Le Cameroun a été conçu comme un cadre d’exploitation, de domination et de violence à la Conférence de Berlin. Lorsque les Français et les Anglais le récupèrent à la défaite allemande, ils maintiennent cette logique. Mais lorsque les Camerounais eux-mêmes accèdent à l’indépendance, au lieu de le réaménager afin d’en faire un cadre convivial, ils le maintiennent intégralement au nom de l’idéologie parasitaire de l’uniformisation nationale, l’élite locale remplaçant le Blanc.
Un cadre oppressif, violent, incapable de mener au moindre développement et qui suscite des crises économiques à répétition et des antagonismes tribaux, qui ligote les communautés et tue tout ressort autochtone de se développer. Et quand je parle de communauté, j’entends toute forme, qu’elle soit basée sur les langues importées ou sur les cultures locales.
C’est cela la principale leçon qu’on tire de la sécession anglophone. L’ attachement au modèle unitaire et les illusions entretenus sur l’État, volontiers assimilé à une puissance totémique Totem qui peut tout ce qu’il veut, nous empêchent de regarder la réalité en face et de prendre acte que l’État postcolonial, que nous qualifions abusivement d’unitaire, c’est terminé au Cameroun.
Il est temps de procéder aux véritables réformes sur le vivre-ensemble commun et mettre fin à l’héritage colonial comme seule source de légitimité institutionnelle au Cameroun. Les colons ont créé le Cameroun, mais ils n’ont pas créé les Camerounais et on ne peut pas ignorer l’héritage de nos propres ancêtres qui ont eu à fonder des royaumes et des empires. Aucun ancien État africain n’était centralisé, tous étant des confédérations tribales. Et même aujourd’hui, nos communautés ne se sont jamais accommodé de cette gestion où le Chef est le Chef de tout !
D’où vient cette perversion d’esprit de développer des modèles institutionnels rigides, centralisés, brutaux et surtout opposés aux Communautés ? C’est totalement étranger à l’âme africaine et antagonique à notre manière d’être !
Le problème anglophone nous montre que ce système artificiel fondé sur des « unités nationales » administratives n’est plus viable et qu’il va conduire le Cameroun à sa perte. Nous avions eu l’occasion d’appliquer la décentralisation et peut-être aurait-elle amorti ce problème. Mais à force de louvoyer, nous avons discrédité cette décentralisation et personne chez les Anglophones n’en parle encore. D’ailleurs, on ne voit pas très bien comment les Sécessionnistes qui sont déterminés à chasser l’État pourraient déposer les armes pour si peu !
Et le temps joue pour la Sécession armée qui se présentent de plus en plus comme l’armée de libération de l’Ambazonie, contre l’armée d’occupation du Cameroun ! Et c’est cela qui entre progressivement dans les esprits des gens !
Quand le Gouvernement les traite de terroristes, il n’invente rien du tout ! Et techniquement, c’est une très mauvaise stratégie, puisque c’est exactement le discours de tous les colons qui traitent partout dans le monde les combattants de la libération de terroristes « qu’il faut éliminer pour protéger la population ».
Quand les Français versaient du napalm sur les villages, c’était aussi pour « protéger » les populations contre la terreur de l’UPC ! Et il en a été de même pour le FLA de l’Algérie, la SWAPO de Namibie, etc.
Un tel discours peu stratégique ne fait que conforter les velléités d’hégémonie et d’absorption dont nous accusent les Anglophones !
D’ici deux ans, les terribles contrecoups de cette folle aventure militaire vont rejaillir sur les finances publiques. Et avec la crise économique, on ne voit pas très bien comment le Cameroun pourra la prolonger. Que va-t-il dire aux Camerounais ? Qu’il est obligé de baisser les salaires et de compresser les effectifs des agents publics parce que les ressources vont au combat anglophone ? Déjà les caisses de l’État sont aux abois et le Gouvernement a signé un programme avec le FMI. C’est avec cela qu’on peut réduire militairement la Sécession anglophone ?
Les Anglophones sont venus au Cameroun sous l’égide de l’ONU ; ils représentent 20% de la population, disposent d’une puissante diaspora et ont entrepris une guerre de sécession.
Ce type de guerre a mis tous les pays à genoux : la France avec la Corse, la Grande-Bretagne avec l’Irlande du Nord, la Russie avec la Tchétchénie, la Chine avec le Tibet. Tous ces pays ont été obligés d’accorder aux sécessionnistes une autonomie qui en font des États Fédérés de facto, pour avoir la paix. Alors même que les Sécessions là-bas n’ont jamais couvert 10% de la population et que ces pays sont infiniment plus puissants.
Ce n’est pas le Cameroun, petit pays fabriqué par la colonisation et sous perfusion financière qui peut échapper à ça.
La seule solution pour éviter cette humiliation suivie de l’amputation du Cameroun est de fédéraliser immédiatement le pays, sans hésitation, ni murmure.
Une fois de plus, je ne dis pas ce que je souhaite, je dis ce qui va se passer malgré mes souhaits. Nous ne sommes pas ici devant les souhaits, mais devant des prévisions étayées par des faits : si le Gouvernement ne fédéralise pas vite, les Anglophones vont effectivement créer leur État.
C’est imparable !
Dieudonné ESSOMBA