Hissène Habré provoque l’interruption de son procès
Hissène Habré a tenu parole. L’ancien président tchadien (1982-1990) jugé à Dakar depuis lundi 20 juillet au matin par des Chambres africaines extraordinaires pour crime contre l’humanité, notamment, avait prévenu. Il ne participera à ce qu’il considère comme une parodie de justice, « une honte ».
« Lundi matin, nous raconte son avocat français François Serres, il a d’ailleurs été extrait par la force de sa cellule » de la prison de Dakar où il dort depuis son arrestation, il y a deux ans. Puis il a été conduit au palais de justice de la capitale sénégalaise où il est apparu, entouré de gendarmes, vêtu d’un boubou blanc, la tête entourée d’un turban couvrant sa bouche. La bouche, mais pas la voix. Assis au premier rang de la salle d’audience numéro 4, recroquevillé, le septuagénaire a soudainement bondi de sa chaise pour hurler.
« A bas l’impérialisme. A bas le nouveau colonialisme », a-t-il crié contre cette institution judiciaire ad hoc créée à la demande l’Union africaine et installée au Sénégal où il vivait un exil paisible depuis sa chute en 1990.
Une stratégie de défense de « rupture »
Maîtrisé par plusieurs colosses, porté manu militari dans son box, Hissène Habré s’est de nouveau époumoné contre « les bandits, les vassaux des Américains » qui, selon lui, l’ont conduit là. Dans la salle, une poignée de ses partisans lui criaient leur fidélité. Jusqu’à ce que les gendarmes expulsent les perturbateurs et l’accusé conduit dans l’arrière-box, en dehors de la salle. De l’autre côté de la salle, les parties civiles – avocats, victimes du régime Habré ou associations représentants les milliers de disparus, exécutés sommairement ou morts en prison dans des conditions atroces – assistaient passivement à l’esclandre, drapées dans une profonde dignité.
Ce coup d’éclat illustre la stratégie de défense de Hissène Habré. « L’instruction était inéquitable ce qui rend ce procès, jugé d’avance, inéquitable », martèle Me Serres dans les couloirs du tribunal. « C’est une défense de rupture parce que lui et ses avocats contestent la légitimité du tribunal mais c’est aussi une défense de négation », explique Florent Geel, chargé de l’Afrique à la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH). Une négation des charges qui passe par une absence physique de ce procès prévu initialement pour durer trois mois.
Le vieil homme refuse de comparaître. Il ne pourra pas s’opposer physiquement à la force des gendarmes le portant dans son box. Mais il a déjà provoqué une suspension de trois heures qui s’étirée tout l’après-midi, jusqu’au lendemain matin, le temps que la cour demande à un huissier de lui notifier l’obligation de sa présence. Ce qui n’exclut pas un nouveau coup de gueule une fois dans la salle. Et surtout, il a demandé à ses avocats de ne pas le défendre. De ne même pas venir dans la salle d’audience. La prochaine étape, pour le président du tribunal, le Burkinabé Gberdao Gustave Kam, serait alors de nommer des avocats commis d’office. « Selon toute vraisemblance, explique William Bourdon, l’un des avocats des victimes, ils demanderont alors du temps pour examiner le dossier. Deux semaines ? Trois ? Leur stratégie sera sûrement de gagner du temps pour torpiller ce procès historique ».
Christophe Châtelot Dakar (Sénégal), envoyé spécial – Le Monde.fr
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Débuts agités pour le procès de l’ex-président tchadien Hissène Habré
Le procès de l’ancien président tchadien, Hissène Habré, s’est ouvert ce lundi à Dakar au Sénégal. Celui qui a dirigé le Tchad entre 1982 et 1990 est jugé pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et torture par un tribunal spécial, mis en place par l’Union africaine. Hissène Habré ne souhaitait pas se présenter à son procès mais il y a été amené de force. Retour sur la première journée de ce procès très attendu.
Plutôt que le fond, ce qui importait en ce premier jour de procès, c’était surtout la forme. On se demandait lundi matin si Hissène Habré allait être présent face aux Chambres africaines extraordinaires chargées de le juger. Cela a été le cas, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a manifesté cette présence de façon très visible.
Trente minutes avant le début officiel du procès, ses sympathisants et lui ont crié avec un vocabulaire très fleuri leur colère vis-à-vis d’un tribunal dont ils ne reconnaissent pas la légitimité et dont ils estiment le jugement acquis d’avance. Certains ont dû être évacué de la salle et les forces de l’ordre ont du maitriser Hissène Habré, 73 ans, entièrement vêtu de blanc, et qui tenait un chapelet à la main.
Les explications très attendues de Hissène Habré
Après une pause de trois heures, l’audience a repris à 15h30, mais pour cinq petites minutes seulement. Le temps pour le Président de la Chambre d’assises de lire une déclaration écrite de Hissène Habré, par laquelle il refuse de se présenter devant le tribunal.
Face à cette défiance annoncée et attendue de Hissène Habré et de ses avocats, le Président du tribunal, qui peut le faire comparaître de force, a choisi cette dernière option. A moins d’un rebondissement, Hissène Habré sera donc à nouveau présent à son procès mardi matin.
Pour Clément Abaïfouta, président de l’association des victimes des crimes du régime de Hissène Habré, qui a passé quatre ans en prison, sa présence est essentielle et suscite en lui « une très grande émotion ». « La première fois que je l’ai vu en 2005 alors qu’on cherchait à l’envoyer à Bruxelles, j’ai pleuré comme un enfant, raconte-t-il. Avant-hier, j’ai encore pleuré et vous comprenez mon état d’âme face à mon bourreau. (…) L’essentiel pour moi est qu’il soit là et qu’il ait le courage de me regarder dans les yeux. »
Cette première journée donne donc un avant-goût des trois mois de débats à venir : un procès au cours duquel les victimes présumées de Hissène Habré, qui courent après la justice depuis 25 ans, n’auront probablement pas l’occasion d’entendre les explications de l’ancien chef d’Etat.
Source : RFI