Il ne faut en aucun cas en vouloir ni à Ni John Fru Ndi, ni à Maurice Kamto. Ces figures importantes de la scène politique camerounaise ont réussi l’exploit de s’imposer face à une dictature brutale qui prétend être un régime démocratique. Ni John Fru Ndi hier et Maurice Kamto aujourd’hui auront beau faire tous les efforts nécessaires pour incarner les espoirs de changement pour le peuple camerounais, ils auront toujours en face d’eux une voyoucratie hostile à tout esprit qui entend mobiliser le peuple et éveiller sa conscience pour une alternance pacifique.
En effet, être opposant au Cameroun n’est tout simplement pas facile. Lorsque vous êtes jeune, genre quadra, quinqua ou même sexa, et que vous jouissez d’une certaine assise populaire, vous voulez remporter des élections présidentielles en comptant sur le soutien de la majorité des camerounais parce que vous croyez en un changement par les urnes, la dictature incarnée par la famille et la belle-famille Biya, la bourgeoisie militaire et le lobby d’affaires français aura plus d’une flèche dans son carquois pour briser votre rêve. Ainsi, plusieurs obstacles se dresseront sur votre chemin.
Obstacle N°1 : Le tribalisme
L’un des leviers sur lequel le régime de Yaoundé a toujours appuyé pour briser toute volonté des Camerounais de se mettre ensemble pour le combattre c’est le tribalisme. Monter les tribus les unes contre les autres. Si l’opposant est par exemple bassa, le pouvoir Biya va engager une campagne de diabolisation de cette tribu. Le même pouvoir mettra à contribution les ba mbombog (gardien de la tradition) pour des meetings et des rencontres au cours desquelles le peuple bassa sera appelé à se désolidariser de l’opposant qui sera, par la même occasion, qualifié de « terroriste », de « rebelle », etc.
Obstacle N°2 : Les sous-préfets
Pour déclarer une réunion ou faire autoriser une manifestation au Cameroun, il faut saisir la sous-préfecture du lieu de la réunion ou de la manifestation. Or au Cameroun, la neutralité n’est pas permise au sous-préfet. Il doit faire allégeance au président Paul Biya qui d’ailleurs l’a nommé. Pour ce faire, il n’acceptera jamais que l’opposant organise une manifestation où alors tienne une réunion de son parti sur sa sphère de commandement. L’une ou l’autre sera toujours frappée d’interdiction pour « menaces de trouble à l’ordre »
Obstacle N°3 : Les cyber-agents du pouvoir
Le pouvoir de Yaoundé va verser des millions de F CFA à des blogueurs, des lanceurs d’alerte et des influenceurs web pour enflammer les réseaux sociaux (Facebook, YouTube, Whatsapp) avec des informations peut-être vraies mais le plus souvent fausses sur l’opposant afin de ternir sa réputation et ainsi dresser le peuple souverain contre lui.
Obstacle N°4 : Les faux opposants et agents doubles
Il s’agit de ces camerounais qui se disent opposants et acteurs de la société civile le jour mais la nuit, ils se laissent corrompre par certains pontes du régime. Ce sont ceux-là qui, au lieu de s’en prendre à l’ennemi commun du peuple qu’est Paul Biya et sa bande s’attaquent plutôt à cet opposant sur les réseaux sociaux et dans les débats radio et télé du dimanche. Ce sont ces opposants-là qui sont fabriqués par le régime pour émietter le vivier électoral potentiel de l’opposant.
Obstacle N°5 : Les agents infiltrés
En tant qu’Etat policier et dictatorial, le Cameroun est l’un des pays au monde où le renseignement est omniprésent y compris même à des endroits où vous avez de la peine à vous imaginer. Pour rendre l’opposant farouche au régime de Yaoundé vulnérable, la Délégation générale de la recherche extérieure (DGRE), services secrets camerounais, va infiltrer son parti politique de deux catégories de personnes : les agents doubles et les vandales. Les agents doubles ce sont ceux-là qui seront les plus bruyants, les critiques les plus virulents envers le pouvoir en place, histoire de gagner la confiance des militants et sympathisants. Mais au bout d’un certain temps, ces agents doubles vont commencer à critiquer le parti, à critiquer son leader de manière à en exposer les faiblesses au profit du camp du pouvoir. Les vandales ce sont les agents infiltrés de circonstance qui intègrent les manifestations de rue qui se veulent pacifiques pour casser, incendier, poser des barricades de manière à ce que le parti du leader soit qualifié par les spins doctors du pouvoir de parti de « casseurs », de « vandales », d’ « anarchistes », de « terroristes » car l’une des armes du régime Biya contre les acteurs du changement c’est la diabolisation de ces derniers afin de gagner la sympathie de l’opinion nationale et même internationale.
Obstacle N°6 : La presse à gage
Pour brouiller le message de quelques organes de presse professionnels, le pouvoir de Yaoundé a fabriqué de toute pièce des propriétaires de journaux, de chaînes de radio, de télévision, de journaux en ligne qui non seulement chantent ses louanges mais aussi s’attaquent à ceux qui le mettent en difficulté. C’est de cette catégorie de médias que le régime Biya va se servir pour une campagne de déconstruction de l’image de l’opposant, des mois voire des années durant. Le public subira ainsi un matraquage psychologique à voir l’opposant lynché dans des articles de presse cybernétique, à la Une des journaux et dans des émissions de radio et de télévision.
Obstacle N°7 : Les forces de l’ordre et la justice
Il s’agit là d’instruments au service de Paul Biya et son clan mafieux non seulement pour faire régner la terreur au sein de la population mais aussi pour faire considérer le soutien à l’opposant comme un danger pour sa liberté et même pour sa vie. Les forces de l’ordre seront mises à contribution pour réprimer les manifestations pacifiques organisées par l’opposant, pour torturer ses militants une fois en cellule. La justice militaire sera quant à elle utilisée pour trouver des charges du genre « insurrection », « hostilité contre la patrie », « terrorisme », etc contre l’opposant ou ses supporters. Des chefs d’accusation qui exposent à pas moins que la peine de mort. Ainsi, s’opposer au régime expose à la mort. D’où la peur de s’opposer que le pouvoir de Yaoundé gagne. Lorsque vous avez été un ancien ministre, la justice aux ordres du régime ira fouiner dans votre gestion pour y déceler quelques failles dans lesquelles elle s’engouffrera pour briser votre rêve présidentiel.
Obstacle N°8 : Election Cameroons et le Conseil constitutionnel
Les membres de l’organe en charge de gérer le processus électoral Elections Cameroons (Elecam) et du Conseil constitutionnel en charge de gérer le contentieux pré et post-électoral ainsi que de proclamer les résultats du vote, sont nommés par le président de la République, Paul Biya. Si l’opposant est capable de gagner les élections dans les urnes, il y a très peu de chances qu’il soit proclamé vainqueur car d’après la loi électorale, seul le procès-verbal de bureau de vote d’Elecam fait foi lors du contentieux électoral. Alors, si Elecam falsifie un procès-verbal au profit de Paul Biya qui a perdu dans les urnes, ce procès-verbal sera validé au Conseil constitutionnel qui va le proclamer vainqueur des élections.
Obstacle N°9 : L’assassinat
Lorsque l’opposant se montre irréductible après la répression, l’emprisonnement ou les tentatives de corruption, l’ultime recours que le pouvoir de Yaoundé envisage pour faire taire l’opposant à jamais c’est l’assassiner. Soit avec une arme soit par empoisonnement.
La démocratie dont se vantent la famille Biya et leurs courtisans n’est en réalité qu’un leurre et un piège pour tout opposant qui y croit. La voie institutionnelle de dévolution du pouvoir étant verrouillée, le peuple souverain s’étant ainsi vu confisquer sa souveraineté par une clique d’individus, seule la voie insurrectionnelle est royale pour permettre à ce peuple de se la réapproprier. L’expérience a montré qu’aucune dictature n’a été déboulonnée par la voie des urnes. Aucune.
Les organisations camerounaises de la société civile, les journalistes et les cyber-activistes ont un défi à relever : celui d’éveiller les consciences de la masse, notamment au sein de la jeunesse, afin de la préparer psychologiquement à prendre le pouvoir par la révolte populaire comme en Egypte, en Tunisie, en Algérie, au Soudan et au Burkina Faso. Ce ne serait que légitime défense face à la confiscation du pouvoir qui, dans une République, appartient au peuple.
Par Michel Biem Tong, journaliste web en exil