Qu’est-ce qui a pu favoriser la décision des autorités nigérianes d’extrader les présumés sécessionnistes de l’Ambazonie au Cameroun ? Existe-t-il une convention d’extradition entre le Nigéria et le Cameroun ?
Je l’ai cherché, il n’existe pas entre le Cameroun et le Nigéria une convention d’extradition. Le texte de 1963 dont tout le monde parle, ce n’est pas du tout ça. C’est juste une convention de coopération. Pendant la guerre du Biafra financée par la France, c’est le Cameroun qui a refusé à la France une base arrière, parce que la base arrière se retrouvait au Gabon. La France voulait que ce soit le Cameroun mais le Cameroun a refusé. Donc, il y a depuis un certain nombre de temps, une coopération entre les deux pays. Donc, le Nigéria était en quelque sorte forcé sinon, il devait y avoir une réciprocité, c’est-à-dire d’avoir également une base arrière du Nigéria sur les gens qui du Delta et d’autres qui veulent également la sécession au niveau du Nigéria et là également, ça posait des problèmes.
En cas d’existence d’une telle convention, quelle aurait été la procédure pour qu’Ayuk Tabe et ses compagnons soient extradés au Cameroun ?
Dans le cas de l’existence d’une convention d’extradition, il aurait fallu passer de parquet diplomatique à parquet diplomatique, c’’est-à-dire : le commissaire du Gouvernement du Cameroun qui envoie le dossier au procureur général qui l’envoie au Ministre de la Justice camerounais qui l’envoie au Ministre des Affaires étrangères qui l’envoie au Ministre des affaires étrangères du Nigéria qui l’envoie au procureur général d’Abuja et attendre le dossier pendant 40 jours. Avec ça, les avocats avaient la possibilité d’avoir les faits et d’avoir les documents mais ces documents qui vont caractériser l’infraction, de quoi on leur reproche et à ce moment là pour les faire partir. Donc, c’était trop long, je pense qu’ils ont fait ce qu’ils ont fait. On l’a fait dans plusieurs pays, en Turquie, en ce qui concerne Öcalan (Abdullah Öcalan, chef kurde, Ndlr), le leader turc qui a été également remis aux autorités turques. On a également vu en France avec Carlos, sur ce qui s’est passé sur les attentats à Paris.
Par Wiliam TCHANGO | Cameroon-Info.Net
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Extradition des présumés sécessionnistes – Maitre Claude Assira: «Il va forcément se poser la question de savoir si ces personnes seraient désireuses d’être défendues, alors que précisément, elles remettent en cause le système qui est censé les juger»
Trois jours après l’annonce de l’extradition effective des 47 présumés sécessionnistes dont le leader de la République virtuelle d’Ambazonie, Ayuk Sisiku Tabe, plusieurs avocats camerounais désirant participer à leur défense au cours des procès qui les attendent n’ont pas pu avoir accès à ces potentiels clients. Hier, mercredi 31 janvier 2018, leur tentative de rencontrer Ayuk Tabe et ses « compatriotes » a une nouvelle fois échoué. « Il nous a été recommandé de chercher à savoir quelle était la situation de ces personnes-là… Nous nous sommes présentés au SED, il nous a été opposé l’obstacle d’une autorisation préalable du Commissaire du Gouvernement, lequel était inaccessible. J’ai réitéré la démarche auprès de lui qui est en cours », explique Maitre Claude Assira interviewé par Radio Equinoxe.
Selon l’avocat qui a récemment défendu des personnes arrêtées dans le cadre de la crise anglophone, il est dans un premier temps question de chercher éventuellement à savoir si ces présumés sécessionnistes seraient prêts à accepter d’être défendus. «Il va forcément se poser la question de savoir si elles (ces personnes, Ndlr) seraient désireuses d’être défendues, alors que précisément, elles remettent en cause le système qui est censé les juger», indique Maitre Claude Assira.
Si plusieurs avocats camerounais souhaitent prendre la défense de ceux qui ont été qualifiés de « terroristes » par Issa Tchiroma Bakary, Ministre de la Communication et Porte-parole du Gouvernement, ils reconnaissent tout de même que la tâche s’annonce ardue pour quiconque se verrait attribuer cette responsabilité. Il s’agit selon les hommes de lois d’un cas complètement différent de ce qu’ils ont jusque-là eu à gérer dans le cadre de la crise anglophone. «Il y a d’abord une différence de l’opinion qui semble beaucoup plus hostile. On a un peu comme le sentiment que le conseil c’est : pas de droit pour des ennemis du Droit », observe Claude Assira. Il précise par ailleurs que le choix d’un avocat de défendre ces personnes ne signifie en aucun cas qu’il épouse leur cause. «L’avocat n’épouse pas une cause… l’avocat ne juge pas, il défend un homme», a-t-il rappelé.
Par Wiliam TCHANGO | Cameroon-Info.Net
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Voici les accords qui ont permis au Nigéria d’extrader les sécessionnistes
Selon Cameroon Tribune en kiosque ce 1er février 2018, le premier traité de coopération dans le domaine de l’échange d’informations signé à Yaoundé entre «le gouvernement de la Fédération du Nigeria et le gouvernement de la République fédérale du Cameroun» remonte au 6 février 1963. Un document d’une quinzaine d’articles qui marque la volonté des gouvernements des deux pays «de prendre les mesures voulues pour que les délinquants et criminels, réfugiés d’un pays dans l’autre ne restent pas impunis».
A côté de ce traité, apprend-on, il y a le protocole d’accord de coopération en matière de police signé à Lagos le 27 mars 1972 et ratifié par le Cameroun le 30 juin 1977. Celui-ci est notamment conclu par les deux gouvernements en vue «de se prêter mutuellement assistance pour l’arrestation des criminels dans leurs territoires respectifs». Il facilite par ailleurs l’échange de renseignements et prévoit l’organisation des «rencontres trimestrielles des officiers de police des deux hautes parties contractantes pour l’échange desdits renseignements».
Sur le plan judiciaire, Cameroon Tribune rapporte que Yaoundé et Abuja sont liés par l’accord de coopération en la matière signé à Lagos le 27 mars 1972 et ratifié par le Cameroun le 30 juin 1977. Il permet aux deux pays de procéder à l’échange de documents judiciaires, à la délivrance et l’exécution des commissions rogatoires dans les domaines civil, commercial et pénal.
Si la voie diplomatique est requise pour la transmission des documents en la matière, il est également prévu que l’expédition des documents judiciaires peut également se faire «par la poste si cela est autorisé par la loi du pays où la transmission doit être faite ou leur remise par l’intermédiaire d’un agent ou greffier qualifié vivant dans le territoire de l’une des hautes parties contractantes» .
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UN blasts Nigeria over Cameroon extradition
The UN refugee agency on Thursday criticised Nigeria for breaching international agreements after the leader of a Cameroonian anglophone separatist movement and his supporters were extradited at Yaounde’s request.
The UNHCR said it learned “with great concern” about the case of Sisiku Ayuk Tabe, who was sent back to Cameroon this week with 46 others.
They were arrested in Nigeria’s capital, Abuja, on January 5.
Cameroon has called the 47 “terrorists” and said they would “answer for their crimes”, as tensions mount in the Southwest and Northwest Regions, home to most of the country’s English-speakers.
They have complained about decades of economic inequality and social injustice at the hands of the French-speaking majority.
Ayuk Tabe wants the two regions to separate from the French-speaking part of the country.
On October 1 last year, his movement made a symbolic declaration of independence.
The UNHCR said most of the 47 sent back to Cameroon had submitted asylum claims in Nigeria.
“Their forcible return is in violation of the principle of non-refoulement, which constitutes the cornerstone of international refugee law,” it said in a statement.
Non-refoulement, a French term, is the practice of not forcing refugees or asylum-seekers to go back to a country where they could be persecuted.
“The returns were carried out despite UNHCR’s efforts and engagement with the authorities,” the agency said.
“UNHCR reminds Nigeria of its obligations under international and Nigerian law, and urges the Nigerian Government to refrain from forcible returns of Cameroonian asylum-seekers back to their country of origin.”
Human rights groups have called on Cameroon to ensure those detained get a fair trial and are well-treated.
Cameroonian President Paul Biya strongly opposes secession and has flooded both regions with troops, imposed curfews, conducted raids and slapped restrictions on travel.
An estimated 30,000 English-speakers have fled Cameroon to Nigeria.
AFP
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Cameroun, Crise anglophone: Début de révélations sur l’extradition controversée des leaders sécessionnistes
En vérité, Sisiku Ayuk Tabe et ses collègues ont été transférés à Yaoundé dès leur arrestation le 5 janvier dernier. Ils ne sont jamais restés en détention au Nigeria. La nouvelle de leur extradition récente est une totale invention. Ce qui explique pourquoi les avocats leurs sont interdit d’accès.
As a matter of fact Sisiku Ayuk Tabe and his colleagues were transferred to Cameroon soonest after their arrest in Abuja on 5 January. They weren’t detained in Nigeria. News of their recent extradition to Cameroon is fake. This explains why their lawyers are denied access to them.
Libreville, 1 fév 2018 (AFP) –
Trois militaires camerounais et un civil ont été tués jeudi dans des incidents séparés dans le nord-ouest anglophone du Cameroun, où les séparatistes promettent de “continuer la lutte” après la neutralisation d’une large partie de leur état-major, extradée du Nigeria vers Yaoundé.
“Des séparatistes armés ont attaqué ce matin (jeudi) un check-point” tenu par des gendarmes dans la localité de Bingo (nord-ouest), a affirmé à l’AFP une source militaire camerounaise dans la région, précisant que deux gendarmes ont succombé à leurs blessures à l’hôpital.
A Bamenda (nord-ouest), des individus circulant à moto “ont abattu un militaire”, a indiqué à l’AFP le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Issa Tchiroma Bakary.
Un civil a par ailleurs succombé à ses blessures jeudi à l’hôpital de Bamenda, après avoir été touché par des tirs de militaires lors d’une opération dans la ville voisine de Santa, selon des sources concordantes.
“Il y a une escalade de la violence, incontestablement”, a reconnu M. Tchiroma, dénonçant “une campagne sur les réseaux sociaux où ils (les séparatistes) invitent les populations à résister et à tuer”. “Ces appels peuvent avoir un effet amplificateur de la violence”, a-t-il estimé.
Depuis le début de la crise, et selon un décompte de l’AFP établi sur la base des déclarations officielles, 22 éléments des forces de sécurité camerounaises ont été tués par des séparatistes présumés dans les deux régions anglophones du Cameroun.
Les régions du nord-ouest et du sud-ouest, frontalières du Nigeria, sont secouées depuis plus d’un an par une profonde crise socio-économique, qui s’est peu à peu muée en conflit armé de basse intensité avec des attaques isolées contre les symboles de l’État.
En réponse, l’armée a opéré un fort déploiement de troupes, tandis que les réseaux sociaux pro-anglophones diffusent des photos de civils tués et de villages mis à sac par l’armée – sans qu’il soit possible d’en vérifier l’authenticité.
Lundi, l’annonce de l’extradition depuis le Nigeria, où ils avaient été arrêtés, vers le Cameroun de 47 séparatistes anglophones camerounais -dont le “président” du mouvement Sisiku Ayuk Tabe- a marqué un tournant dans la crise anglophone, selon les observateurs.
“Sisiku Ayuk Tabe est très important, mais la lutte que nous menons n’est pas pour M. Ayuk Tabe. C’est la lutte de 8 millions de personnes, et elle va continuer”, a répondu jeudi Milan Atam, conseiller spécial d’Ayuk Tabe et cadre de la nébuleuse sécéssioniste politique, joint par téléphone depuis Libreville.
– Diatribes anti-francophones –
D’autres cadres du mouvement séparatiste ont estimé que cette extradition était un risque “inquiétant d’escalade en une guerre civile” pour l’un, de l'”essence ajoutée sur le feu de la révolution” pour un autre.
Chris Anu, membre éminent du mouvement, a été plus loin, dans une vidéo postée sur Internet jeudi: “Si lundi 5 février, Yaoundé n’a pas donné de preuve que les leaders enlevés sont vivants, le (génocide au) Rwanda sera dérisoire par rapport à ce qu’il se passera au Cameroun”, a-t-il clamé.
“Il faut s’attendre à une recrudescence d’attaques dans les semaines à venir”, estime un observateur indépendant. “D’autant plus que le 11 février est la fête du référendum qui a réuni les francophones et les anglophones dans le Cameroun, et que Yaoundé a transformé cette date en +fête de la Jeunesse+”.
Jeudi, les autorités de la région du nord-ouest ont interdit la détention d’armes à feu de même que l’achat et vente de munitions pour les six prochains mois, selon une note du gouvernorat consultée par l’AFP.
Ces dernières semaines, les réseaux séparatistes ont multiplié les appels au boycottage des entreprises françaises et autres diatribes critiques de la France, qu’ils estiment “complice” du régime de Paul Biya.
“La France doit changer sa politique vis-à-vis du Cameroun et de l’Afrique francophone”, assène M. Atam. Les plus radicaux des séparatistes déconseillent même les mariages entre francophones et anglophones, ou demandent d’éviter les aéroports du Cameroun francophones.
Jeudi, une note d’information a été diffusée à la télévision d’État camerounaise, dans laquelle Yaoundé assure que “Ayuk Tabe (et les 46 autres séparatistes extradés au Cameroun) se portent bien”.
“Les enquêtes suivent leur cours dans le strict respect des procédures. Aucune violence n’est perpétrée sur ces personnes qui ont été appréhendées” pour répondre devant la justice d'”actes de terrorisme perpétrés” en régions anglophones, a continué la télévision d’État.
“Ils se portent très bien. La justice se prépare à les traduire devant les tribunaux une fois que les charges seront établies”, a également affirmé à l’AFP le porte-parole du gouvernement.
Le Haut Commissariat pour les Réfugiés de l’ONU a déclaré jeudi être “très préoccupé” par l’extradition des 47 séparatistes.
Lors de leur extradition, l’ONG Amnesty International avait estimé qu’ils “risquent la torture et des procès partiaux devant des cours militaires camerounaises”.
Jeudi, les avocats camerounais des séparatistes emprisonnés ont déclaré n’avoir pas accès à leurs clients.
Le Cameroun se prépare à des élections – dont la présidentielle – fin 2018. Selon les observateurs, la profonde crise socio-politique que Yaoundé traverse dans ses régions anglophones pourrait perturber ces scrutins.