Dans ma lettre ouverte adressée au président François Hollande sur ce site il y a plus d’un mois, et qui avait agacé le gouvernement congolais, je m’inquiétais de la situation politique du Congo-Brazzaville depuis cette élection présidentielle contestée du 20 mars qui a fragilisé le tissu social et instauré irrémédiablement un climat de peur, marqué par des violences et des intimidations à l’égard des populations par un régime qui leur a été imposé à l’instar d’une pluie diluvienne que la météo n’avait pas prévue.
Dans ma lettre ouverte adressée au président François Hollande sur ce site il y a plus d’un mois, et qui avait agacé le gouvernement congolais, je m’inquiétais de la situation politique du Congo-Brazzaville depuis cette élection présidentielle contestée du 20 mars qui a fragilisé le tissu social et instauré irrémédiablement un climat de peur, marqué par des violences et des intimidations à l’égard des populations par un régime qui leur a été imposé à l’instar d’une pluie diluvienne que la météo n’avait pas prévue.
J’ai donc rencontré le président français ce 14 juin à l’Elysée. Décontracté, très chaleureux, il a commencé par déplorer le fait de m’avoir «raté» au Salon du livre de Paris. Nous avons par la suite entamé une longue discussion pendant presque trois quart d’heures.
François Hollande m’a rappelé la position de la France: le contexte préoccupant de cette élection présidentielle congolaise (notamment la coupure des réseaux de communication) qui avait demandé à la France une vigilance dans la mesure où elle ne pouvait pas en apprécier les résultats. De même a-t-il évoqué ses propos lors de sa visite à Bangui le 13 mai dernier, où il avait salué la réussite d’un scrutin pluraliste réussi par les Centrafricains alors que ce n’est pas le cas partout. Le Bénin avait également donné un exemple : le candidat battu, Lionel Zinsou, avait reconnu la victoire de celui qui allait être élu, Patrice Talon, avant même l’annonce des résultats…
Il ne s’agissait pas pour moi d’implorer une quelconque intervention auprès de l’ancienne puissance coloniale – encore que les politiques que certains dirigeants africains francophones ont menées jusqu’à présent sont toujours allées dans ce sens puisque bon nombre d’entre eux sont arrivés ou se maintiennent au pouvoir en empruntant une béquille et une cravache à la France. Pourquoi laisserions-nous le destin de l’Afrique aux mains de ces quelques «diplomates» européens officieux qui prétendent agir au nom de la France alors même qu’ils n’ont aucun mandat, servent plutôt les intérêts des monarques à vie, et rêvent que l’Afrique demeure dans les ténèbres afin que ce fonds de commerce lucratif perdure?
Je tenais à rappeler l’urgence d’une ligne claire dans la résolution des conflits en Afrique de façon à dissiper l’image trop répandue d’une France friande de la politique de l’inimitié, d’une France qui avancerait masquée et prêterait continuellement des subsides aux régimes les plus sanguinaires du continent noir.
Les propositions que j’ai détaillées dans le document remis à François Hollande ont pour dénominateur commun la nécessité d’un dialogue: initier une rencontre sous l’égide de la communauté internationale. En somme, un dialogue sans exclusif, regroupant aussi bien la société civile que les différentes tendances politiques congolaises pour hâter l’avènement d’une culture démocratique, institutionnelle et administrative.
Ce dialogue ne pourrait cependant s’ouvrir qu’après la libération des prisonniers politiques et l’arrêt des bombardements dans la région du pool, au sud du pays, imputés au régime actuel. Pendant que je m’entretenais avec François Hollande à Paris, l’un des principaux opposants congolais – Jean-Marie Michel Mokoko – était interrogé à Brazzaville par la sécurité d’Etat avant d’être mis en garde à vue. Une situation qui est évidemment loin de hâter le climat de paix et qui contribue plutôt à aggraver les causes du divorce entre les dirigeants actuels du Congo et ce peuple qui n’a plus pour seule arme que le soutien que nous lui apportons.
Or le Congo ne peut faire l’économie d’une période de recomposition, avec un gouvernement de transition qui gèrerait le pays jusqu’à l’organisation de nouvelles élections claires et transparentes. Mais combien seraient capables d’un tel courage politique, qui impliquerait pour beaucoup de laisser tomber leurs privilèges et, pour d’autres, de reconnaître que le pouvoir appartient au peuple qui, même martyrisé, finira par exprimer l’ampleur de son exaspération?
Au fond, s’il n’y avait qu’une chose à retenir de ce que j’ai dit à François Hollande, cela se résumerait en quatre mots: il est encore temps. Oui, il est encore temps de prendre des initiatives courageuses, celles qui trancheraient avec l’éternelle culture politique «françafricaine» même si elles remettraient en cause les enjeux économiques. Parce qu’il ne s’agit plus désormais de sauver des biens, mais des personnes !
Alain Mabanckou