et de la gestion de la Camair.
La nature politique de la détention de M.Yves Michel Fotso transparaît d’autant dans cet extrait de la communication du gouvernement camerounais du 10 mars 2016 par la voix de son porte-parole, M. Issa Tchiroma Bakary lorsqu’il dit: «je voudrais parler ici de la question relative aux procédures judiciaires visant certaines personnalités de premier plan, qu’il s’agisse de hauts commis de l’État ou de personnalités du monde des affaires, dans le cadre de la lutte menée par le chef de l’État contre la corruption et les atteintes à la fortune publique.».
Que dire d’autres si ce n’est que le procureur – en – chef de M.Yves Michel Fotso n’est autre que le chef de l’État camerounais, Paul Biya, à en croire les propos du porte-parole de son gouvernement?
3/ Le caractère arbitraire de la détention d’Yves Michel Fotso ayant été infirmé par l’ONU, le Comité de Libération des Prisonniers Politiques déplore qu’il n’ait jamais été poursuivi sur la base des faits clairs et précis au Cameroun, pouvant au moins lui garantir un procès équitable. Ce qui en dit long sur la partialité de l’avis N°40/2017 rendu par Groupe de Travail sur la Détention Arbitraire de l’ONU à l’issue de sa 78e session tenue entre le 19 et 28 avril 2017.
Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques (CL2P)
Paris le 03 août 2017