La liberté, mais avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. En Algérie, Khaled Drareni a été libéré, mardi 10 mars, après trois nuits passées en garde à vue. Poursuivi pour « incitation à attroupement non armé » et « atteinte à l’unité nationale » après avoir filmé un rassemblement dans le centre d’Alger, le journaliste a été présenté devant le procureur de la république puis devant un juge, qui l’a finalement placé sous contrôle judiciaire après que sa garde à vue a été prolongée à deux reprises pour « complément d’enquête ».
Un « complément d’enquête » qui avait exaspéré ses défenseurs. « Quel complément d’enquête y a-t-il à mener envers des personnes arrêtées dans une manifestation ? Ou alors on cherche des accusations a posteriori, ce qui est complètement illégal au regard de la loi », dénonçait lundi l’avocat Abdelghani Badi.
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« J’ai été mis sous contrôle judiciaire parce que j’ai couvert une manifestation, alors que [le procureur] avait requis le mandat de dépôt », a déclaré brièvement le journaliste à sa sortie du tribunal, devant lequel s’étaient rassemblés des dizaines de journalistes. Après son arrestation, samedi, une pétition appelant à sa libération avait été signée par plus de 200 journalistes et plusieurs médias indépendants.
Une trentaine d’interpellations
Ce 7 mars, une trentaine de personnes avaient été interpellées par la police lors d’une marche dans la capitale. Si la plupart d’entre elles avaient été relâchées dimanche, Khaled Drareni, mais aussi Samir Benlarbi, une figure de la contestation, et Slimane Hamitouche, un militant de la cause des disparus de la « décennie noire », avaient été maintenus en garde à vue. Egalement interpellé, Toufik Hassani, un ancien policier qui avait pris position en faveur du Hirak (le mouvement de contestation), s’apprêtait à être jugé en comparution immédiate mardi après-midi.
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Samir Belarbi, lui, a été placé une nouvelle fois sous mandat de dépôt. Il est également poursuivi pour « incitation à attroupement non armé » et « atteinte à l’unité nationale », selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD). Il avait déjà été arrêté et placé en détention provisoire, le 17 septembre, pour « atteinte à l’intégrité territoriale » et « diffusion ou détention de publication portant atteinte à l’intérêt national », avant d’être relaxé le 3 février. Poursuivi pour les mêmes faits, Slimane Hamitouche a lui aussi été envoyé en prison.
Dans la matinée, le premier ministre, Abdelaziz Djerad, a implicitement appelé les opposants à mettre un terme aux manifestations de rue ou à les espacer, estimant qu’il serait « plus sage d’atténuer la tendance revendicative et l’occupation excessive de la voie publique, qui ne fait qu’aggraver davantage la situation actuelle sans apporter de solutions concrètes aux différents problèmes auxquels font face les citoyens et citoyennes ».
Par Madjid Zerrouky