Des jeunes camerounais en furie, déployés en masse dans les rues de la quasi-totalité du territoire national, dénonçant et cassant certains édifices à leur passage. Les clichés et le souvenir de la crise sociale du mois de février 2008 restent vifs dans la conscience collective des Camerounais. Comme jamais par le passé, sans aucune concertation préalable, hommes, femmes et enfants de toutes les classes sociales investissent la rue durant plusieurs jours pour crier leur courroux.L’onde de choc qui s’est déjà emparée de l’ensemble de la partie Sud du Cameroun, parvient aux abords du Palais de l’unité à Yaoundé. Même la sortie précipitée, sur un ton quasi martial du chef de l’État, pour appeler à la fin des casses, ne suffit pas pour apaiser les milliers de manifestants déterminés à se faire entendre. Seule la gâchette facile de nos forces de l’ordre finit par avoir raison d’eux. Au bout du compte, « Une cinquantaine de morts » selon les autorités, « un peu plus d’une centaine », à en croire les organisations non gouvernementales. Pour des raisons qui restent sans doute encore à élucider, le discours officiel en a fait des victimes d’une « émeute de la faim ». Mais à bien y regarder, à les écouter, les mobiles pour lesquels les jeunes se sont déchaînés en février 2008, sont à chercher bien au-delà du ventre.
La vie chère sans conteste, les émeutes de février 2008 ont laissé paraître, à première vue un mal être manifeste. Celui d’une jeunesse qui peine à assurer ses besoins vitaux (manger, boire, travailler…). La hausse du prix du pétrole et la flambée des prix des produits de base qu’elle a engendrée dans la plupart des pays du monde, mais amplifiée au plan local par une communication médiocre sur la question, a suffi pour mettre le feu au poudre. La grève annoncée par les syndicats des transporteurs, réclamant la baisse du prix du carburant a prêté le flan aux jeunes, au bord de l’étouffement. « Les choses se passaient comme si nous étions victimes d’une conspiration des opérateurs économiques qui n’arrêtaient pas d’augmenter les prix des produits sur le marché. Il y avait comme un braquage économique de la part de certains opérateurs qui excellaient dans la spéculation » soutient Issouk Jean 15, jeune, enseignant de philosophie et présent lui aussi dans les rangs des manifestants en février 2008. Même s’il dit s’être désolidarisé des actes de vandalisme, il admet que « les jeunes avaient raison de manifester pour faire connaître leur famine. Je me reconnaissais pleinement dans leurs revendications. Même des fonctionnaires ont rallié les troupes dans la rue ».
Outre la dénonciation de l’injustice sociale dont ils se sentent victimes dans notre pays, les jeunes qui ont manifesté en février 2008, étaient porteurs d’un message à l’adresse du régime et d’une bonne partie de la classe administrative aux affaires. En brandissant des pancartes dans lesquelles ils réclamaient avec force « l’arrestation retardée de Mendo Ze », cité dans des affaires de détournement de deniers publics, le départ de Bruno Bekolo, recteur de « l’Université de Douala où il a laissé émerger des sectes et autres mouvements ésotériques », ou encore « la démission de Paul Biya, source des malheurs du Cameroun » ; mieux en disant « non à la révision de la Constitution », les jeunes ont clairement fait savoir que la « lutte de février 2008 » était avant tout idéologique. Quoique le régime persiste à croire que « les jeunes ont été manipulé ».
Statu quo
Les premières personnes à bénéficier des retombées de la crise sociale du mois de février 2008 au Cameroun sont les fonctionnaires. Ils ont connu une revalorisation salariale de près de 30 % . Dans la foulée, le président de la République a signé une série d’ordonnances visant à détaxer certains produits de premières nécessités. Mais la réalité observée sur le terrain montre à souhait que ces mesures n’ont pas été efficientes. Le témoignage des ménagères à ce propos est formel « le riz, le poisson et le sucre coûtent toujours aussi chère qu’avant ». Témoignent -elles. La spéculation a toujours droit de citer dans nos marchés. Même les ventes itinérantes et promotionnelles menées à travers le territoire national et les missions d’inspection des agents du ministère du Commerce ont peut-être atténué, le phénomène par endroit ; mais il n’a toujours pas été jugulé. Le Conseil national de la jeunesse, un organe supposé « parler au nom des jeunes », a vu le jour. Les remous qui ont suivi sa mise en place, sont de nature à douter de sa fiabilité et de sa force de frappe.
La jeunesse camerounaise attend encore de trouver ses « véritables porte-parole ». A l’évidence, les ingrédients d’une nouvelle crise sociale ne sont pas si loin de nous, même si Cyrille Kemmegne, fondateur de la Jecress (jeunesse camerounaise pour la relance sociale), fondée peu après les émeutes de février, dit avoir œuvré depuis lors pour « la sensibilisation des jeunes à la préservation de la paix ».
Source : camernews.com