L’attente est finalement plus longue que prévue. Alors que le procès de Blaise Wada, le premier accusé à comparaître devant la Cour criminelle spéciale dans le cadre de l’opération Mamba, devait s’ouvrir le 15 mars, il a été reporté au 20 mars. Partie remise donc pour cet événement d’importance, puisqu’il ouvre une séquence judiciaire dans laquelle de nombreuses personnalités – anciens hauts fonctionnaires ou ministres – devront se présenter à la barre.
Magloire Ngambia, ancien ministre de l’Économie, Étienne Dieudonné Ngoubou, ex-titulaire du portefeuille du Pétrole, Paul Mapessi, Landry Patrick Oyaya, Grégoire Biyama, Léon Ndong Nteme, Alain Paul Ndjoubi Ossam, tous incarcérés, ou encore Juste Valère Okologo et Alain Ditona Moussavou, en liberté provisoire… Les proies de l’opération Mamba, lancée début 2017 par Ali Bongo Ondimba, sont nombreuses. Galerie de portraits.
Blaise Wada
Il est le premier à avoir comparu à la barre, le 15 mars, pour quelques minutes, avant que le procès ne soit renvoyé. Ancien haut-fonctionnaire à l’Unité de coordination des études et des travaux (UCET), entre 2009 et 2016, il est accusé de détournement de fonds publics à hauteur d’1,7 milliards de francs CFA. Selon l’accusation, il se serait approprié, notamment à des fins immobilières, des sommes destinées à l’aménagement et à l’assainissement des bassins publics de Libreville. Par ailleurs membre du bureau politique du Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir) dans le département de Lékoko depuis juin 2016, il est en détention provisoire depuis le 10 janvier 2017.
Magloire Ngambia
Incarcéré le même jour que Blaise Wada, Magloire Ngambia est, lui aussi, attendu devant le tribunal. Après avoir été chargé du portefeuille de l’Économie et des Finances sur proposition du patron de BGFIBank Henri-Claude Oyima, il avait été propulsé, début 2012, à la tête d’un superministère de la Promotion des investissements, des Transports, des Travaux publics, de l’Habitat, du Tourisme et de l’Aménagement du territoire. Ce Batéké (Sud-Est) faisait partie du premier cercle du chef de l’État, Ali Bongo Ondimba, dont il était devenu l’un des conseillers en septembre 2015. L’accusation lui reproche des faits de corruption et le détournement d’environ 500 milliards de francs CFA. Il devra notamment s’expliquer sur certains faits en rapport avec l’affaire Santullo. L’homme, qui était un des proches de Maixent Accrombessi et qui s’était activé pour couper les financements de Jean Ping lors de la campagne présidentielle en 2016, aura 47 ans le 2 avril prochain.
Étienne Dieudonné Ngoubou
Il a été limogé de son poste de ministre du Pétrole et des Hydrocarbures le 9 janvier 2017, avant d’être placé en détention trois jours plus tard pour un présumé détournement de fonds. Cet ancien directeur de l’Énergie, ingénieur formé à Franceville, se voit reprocher des irrégularités dans la gestion de l’argent public destiné aux travaux hydrauliques. Face aux demandes de collaborateurs du chef de l’État, il avait toujours refusé de s’expliquer sur sa gestion et agaçait au sein du gouvernement. Né à Lyon en juillet 1965, Étienne Dieudonné Ngoubou, membre du Conseil national du PDG, a dû être hospitalisé le 13 août 2017 pour des soins d’urgence à la Polyclinique Chambrier, puis à l’hôpital d’instruction des armées du PK9.
Paul Mapessi
L’ancien directeur général de la Société nationale du logement social (SNLS), Paul Mapessi, est en détention depuis le 3 octobre 2017 à la prison centrale de Libreville. Il est soupçonné de détournements de fonds, concussion, corruption et association de malfaiteurs. Suspendu depuis le 14 mai 2017, il est accusé d’avoir effectué plusieurs opérations financières frauduleuses en lien avec des projets immobiliers initiés par l’État gabonais, comme des ventes illégales de parcelles ou des placements financiers irréguliers. Certaines accusations seraient en lien avec le Fonds d’entretien routier, dirigé à l’époque par Landry Patrick Oyaya. Il risque de un à cinq ans de prison.
Landry Patrick Oyaya et Grégoire Biyama
Le directeur général adjoint de l’Agence nationale des grands travaux d’infrastructure et ancien patron du Fonds d’entretien routier de 2e génération (FER II), Landry Patrick Oyaya, et le directeur général de l’Entretien des routes et des aérodromes, Grégoire Bayima, sont incarcérés depuis le 3 avril 2017 dans le cadre de l’enquête concernant les travaux de réfection du pont de Kango. Ceux-ci, un temps attribués à la société Sobea, avaient été réattribués au groupement Santullo-Sericom SA. Les deux hommes sont accusés d’avoir violé les procédures de contrôle du FER II.
On parle également de soupçons de rétrocommissions et de surfacturation. L’opération Mamba se serait intéressée aux deux hommes suite aux aveux de Christian Nkero Capito, conseiller financier de Magloire Ngambia. Lui-même se trouve en détention pour des soupçons de détournement de fonds publics dans le cadre d’un programme de lotissements sociaux.
Léon Ndong Nteme
Léon Ndong Nteme, inspecteur général des Finances de 53 ans, directeur général de la Marine marchande depuis 2016, est soupçonné de détournement et complicité de détournement de deniers publics. Il est détenu depuis le 24 avril 2017, tout comme son conseiller juridique, Didier Kimbirima. Lui aussi pourrait avoir à s’expliquer sur des marchés accordés au groupement Santullo-Sericom SA. Ancien directeur général du Budget, il est également considéré comme l’un des plus fins connaisseurs des milieux d’affaires gabonais, ce en quoi il pourrait intéresser au plus haut point les enquêteurs de l’opération Mamba.
Alain Paul Ndjoubi Ossam
L’ex-directeur général des douanes et droits indirects est détenu depuis le 1er mars 2017. Il est accusé de détournement de deniers publics et faux en écriture. Comme son collaborateur, Jean Bernard Ngalibikia, il a été mis en liberté provisoire mais reste inculpé pour complicité de détournement et corruption massive. Selon l’accusation, Alain Paul Ndjoubi Ossam serait impliqué dans un vaste réseau de détournement de recettes douanières. Ses avocats dénoncent une volonté de lui nuire et contestent ces allégations.
Juste Valère Okologo et Alain Ditona Moussavou
Poursuivis pour détournement de deniers publics, le directeur de la Société nationale immobilière (SNI), Juste Valère Okologo, et l’ancien patron de la Caisse de dépôts et de consignations (CDC), Alain Ditona Moussavou, bénéficient d’une mise en liberté provisoire après avoir promis de se tenir à la disposition de la justice. Les enquêteurs cherchent notamment à établir leur responsabilité dans des activités jugées frauduleuses à la Société nationale des logements sociaux (SNLS), dont l’ancien directeur, Paul Mapessi, est actuellement en détention.
Par Mathieu Olivier – Jeune Afrique