Démocratie Enchaînée: Despotisme juridique et condamnations répétitives au Cameroun. Par Olivier Tchouaffe, PhD, contributeur au C2LP
Comme pour une longue liste de prisonniers politiques avant eux, l’ancien secrétaire général adjoint de la présidence et ancien Premier ministre, le chef Ephraïm Inoni puis l’ancien ministre d’État, Jean-Marie Atangana Mebara, ont été de nouveau condamnés par la Cour suprême du Cameroun mardi 27 Juin 2017 à 20 ans de prison ferme.
Ces condamnations répétitives sont la conclusion logique d’un système judiciaire opaque. Elles soulèvent le problème de l’autorité légale et de l’indépendance de la Justice dans une monarchie présidentielle comme le Cameroun. Ainsi, la Cour suprême se voit transformer en une de facto institution politique pilotée par une idéologie totalitaire arrogante plutôt qu’un engagement profond en faveur des principes de Droit.
Cette institution politique est donc en premier, en fait, la branche juridique d’un modèle autoritaire de gouvernance: un instrument du pouvoir de l’Etat qui vise à bloquer le système politique, à bloquer les mouvements sociaux, à empêcher la résistance ou désobéissance civile et créer un climat politique d’autocensure par l’intimidation judiciaire et la terreur policière. Par soi-même, cette forme de despotisme juridique ne fait rien pour réformer la maladie d’un système corrompu dirigé par un régime crapuleux. Et pire encore, ces condamnations répétitives ne légitiment ou crédibilisent pas le régime. Bien au contraire, elles démontrent un manque de consensus démocratique et une forte instabilité politique malgré le slogan démagogique de la «démocratie apaisée.»
Deuxièmement, ce despotisme légal qui est une forme de déconstruction par voie judiciaire de la compétition électorale n’est pas en phase un système politique qui se veut inclusif. Précisément, parce que le despotisme légal est l’antithèse des lois stables et démocratiquement établies, notamment lorsque la justice agit comme au Cameroun selon les caprices d’une monarchie présidentielle, et qu’elle sert uniquement au bon plaisir du président à vie.
Troisièmement, ces condamnations répétitives confirment la prédominance d’une justice punitive. Comme disait Martin Luther King : “la justice retardée ou refoulée est une justice déniée ou refusée”. La justice punitive ne sert pas l’intérêt public. La vraie justice doit inclure des composantes désintéressées, correctives, et réhabilitatrices. Le C2LP peine encore à déceler la moindre inflexion du gouvernement camerounais dans cette voie. Pire, en réalité ledit gouvernement ne s’intéresse pas à la récupération de l’argent supposé « volé », car il ne tente même pas de négocier des formes adaptées de plaider coupable, ou de mettre en place des sortes de travaux d’intérêt général applicables aux condamnés.
Plus important encore, il faut enfin prendre conscience qu’il n’y a aucun moyen juridique de gagner ou d’être innocenter devant une cour suprême de Paul Biya à travers toutes ces subtilités d’interprétation savamment ordonnées au juge dit constitutionnel. Parce que la loi, au Cameroun de Paul Biya, n’est jugée applicable que lorsqu’elle s’aligne sur les desiderata et les intérêts du pouvoir d’État. Par conséquent, les valeurs démocratiques ne peuvent pas s’appliquer automatiquement et s’imprimer naturellement dans l’inconscient collectif. Aussi ceux des politiciens qui pensent ou essayent de se convaincre qu’ils vont battre le régime de Biya sans compétition électorale ouverte et directe se mentent à eux-mêmes.
Par Olivier Tchouaffe, PhD, contributeur au C2LP
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Version anglaise – English version
Democracy in Chains: Legal Despotism and repetitive convictions in Cameroon. By Olivier Tchouaffe, PhD, contributor to the C2LP
As with a long list of political prisoners before them, former Under-Secretary-General of the Presidency and former Prime Minister Chief Ephraim Inoni and former State minister, Jean-Marie Atangana Mebara were again convicted by the deferential Supreme Court of Cameroon on Tuesday 27 June 2017 for 25 years in prison.
Likewise, these repetitive convictions are the logical conclusion of an opaque judicial system raised the problem of the Court’s legal authority and independence of justice to the effect that the Court is under the supervision of an absolute presidential monarchy ruling without any forms of checks and balances turning the Supreme Court into a de facto political institution driven by ideological arrogance rather than a profound commitment to the principles of jurisprudence.
First, this political institution is, as a result, a de facto the legal branch of an authoritarian model of governance; an instrumentality of state power which aim is to lock up the political system, block social movements, civil resistance and create self-censorship through judicial intimidation and terror. By and of itself, this form of legal despotism does nothing to reform the malady of a corrupt system and a predatory regime of makers and takers. And worse, this model exposes a lack of government consensus that speaks of political instability despite of the demagogic slogan of “appeased democracy.”
Second, this legal despotism is a form of court ordered deconstruction of electoral regulations through legalized voting suppression that does not bode well for a political system that calls itself inclusive. Precisely, because legal despotism is the antithesis of stable and democratically established laws when justice acts according to the whims of a presidential monarchy they serve under.
Third, these repetitive convictions put emphasis on punitive justice. As Martin Luther King said “Justice delayed is justice denied.” Punitive justice does not serve the public interest. True justice, consequently, has to be selfless, corrective and rehabilitative components the C2LP has failed to see from the Cameroonian government. The government, moreover, is not interested in recovering the “stolen” money because it does not even attempt to negotiate forms of plea bargain or community services from the convicted.
Most importantly, it is the knowledge that there are no way to win in Biya’s court through the subtleties of constitutional interpretation because the Law, in Cameroon, is only applicable when it is aligned to the views of state power. Hence, democratic values are not self-enforcing and politicians and civil libertarians who think that they are going to beat the Biya’s regime without direct confrontation are lying to themselves.
Olivier Tchouaffe, PhD, contributor to the C2LP