Editorial du « Monde ». Le Conseil législatif, le Parlement de Hongkong, restait une arène de débat démocratique à Hongkong, malgré le maintien artificiel d’une majorité gouvernementale acquise à Pékin. Son démembrement est à présent en cours, avec un nouveau pas franchi, mercredi 11 novembre, dans la prise de contrôle méthodique du territoire par la Chine.
Le Parlement chinois à en effet autorisé le gouvernement local, à la demande de la chef de l’exécutif de Hongkong, Carrie Lam, à révoquer tout député « mettant en danger la sécurité nationale, prônant l’indépendance de la région administrative spéciale, ou favorisant une ingérence étrangère ». Cette décision a permis l’éviction immédiate de quatre députés d’opposition, provoquant la démission des quinze derniers députés prodémocratie.
Avec ce baroud d’honneur des députés prodémocratie, au moins, les choses sont claires : le Parlement de Hongkong devient fantoche. Une manière de dire, avec Bertolt Brecht, qu’il serait sans doute plus simple pour le gouvernement de dissoudre ce peuple qui ne veut pas voter pour lui et d’en élire un autre.
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Car le peuple de Hongkong, massivement descendu dans la rue en 2019 pour dénoncer des lois d’extradition vers la Chine, qu’il voyait ouvrir une brèche dangereuse dans l’indépendance de sa justice, avait clairement exprimé son soutien au camp prodémocratie dans les urnes : aux élections locales de novembre 2019, dans 17 des 18 conseils de district, l’opposition avait obtenu la majorité. De nouveau, les sondages laissaient prévoir une forte poussée de l’opposition aux élections législatives de septembre 2020.
Une sanction sans fondement juridique
Face à la menace de ce second affront que Pékin n’était pas prêt à subir, le gouvernement a décidé de reporter le scrutin d’un an, sous le prétexte de l’épidémie de Covid-19, pourtant maîtrisée sur le territoire. Manifestement, il s’agissait surtout, pour les autorités, de se donner le temps de trouver de nouveaux moyens de filtrer les candidatures, de manière de plus en plus fine.
La résolution du 11 novembre, qui a permis de démettre les quatre députés prodémocratie, offre aussi au gouvernement de nouveaux pouvoirs de censure. L’exécutif a justifié ces révocations par le fait que les quatre députés avaient été disqualifiés comme candidats aux élections à venir. Leur disqualification était fondée sur de nouveaux critères, au premier rang desquels la loyauté à Pékin : il est notamment reproché à deux d’entre eux d’être intervenus auprès de Washington pour que le Sénat américain accentue sa pression sur Pékin.
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Cette sanction est sans fondement juridique, puisque la nouvelle loi de sécurité nationale, qui sanctionne les ingérences étrangères, est entrée en vigueur bien après leur initiative et n’est pas rétroactive. La lettre de disqualification adressée aux deux candidats leur reproche aussi de « se livrer de manière systématique à des tactiques d’obstruction au Parlement ».
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A ce compte-là, la démocratie, voire l’exercice de la politique, n’a plus beaucoup d’avenir à Hongkong, rétrocédé par la Grande-Bretagne à la Chine en 1997. La Chine, avait déclaré Deng Xiaoping en 1984, devant une délégation de Hongkongais, lors des négociations avec Londres, veillera à ce que les administrateurs de Hongkong restent en majorité des « patriotes », qui « aiment Hongkong et aiment la Chine ». Ses successeurs ont adopté une interprétation très exclusive de cet engagement, qu’ils sont déterminés à traduire dans les faits.
Le Monde