Plusieurs opposants politiques détenus à la prison centrale de Yaoundé ont été “brutalement enlevés pour une destination inconnue” après la mutinerie qui a éclaté lundi soir dans l’enceinte de ce pénitencier, ont dénoncé mercredi leurs avocats dans un communiqué.
“A la suite du mouvement d’humeur des prisonniers observé à la prison centrale de Yaoundé” plusieurs militants du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) “ont été brutalement enlevés de cette prison pour des destinations inconnues”, affirme le collectif d’avocats constitué pour défendre les centaines de militants du MRC interpellés depuis janvier.
Le vice-président du MRC Mamadou Yacouba Mota fait partie des personnes “exfiltrées” de la prison, selon le communiqué.
Lundi, plusieurs détenus de la crise anglophone rejoints par certains du MRC, dont son vice-Président, M. Mota, ont organisé une manifestation pacifique relayée sur Facebook pour dénoncer leurs conditions de détention.
En soirée, certains endroits de la prison ont été saccagés, un bureau, la bibliothèque et un atelier de couture ont été incendiés, sans que les auteurs soient identifiés.
“Après moultes recherches, il nous a été indiqué qu’une partie de nos clients se trouvait au Secrétariat d’État à la Défense (SED)”, ont indiqué leurs avocats précisant qu’un droit d’entrée leur a été refusé.
“Nous craignons sérieusement les traitements inhumains et dégradants et les tortures” dont ils “pourraient être victimes”.
[spacer style="1"]
Siège de la gendarmerie à Yaoundé, le SED est fréquemment dénoncé par les associations de droits humains, qui affirment que la torture y est largement pratiquée.
Le gouvernement camerounais avait annoncé mardi l’interpellation de 177 détenus, dont M. Mota.
Selon le communiqué de Yaoundé, la responsabilité de la mutinerie incombe à “un regroupement de personnes” placées en détention provisoire dans le cadre de la crise anglophone.
Mais pour le MRC, la mutinerie a été provoquée par “une décision scandaleuse” des autorités d’ouvrir la cour, où manifestaient les séparatistes et opposants politiques, à des détenus dangereux, affirme mercredi le porte-parole du président du parti, M. Kamto.
La situation a dégénéré avec “des pillages et des départs de feu”, selon le porte-parole Olivier Bibou Nissack.
Mardi après-midi, la prison de Buéa, chef-lieu du Sud-Ouest, une des deux régions anglophones, s’est également échauffée. Plusieurs tirs y ont été entendus à proximité, des flammes et de la fumée se dégageant du toit, ont été observées.
Dans ces zones, des séparatistes sont en lutte pour la création d’un Etat anglophone indépendant, affrontant quasi-quotidiennement les forces de l’ordre camerounaises.
[spacer style="1"]
Cameroun: l’écrivain Enoh Meyomesse déplore les conditions carcérales
Le calme est revenu à la prison centrale de Yaoundé. Les forces de l’ordre sont intervenues pour empêcher une évasion massive des détenus qui protestaient contre leurs conditions de détention.
Les détenus protestaient notamment contre leurs rations de nourriture. La mutinerie vite contenue a été relayée en direct sur les réseaux sociaux. Des détenus issus des deux provinces anglophones du pays qui chantaient l’hymne de leur République autoproclamée d’Ambazonie. En plus des partisans du séparatisme, de nombreux militants du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun de l’opposant Maurice Kamto, lui aussi en prison, se sont joints au mouvement. Conséquence : le premier Vice-président du parti, Mamadou Mota, également en prison, a été interpellé.
Dans un communiqué parvenu à notre rédaction, le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement du Cameroun a condamné cette insurrection. “La première évaluation de cet incident fait état d’importants dégâts matériels enregistrés, dont l’incendie de la bibliothèque de la prison, de l’atelier de couture des femmes et du bureau du responsable de la discipline des détenus, ainsi que le pillage de petits commerces internes au pénitencier”, écrit René Emmanuel Sadi.
Le ministre a cependant confirmé l’interpellation de soixante-dix-sept détenus repérés parmi les meneurs de cette insurrection. “Ils sont interpellés et sont en exploitation dans les services de la police et la gendarmerie”, ajoute-t-il.
L’écrivain et homme politique camerounais Enoh Meyomesse, qui vit en exil en Allemagne a passé trois ans à la tristement célèbre prison de Kondengui, à Yaoundé, avant d’être libéré en juin 2015. Il revient sur l’univers carcéral de cette prison.