Par Olivier Tchouaffe, PhD, contributeur au CL2P and Joël Didier Engo, Président du CL2P
Dans un acte judiciaire révolutionnaire qui était il y a encore peu considéré comme relevant du pur fantasme ou de la pensée magique, le CL2P applaudit le jugement historique de six juges kényans (4-2) favorables à la requête déposée par le candidat de l’opposition Raila Odinga, et qui a ordonné un nouveau vote dans les 60 jours dans ce pays. Le CL2P tient surtout à saluer l’exceptionnel courage des juges de la Cour Suprême Kényane qui ont ainsi su résister à toutes les pressions, dont celle de la “victoire” établie n’était pas la moindre, dans une Afrique noire où cet ordre juridictionnel sert hélas souvent de simple caisse d’authentification de coups d’État électoraux planifiés puis exécutés par les détenteurs du pouvoir sortant.
Et on se prend à rêver du jour où une cour suprême d’un pays francophone du continent noir en fera de même contre les inamovibles proxénètes de la politique politicienne et leur arrogante certitude injustifiée du droit au pouvoir à vie; notamment au Gabon des Bongo, au Togo des Eyadema, au Cameroun des Biya, au Congo Brazzaville des Sassou, au Tchad des Deby ou au Burundi de Nkurunziza, le premier président à avoir felicité Uhuru Kenyatta avant même la proclamation officielle des résultats électoraux.
Analysons attentivement la réalité derrière les mythes:
En effet, la Cour suprême du Kenya a déclaré invalide la victoire d’Uhuru Kenyatta après l’élection présidentielle du mois d’août et a ordonné qu’un nouveau scrutin ait lieu dans les 60 jours.
La décision d’annuler le résultat, une première au Kenya, est sans précédent sur le continent africain et établit surtout un unique précédent – Stare Deciesis -pour le continent.
Kenyatta a accepté la décision du tribunal vendredi après-midi, appelant à «la paix, la paix et la paix » dans une adresse télévisée.
Cette libre déclaration d’insubordination de la Cour suprême kenyane est sans précédent en Afrique moderne. Car il est inhabituel de voir une élection présidentielle en Afrique annulée par la Cour suprême ou la Cour constitutionnelle. Les hommes forts africains sont généralement élus avec des résultats de type soviétique, comme récemment Paul Kagamé au Rwanda avec 99% des voix. Par conséquent, c’est extrêmement courageux de défier ainsi publiquement un des chefs d’État d’Afrique, continent où le pouvoir de l’État est littéralement privatisé dans des réseaux ethnofacistes impitoyables regorgeant de crimes politiques et de violences génocidaires. La décision de la Cour suprême du Kenya ne présente a priori aucun signe de crainte des conséquences de cet ordre, dont celle d’une épée de Damoclès d’un génocide ethnofaciste où les gens ordinaires seraient sacrifiés pour rien, juste pour non acceptabilité et «normalisation» d’une dictature implacable. Pourtant nous ne pouvons pas perdre de vue que les dernières élections au Kenya ont causé 2 000 décès et plus de 600 000 personnes déplacées, entraînant la poursuite du président sortant et de son vice-président devant la Cour Pénale Internationale (CPI).
Le fait que cette décision soit sans précédent tient probablement aussi au détail non négligeable que la Cour suprême du Kenya n’est pas une « créature » des Kenyattas, père et fils. Ce sont des personnalités de haut rang sélectionnées à des postes de pouvoir et de prestige uniquement sur la base du mérite, et qui peuvent donc revendiquer des formes d’autonomie, puis se placer en position de plaider en faveur et de bâtir les fondations institutionnelles d’une gouvernance véritablement démocratique. Ainsi, la Cour suprême kenyane n’est pas le produit ou l’assemblage de bureaucrates de carrière incompétents et lèche-cul.
La décision de la Cour suprême kenyane est l’acte ultime de défiance contre la nécropolitique qui veut en Afrique noire que le commandement au nom de la souveraineté de l’État s’exprime d’abord par un droit à la vie et à la mort qui est, il faut le noter, un produit de la «modernité» dite civilisationnelle, et non pas des traditions Africaines, dans le but ultime de produire un sujet politique docile et pacifique. Car dans les sociétés traditionnelles africaines il existe ou a existé des contre-pouvoirs pour contrecarrer et contrôler l’usage abusif du pouvoir par les chefs.
Aussi, dans la nouvelle éthique de l’État-nation, ce n’est plus le souverain qui a le pouvoir de la vie et de la mort, mais notre volonté de sacrifier nos vies afin que le pays puisse survivre, pas uniquement le dictateur et sa violence tribale “héroïque”. Vu sous cet angle, la Cour suprême kenyane veut que le pays vive, même si certains ethnofacistes sont disposés à répandre du sang partout afin que rien ne change. Dans ce sens, nous pouvons mourir pour notre pays, mais nous ne pouvons pas laisser tomber le pays juste pour le plaisir narcissique de certains dictateurs. C’est donc un coup porté à la prophétie auto-réalisatrice qui voulait et veut que le dictateur incarne seul le pays ou la Nation dans les démocratures africaines.
En Afrique noire comme partout ailleurs sur la planète, nous n’avons pas besoin de dictateurs. Nous avons besoin d’institutions fortes, parce que la liberté est le droit suprême qui nous donne le privilège de construire notre démocratie et notre future en paix. C’est pour cela que «l’insubordination» judiciaire de la Cour Suprême Kenyane est une vraie déclaration d’Humanité et un désaveu total des politiques faisant l’apologie du cynisme et de la résignation totalitaire.
Olivier Tchouaffe, PhD, contributeur au CL2P and Joël Didier Engo, Président du CL2P
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Kenya: Judicial “Insubordination,” Ethical Life and State Power in Africa
By Olivier Tchouaffe, PhD, Contributor to the CL2P et Joel Didier Engo, President of the CL2P
In a judicial revolutionary act that was previously thought to be the stuff of fantasy and magical thinking, the CL2P applauds the six-judge bench rules 4-2 in favor of petition filed by rival candidate Raila Odinga and orders new vote within 60 days. above all, the exceptional courage of the Supreme Court of Kenya, who have been able to resist all pressures, including, that of marketed “predictable Soviet-style victory” is not the least in a black Africa where the Supreme Courts serve to authenticate and legitimize planned electoral coups, generally planned and executed by the holders of the outgoing power.
And we dream of the day when a supreme court of a francophone country of the black continent will do the same against the unmovable political pimps and their overpowering sense of special status and political entitlements; especially Gabon of Bongo, Togo of Eyadema, Cameroon of Biya, Congo Brazzaville of Sassou, Chad of Deby or Nkurunziza’s Burundi who was the first to congratulate Kenyatta before the official result of the Kenyan presidential race. The Supreme Court of Kenya said that we do not have to live within the cultural and legal lines laid out by these political pimps and that there are alternatives.
Let’s track down the reality behind the myths:
The Kenya’s Supreme Court has declared Uhuru Kenyatta’s victory in the presidential election last month invalid and ordered a new vote to be held within 60 days.
The decision to nullify the result, a first in Kenya is unprecedented on the African continent and set a unique precedent-Stare Deciesis- for the continent.
Kenyatta accepted the court decision on Friday afternoon, calling for “peace, peace, peace” in a televised address.
This open declaration of “insubordination” from the Kenyan Supreme Court is unprecedented in Modern Africa. Indeed, it is very unusual to have a Supreme Court reversing elections where African strongmen are usually elected with Soviet-Style results as recently with Paul Kagame with 99% of the vote. Hence, it’s very brave to publicly defy African chiefs where state power is entrenched in ruthless ethnofacist networks drenched in genocidal violence. The Kenyan Supreme Court ruling shows no fear of consequences which is the Damocles Sword of ethnofacist genocide where ordinary people are sacrificed for nothing besides accepting the normalization of dictatorship. Hence, we must take into account that the last election presidential in Kenya caused 2,000 deaths and more than 600, 000 displaced within the country.
The fact that this ruling is unprecedented, moreover, is probably because the Kenyan Supreme Court is not a “creature” of the Kenyattas, father and son. Those are officials selected for positions of significant power and prestige based on merit and therefore able to claim forms of autonomy and put themselves in position of advocacy and institutional building for a democratic governance. Hence, the Kenyan Supreme Court is not the product of scheming and spineless incompetent career bureaucrats and the shallow state.
The Kenyan Supreme Court ruling is the ultimate act of defiance against necropolitics where the command over sovereignty is expressed by the right of life and death which in itself, ironically, is a product of modernity rather than African tradition, which goal was the production of a docile and pacified political subject. In traditional African societies, there are counter-power that actually control misuse of power by the chiefs.
In this new modern ethic of the nation-state, it is no longer the sovereign who has the power of life and death but our readiness to sacrifice our lives so the country can survive not a dictator and his “heroic” tribal violence. In this case, the Kenyan Supreme Court wants the country to live even if some ethnofacists are willing to shed blood so that nothing changes. In this sense, we can die for our country but we cannot let the country dies because of some dictators. This is a blow to the self-fulfilling prophecy that the dictator is the country. We do not need dictators; we need strong institutions because freedom is the supreme right that gives us the privileges to build our democracy and our future in peace. And that is why, the Supreme Court of Kenya just demonstrated that “insubordination” is a declaration of humanity and a total disavowal of politics of cynicism and resignation.
Olivier Tchouaffe, PhD, Contributor to the CL2P et Joel Didier Engo, President of the CL2P