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L’opposition guinéenne était sous le choc, dimanche 18 octobre, au lendemain de l’annonce de la victoire au premier tour du président sortant, Alpha Condé (77 ans). Une victoire « par K.-O. », comme il l’avait promis. Selon les chiffres publiés samedi par la commission électorale, Alpha Condé a en effet recueilli 57,85 % des suffrages exprimés, loin devant le chef de l’opposition, Cellou Dalein Diallo (31,44 %). Les six autres candidats se partagent les miettes.
Dans ce pays marqué par les explosions de violence, l’annonce du résultat a été accueillie dans le calme, les deux camps jouant l’apaisement. La marge de manœuvre du principal opposant au président Condé est réduite depuis qu’il a déclaré ne pas vouloir saisir la Cour constitutionnelle, institution dont il conteste l’indépendance. « J’appellerai le moment venu les autres candidats et tous les citoyens qui sont les vraies victimes de ce hold-up électoral à organiser, conformément à la loi, des manifestations pacifiques. En attendant, je demande à tous les Guinéens de faire preuve de retenue et d’éviter toute forme de violence », a-t-il déclaré à l’issue de l’annonce des résultats.
« Cellou est sonné, confiait un membre de l’entourage de l’opposant, mais il est coincé. Cette élection a été une mascarade, mais s’il appelle à descendre dans la rue, il craint la réaction des forces de sécurité. » Préventivement, le gouverneur de Conakry a exhorté la population « à la retenue, à éviter toute manifestation de joie dans la rue ». Un appel repris par le parti au pouvoir et la communauté internationale. Le porte-parole d’Alpha Condé, Albert Damantang Camara, a déploré l’attitude de l’opposition, jugeant « incompréhensible que, de but en blanc, sans avoir même essayé un quelconque recours que ce soit, on déclare vouloir manifester dans la rue pour revendiquer ses droits ». « Il y a une Cour constitutionnelle, celle-là même qui vient d’être mise en place, qui n’a pratiquement jamais fonctionné. Pourquoi douter a priori de sa compétence ou de son impartialité ? », s’est-il demandé.
« Il est difficile d’admettre que sa victoire soit totalement sincère et transparente »
L’opposition fonde ses doutes sur les résultats des précédents scrutins. En 2010, Alpha Condé n’avait recueilli que 17 % au premier tour d’une présidentielle chaotique – les deux tours avaient eu lieu à trois mois d’intervalle – remportée finalement de justesse. Trois ans plus tard, son parti, le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), avait aussi perdu les législatives. « Il est difficile d’admettre que sa victoire soit totalement sincère et transparente », confie un observateur étranger.
Dans son rapport préliminaire, la mission d’observation électorale de l’Union européenne a également émis des doutes. « L’augmentation du nombre d’électeurs inscrits, + 15,9 % depuis 2013, suscite des interrogations, comparée à l’accroissement démographique du pays durant la même période, a priori + 5,3 %. Ensuite, le caractère partiel des données communiquées par la Commission électorale nationale indépendante ne permet pas à la mission d’observation de se prononcer sur le degré d’inclusivité de la liste électorale, ni sur la permanence ou la dimension d’éléments erronés », peut-on lire dans le rapport.
L’opposition s’étonne également de la participation record enregistrée dans les bastions du RPG (20 points de plus que la moyenne nationale, à 68,36 %, dans sa région d’origine), favorisée selon elle par des décisions de la Commission électorale assouplissant les règles de vote en cours de scrutin, ainsi que des inégalités géographiques dans la distribution des cartes d’électeur.
Par Christophe Châtelot , LE MONDE