Ainsi donc au nom de la lutte contre le terrorisme – y compris dans des pays encore à l’abri comme le Congo Brazzaville ou le Gabon – la France officielle serait prête à s’asseoir une fois de plus et vraisemblablement de trop sur l’aspiration légitime des peuples d’Afrique noire francophone à des alternances démocratiques?
Comme si ces peuples n’auraient donc aucune “Mémoire” et ne sauraient pas le moment venu rétablir la responsabilité de la France officielle – notamment les accointances parfois personnelles avec les tyrans – dans la pérennisation de ces régimes obscurantistes.
Il appartient précisément à cette France officielle d’entériner enfin que les Africains ont aussi définitivement changé de siècle, et sauront se défaire inévitablement les unes après les autres – y compris sans son consentement – de ces dictatures héritées de la colonisation …en faisant perdre à la France une partie de son prestige et de son influence sur la scène internationale.
Alors autant se ranger enfin du bon côté en Afrique!
Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques (CL2P)
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L’éternel paradoxe de la diplomatie française en Afrique
Les partisans de Denis Sassou Nguesso célèbrent sa victoire aux élections présidentielles le 24 mars, à Brazzaville.
ANALYSE – Les élections présidentielles en Afrique risquent de davantage mettre en lumière les contradictions d’une ligne coincée entre des principes affichés, d’un côté, et des réalités, militaires ou économiques, de l’autre.
Le piège africain se referme, une fois de plus, sur la diplomatie française. La période qui voit s’enchaîner à un rythme soutenu les élections présidentielles sur le continent risque de mettre en lumière, peut-être plus que jamais, les contradictions d’une ligne coincée entre des principes affichés, d’un côté, et des réalités, militaires ou économiques, de l’autre.
Le scrutin à Brazzaville, le 20 mars, a déjà illustré l’embarras des diplomates. Le vote fut organisé de manière désastreuse, avec des opposants mis sous pression, les réseaux de communications coupés, des journalistes molestés, le tout pour conduire à une réélection triomphale, avec 60 % dès le premier tour, de l’indéboulonnable Denis Sassou Nguesso, «DSN», président du Congo depuis plus de trois décennies. Les dérapages du scrutin étaient évidents, mais Paris n’a pas pour autant protesté. Les communiqués du Quai d’Orsay, très pesés, se sont contentés d’appeler les populations au calme et les opposants à contester de manière démocratique ce qui, dans les circonstances, revient à ne rien faire. Les États-Unis, également timides, se sont tout de même dits «préoccupés par (le manque de) transparence et la crédibilité du processus électoral». On peut se demander pourquoi la France, qui assure promouvoir la démocratie et les droits de l’homme, reste muette.
«Chaque pays s’exprime à sa façon», a expliqué sur RFI Jean-Marc Ayrault, le nouveau ministre des Affaires étrangères, un rien ennuyé. En fait, les raisons qui justifient tout, aux yeux du Quai, sont au nombre de trois. D’abord, les intérêts économiques. Ensuite, la peur de voir le Congo sombrer dans la violence. Enfin et surtout le risque de voir «DSN» chercher à se venger en déstabilisant le pays voisin, la Centrafrique, où Paris vient de parvenir, à grand-peine, à organiser l’élection d’un président légitime.
Des scénarios proches de celui qu’a connu Brazzaville
Le pire pour la France est que cet épisode peu agréable va se répéter sous peu. Hasard du calendrier, deux autres élections se profilent avec, sauf énormes et improbables surprises, des scénarios proches de celui qu’a connu Brazzaville. Il y aura, le 10 avril, le scrutin tchadien. Idriss Déby, au pouvoir depuis 1990, se représente et sera très probablement réélu face à une opposition et une société civile muselées. Or, au nom de la même doxa qui prévaut au Congo, on imagine mal la France vivement condamner l’insubmersible président tchadien, incontournable allié de la guerre au Mali, du processus de paix en Centrafrique et qui accueille à N’Djamena le QG de «Barkhane», l’opération antiterroriste française au Sahel. Deux jours avant, le président djiboutien Ismaïl Omar Guelleh, en poste depuis 1999, aura sans doute «gagné» un quatrième mandat dans le même silence assourdissant de l’ex-métropole, malgré le mécontentement populaire. Il est vrai que Djibouti est la base de soldats français bien utile pour surveiller cette région agitée.
Si le ralliement rapide de l’actuel gouvernement à la politique traditionnelle de la France en Afrique peut être compréhensible, il n’en reste pas moins que le paradoxe est là. Pour soutenir la légitime aspiration à la démocratie des Centrafricains, la paix civile et la lutte contre le djihadisme, la France sacrifie ses principes et les désirs non moins légitimes des Congolais, des Tchadiens et des Djiboutiens. Une position qui risque de rendre délicate, voire impossible, la condamnation des dérives autoritaires d’autres régimes sur le continent et de brouiller encore un peu plus le message de la France déjà bien obscur aux yeux des peuples.
Par Tanguy Berthemet – Le Figaro