C’était un bien triste anniversaire, hier dimanche, pour la rédaction du journal burundais Iwacu. Tous les journalistes se sont présentés au siège du journal en noir pour commémorer la disparition, il y a deux ans tout juste, de leur collègue Jean Bigirimana. Selon des témoins, le 22 juillet 2016, Jean Bigirimana avait été arrêté sur la route près de Bugarama, dans la province de Muramvya, par des agents du Service national de renseignement. Ce confrère burundais, qui aurait eu 39 ans cette année, n’a jamais été revu depuis. Une disparition qui, deux ans après, continue de soulever beaucoup de questions.
Au moment de sa disparition, Jean Bigirimana était une jeune recrue à Iwacu, déjà à l’époque l’une des bêtes noires du régime. C’était un transfuge de la radio télévision Rema, proche du pouvoir. Son oncle avait été porte-parole du chef de l’Etat. Léonidas Hatungimana avait fait dissidence juste avant l’élection présidentielle et le troisième mandat de Pierre Nkurunziza.
Mais Jean c’était un bon journaliste d’investigation et sans couleur politique, insiste son directeur de publication, Antoine Kaburahe. « C’était une nouvelle recrue. On l’avait recruté, justement, pour ses qualités de journaliste d’investigation», nous raconte Antoine Kaburahe.
En ce 22 juillet 2016, Jean Bigirimana a prévenu sa rédaction vers 11h qu’il allait faire un saut à Bugarama, sans donner plus de précisions. Vers 15h, une femme inconnue appelle le siège d’Iwacu et annonce qu’il a été enlevé. « Il a disparu, comme ça, un vendredi 22 juillet. C’est un coup de fil… Il y a eu un coup de fil vers la rédaction d’Iwacu, qui a informé le rédacteur en chef que Jean Bigirimana venait d’être arrêté. Il y avait des pistes, dont notamment cet appel téléphonique», poursuit Antoine Kaburahe.
«Depuis deux ans l’enquête semble au point mort»
Bugarama, c’est vraiment une petite bourgade. Donc, quelqu’un qui se fait arrêter là, il y a des dizaines et des dizaines de témoins ! Une enquête policière pouvait très bien remonter pour savoir ce qui s’est passé. On a donné tous ces éléments, on s’est constitué partie civile, on a introduit une plainte contre X… Je pense que Iwacu a fait tout ce qu’il pouvait pour essayer d’aider la justice, pour essayer de trouver la vérité. Mais depuis deux ans l’enquête semble au point mort. En tout cas, on n’a aucune information sur une quelconque avancée de l’enquête »
Ce sont les collègues de Jean Bigirimana qui seront les premiers à mener l’enquête. Ils interrogent des témoins qui disent que le journaliste a été emmené dans un véhicule du SNR, le service national de renseignements. Quand sur indication de la population, des journalistes d’Iwacu conduisent la police à deux cadavres en décomposition, dont l’un décapité, la justice se refuse à faire des tests ADN et les corps sont enterrés à la va-vite.
Autre point troublant, les appels entre Jean Bigirimana et un agent du SNR juste avant sa disparition. Selon des témoins cités par Iwacu, cet agent aurait lui aussi disparu quelques jours après le journaliste. Toutes ces informations ont été considérées comme non fondées par Bujumbura.