France: politique africaine, un rapport parlementaire fait polémique
Par Radio France Internationale (RFI), 23 avril 2015
Dans son numéro du 22 avril, Le Canard enchaîné l’hebdomadaire satirique français révèle une polémique en France autour d’un rapport parlementaire sur la politique africaine de la France. Mercredi 15 avril, lors d’une audition à la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée, les conclusions du rapport ont été dévoilées, provoquant des débats houleux. Ce rapport porte notamment sur les interventions militaires françaises sur le continent africain. Sa publication a été reportée – fait rare – par la présidente de la commission Elisabeth Guigou. Certains députés parlent d’un rapport scandaleux, donnant notamment des leçons de démocratie aux chefs d’Etat africains, d’autres d’un rapport plutôt lucide qui appelle à une refonte de la politique africaine de la France.
De mémoire de député, “la situation est totalement inédite”. Selon plusieurs fonctionnaires de l’Assemblée, “c’est du jamais-vu”. Le 15 avril au matin dans le huis clos de la commission des Affaires étrangères, salle 4223, sa présidente PS, Elisabeth Guigou, a retoqué un rapport qui ne lui plaisait pas. Un document de plus de 200 pages consacré aux relations de la France avec l’Afrique francophone, corédigé par Philippe Baumel (PS) et Jean-Claude Guibal (UMP).
D’ordinaire, tout rapport présenté en commission est débattu, amendé puis soumis au vote, enfin, et rendu public. Cette fois, Elisabeth Guigou a renvoyé son examen au 6 mai et a demandé à ses auteurs de revoir leur copie. “C’est le bon vouloir de la reine mère, se moque un député socialiste. Elle ne veut surtout pas apparaître comme caution de critiques de l’exécutif ni compromettre son éventuelle entrée au Quai d’Orsay…”. Laurent Fabius est prévenu.
Après un an de travail, de multiples auditions et un déplacement à Paris, les auteurs du prérapport – qui n’a pas encore de titre – concluent que “la France (est) aujourd’hui mal vue en Afrique” et que “la politique africaine de notre pays reste à inventer”. Ils regrettent qu’elles se limitent à “des réactions en urgence, à des interventions militaires”. D’ailleurs, “pour beaucoup de chefs d’Etat d’Afrique de l’Ouest, constatent les deux députés, le ministre de la Défense est devenu l’interlocuteur numéro 1, d’autant plus aisément que la sécurité est la priorité de la sousrégion”. Autrement dit, “le ministre de la Défense est ministre de l’Afrique”. Après la disparition du ministre de la Coopération, le Quai d’Orsay a déserté ?
Fabius déserteur ?
Baumel et Guibal estiment que “les réactions en urgence aux crises malienne et centrafricaine ont renforcé la très étroite relation qui unit le président de la République à Jean-Yves Le Drian et ont joué fortement dans la part que le ministère de la Défense a prise dans la gestion des affaires africaines”.
Tout cela pour un bilan plus que mitigé, constatent les auteurs. Première salve : “Ces interventions militaires successives n’apportent pas d’apaisement durable, encore moins de paix définitive.”
Seconde salve : “Cette situation n’est donc pas soutenable durablement, tant en termes politiques que militaires, tant en termes budgétaires que d’image de notre pays”.
Ce tir de barrage nourri contre l’exécutif a fortement déplu à Elisabeth Guigou. “On ne critique pas l’action de la France à l’étranger, estime-t-elle. Le faire c’est prendre le risque de nous fragiliser”. Idem, lorsque l’on éreinte “nos partenaires historiques” (entendez dictateurs installés par la France, note de SLT). A commencer par Paul Biya, le président camerounais. Les deux rapporteurs ne s’en privent pas, parlant “d’un régime illégitime, qui fait face à des explosions régulières mais tient, malgré tout, et se reproduit. Ce régime est né de la répression et a toujours maintenu un fort appareil de renseignements, de forces spéciales, notamment la garde présidentielle”.
Source: Le canard enchaîné, Mercredi 22 avril 2015