Un rapport pointe du doigt la montée de la corruption en Afrique
Le rapport 2015 sur la corruption en Afrique de l’ONG Transparency International se base sur des sondages effectués en Afrique subsaharienne par le Baromètre mondial de la corruption. Les sondeurs ont interrogé 43 143 personnes issus de 28 pays de l’Afrique sub-saharienne, entre mars 2014 et septembre 2015. Les questions portaient sur les expériences et les perceptions des sondés sur la corruption dans leurs pays. Synthèse en 5 points.
1. Chiffres de la corruption en Afrique
• 75 millions de personnes ont payé des pots-de-vin au cours de l’année écoulée, parfois pour pouvoir accéder à des services aussi élémentaires que la santé, l’éducation ou même l’eau.
• 58% des Africains interrogés estiment que la corruption s’est aggravée dans leur pays.
• 47% disent que la police est l’entité la plus corrompue sur tout le continent, devant le monde des affaires pointé du doigt pour la première fois par 42% des sondés
• 38% estiment que la société civile africaine est totalement désarmée face à la corruption
2. Les bons et les mauvais élèves de 2015
Cette année, le dernier élève de la classe est l’Afrique du Sud avec 83% des Sud-Africains interrogées estimant que la corruption s’est accrue dans leur pays. Avec 76% et 75% d’insatisfaits respectivement, le Ghana et le Nigeria font à peine mieux que le pays de Nelson Mandela. Mais tout n’est pas négatif dans ce rapport sur la corruption. Avec 72% des sondés estimant que la corruption a reculé dans leur pays, le Burkina Faso fait figure du pays le plus vertueux du groupe, suivi de près par le Mali et la Côte d’Ivoire, qui affichent 69% et 68% de satisfaits respectivement.
3. Les mesures anti-corruption sont-elles efficaces ?
A la question « quel jugement portez-vous sur le combat que livrent les autorités de votre pays contre la corruption ? », 64% des Africains estiment que les mesures anti-corruption sont inefficaces. Ils appellent leurs gouvernements à s’attaquer résolument aux pratiques corrompues, notamment dans le secteur public.
Trois pays sortent du lot : le Botswana avec 54% des personnes interrogées s’estimant satisfaites des mesures prises par les autorités. Le Lesotho et le Sénégal font parti du trio, avec chacun affichant 48% de taux de satisfaits.
4. « Bakchicher », une pratique répandue
Offrir des pots-de-vin pour pouvoir accéder à des services essentiels est une pratique répandue dans les pays pauvres. L’Afrique n’y fait pas exception. Mais tous les pays africains ne sont pas logés à la même enseigne, révèle l’étude de Transparency International.
Le Liberia tient le pompon des mauvaises pratiques avec 69% de ses citoyens sondés déclarant avoir payé des pots-de-vin. Il est suivi de près par le Cameroun, le Nigeria, et la Sierra Leone. Dans ces pays, entre 41 et 48% de personnes interrogées ont dû bakchicher des policiers ou l’administration une fois ou plusieurs fois au cours des douze derniers mois afin d’accéder à certains services publics ou à certaines institutions.
La situation est différente dans des pays comme le Botswana, l’île Maurice, le Lesotho, le Sénégal et le Cap Vert qui se sont imposés comme des modèles de bonne gouvernance avec des niveaux de bakchich dans le secteur public comparables aux pays occidentaux. Dans ces pays, moins de 1sur 10 sondés déclarent avoir versé des dessous de table.
5. Secteurs incriminés
Selon le rapport de Transparency International, les secteurs les plus touchés en Afrique par les malversations sont : la police, la justice, les utilitaires (fournisseur de gaz, eau et électricité), les services d’état-civil , l’école et les hôpitaux publics. Les plus corrompus parmi ces différents services publics sont la police et la justice, avec 28 et 27% des sondés affirmant avoir payé des pots-de-vin aux forces de l’ordre ou à des magistrats, au moins une fois au cours des 12 derniers mois. Le rapport incrimine aussi le monde des affaires qui se révèle être, si l’on en croit le ressenti des sondés, l’un des secteurs les plus impliqués dans des malversations, se situant juste derrière la police en terme de mauvaises pratiques.
L’appel du 9 décembre
L’étude se clôt en proposant aux gouvernements du continent noir de renforcer les législations permettant de lutter efficacement contre la corruption, rejoignant ainsi l’appel lancé aux parlements africains par le représentant régional de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) pour investir dans la lutte contre la corruption.
« Alors que nous célébrons le 12e anniversaire de la Convention des Nations unies contre la corruption ratifiée par tous les pays d’Afrique de l’Ouest et la plupart des pays d’Afrique Centrale, je voudrais inciter, écrit Pierre Lapaque dans son appel du 9 décembre 2015, les parlements de la région à réinvestir pleinement dans leur infrastructure de lutte contre la corruption. Des lois fortes contre la corruption doivent être adoptées et les autorités de lutte contre la corruption ont besoin de plus de financement et de réels pouvoirs d’enquête.
Par Tirthankar Chanda, RFI