Il s’appelle Tony Chung. Il a 19 ans. Il est Hongkongais. Cet ancien membre de « Student Localism », un groupuscule aujourd’hui dissous qui prônait l’indépendance de Hong Kong, a été arrêté par des policiers en civil, le 27 octobre, devant le Consulat des États-Unis. Il a été inculpé pour « sécession » et « complot », considérés comme des crimes depuis l’imposition par Pékin le 1er juillet dernier de la loi drastique sur la sécurité nationale.
Il devient ainsi la première figure politique locale à faire l’objet de poursuites formelles en vertu de cette nouvelle loi sécuritaire. Il a été placé en détention dans l’attente de sa prochaine comparution en justice le 7 janvier prochain. Cet étudiant encourt une peine allant de 10 ans de détention à la réclusion à perpétuité.
Une prise de conscience politique à l’âge de… 12 ans.
Comme de nombreux autres jeunes leaders politiques, à l’image de Joshua Wong ou Agnès Chow, l’engagement politique remonte au début des années 2010.
Dans un entretien accordé au site d’informations Hong Kong Free Press, en 2017, Tony Chung, à l’époque âgé de 16 ans, raconte pourquoi il s’est engagé en politique. « Mon engagement ne vient pas du Mouvement des parapluies de 2014, expliquait-il ni de la mobilisation contre les lois éducatives répressives de 2012 mais d’une toute petite manifestation devant la caserne de l’Armée populaire de libération (APL), en 2013 pour protester contre la présence militaire de la Chine sur le territoire ». Il avait alors… 12 ans.
Il rejoint le groupe politique « Student Localism »
En 2016, il s’engage vraiment dans la campagne électorale des législatives auprès d’un candidat pro-indépendance, Edward Leung. « C’est à ce moment que j’ai réalisé que la seule issue pour Hong Kong était l’indépendance », confiera-t-il.
Pour lui, « le concept « un pays, deux systèmes » qui promettait l’autonomie à Hong Kong par rapport à Pékin n’a cessé d’être modifié par le gouvernement chinois ». L’année suivante, il annonce la fondation d’un nouveau groupe politique, « Student Localism », qui recrute, non sans mal, des milliers d’étudiants. « Nous voulions nous rassembler pour discuter du futur de Hong Kong, cela n’a pas été facile ».
À Hong Kong, on n’a plus le droit de parler « d’indépendance »
Ce petit groupe attire l’attention des médias et provoque une réaction très négative du Chef de l’exécutif de l’époque Leung Chun : « les discussions sur l’indépendance par rapport à la Chine à l’école ne relèvent pas de la liberté d’expression » déclare ce dernier, demandant que les étudiants coupables soient « renvoyés ». Le quotidien pro-Pékin Wen Wei Po fait alors sa une avec Tony Chung.
« En réaction, les étudiants ont rejoint le mouvement » explique-t-il. Radical et minoritaire, le mouvement indépendantiste séduit pourtant de plus en plus de Hongkongais après les violences policières de l’automne dernier. « Je suis né ici. J’ai grandi ici. Je vois bien la situation politique en Chine, et c’est exactement ce que nous ne voulons pas devenir : une autre ville chinoise » défend Tony Chung.
À la veille de l’imposition de la loi de sécurité nationale, le 30 juin dernier, le groupe « Student Localism » est dissous. Tony Chung et trois autres membres du mouvement sont arrêtés, fin juillet, par une nouvelle unité de la police chargée de faire appliquer cette loi. Ils sont accusés d’avoir incité à la sécession sur les réseaux sociaux. Tony Chung, depuis, se trouvait sous contrôle judiciaire, son passeport confisqué avec interdiction de quitter le territoire hongkongais.
Son arrestation, mardi 27 octobre devant le Consulat américain, laisse penser qu’il s’y rendait pour demander l’asile politique. Une information non confirmée. D’autant que les demandes d’asile aux États-Unis sont censées se faire à l’arrivée dans le pays. Reste que le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo a « condamné fermement l’arrestation et la détention » de Tony Chung, et appelé à sa « libération immédiate ».
Par Dorian Malovic