Au Gabon, la cour constitutionnelle a donc tranché : rejetant les recours pour fraude déposés par l’opposition, elle a confirmé la victoire du président sortant Ali Bongo, avec 50,66 % des voix, contre 42,24% pour son adversaire Jean Ping. La décision a été annoncée dans la nuit de vendredi à samedi. C’est commode, les décisions en pleine nuit: ça évite les débordements. Même dans une ville quadrillée par les forces de l’ordre, alors qu’un leader de l’opposition et plusieurs activistes venaient d’être arrêtés.
Au lendemain du scrutin du 27 août, les premières contestations s’étaient soldées par une répression violente. Cette fois-ci, ceux qui ne sont pas satisfaits du verdict de la cour, ont été peu encouragés à l’exprimer, face au déploiement policier. Mais les autres ? Les 50% qui auraient soutenu Ali ? Pas un applaudissement, pas une seule marche pour exprimer leur joie ? Personne n’est surpris de la modestie des vainqueurs. Car personne n’est dupe. Dimanche, Jean-Marc Ayrault, ministre français des Affaires étrangères reconnaissait que «l’examen des recours n’a pas permis de lever tous les doutes». Tout en demandant à l’opposition de «récuser l’action violente». On mesure toute la subtilité de cette critique audacieuse.
C’est sous la pression de la communauté internationale que Jean Ping avait finalement déposé des recours devant une Cour constitutionnelle, surnommée «la Tour de Pise» puisqu’elle penche toujours du côté du pouvoir. Sauf qu’après avoir épuisé les «voies légales», il est à craindre que la même communauté internationale soit désormais pressée d’en finir avec le casse-tête gabonais. Ainsi l’Union européenne, ouvertement bafouée puisque ses observateurs n’ont pu assister aux «travaux» de la cour constitutionnelle, exprime elle aussi des «doutes». Mais désormais, elle s’intéresse surtout «aux solutions pacifiques»… en «vue des prochaines élections».
Et que penser de l’ambassade des Etats-Unis sur place, qui a si vite reconnu le verdict de cette cour, présidée par une ancienne maitresse du père d’Ali Bongo depuis 1998 ? Ou encore de l’Union africaine qui invite «au respect de la décision souveraine de la cour constitutionnelle», par la voix de son président en exercice, Idriss Déby, qui règne sans partage sur le Tchad depuis 1990? Deby qui a envoyé une équipe de juristes africains au Gabon jouer les observateurs de l’Union africaine. Très discrets, juste là pour cautionner le verdict de la «Tour de Pise». Avant qu’on ne tourne la page. Comme ce fut le cas déjà en 2016, au Congo-Brazzaville, à Djibouti, et bien sûr au Tchad. Autant de pays où l’abandon de la communauté internationale fait figure d’ultime trahison. Fatalement, on en mesurera un jour les conséquences.
Par Maria Malagardis, Libération