La justice biélorusse a condamné ce lundi 6 septembre à 11 ans de prison Maria Kolesnikova, une des grandes figures de la contestation de l’été 2020. La sentence illustre une répression sans relâche de toute opposition au régime d’Alexandre Loukachenko. L’UE a dénoncé le « mépris flagrant » de Minsk pour les droits de l’Homme.
Maria Kolesnikova, 39 ans, a été reconnue coupable de « complot visant à s’emparer du pouvoir », d’« appels à des actions portant atteinte à la sécurité nationale » et de « création d’une formation extrémiste », a annoncé le service de presse de Viktor Babaryko, un autre opposant emprisonné pour lequel elle avait travaillé. Son co-accusé, l’avocat Maxime Znak, s’est vu infliger une peine de 10 ans d’emprisonnement.
Le procès des deux opposants, incarcérés depuis 11 mois, avait commencé début août et s’est tenu à huis clos, si bien que peu de détails ont filtré. La plupart des médias indépendants, ONG et mouvements d’opposition ont également subi une répression inlassable depuis des mois.
Les avocats de la défense avaient, par ailleurs, interdiction de parler sur le contenu du dossier.
Selon des images diffusées avant le verdict par des comptes sur la messagerie Telegram, Maria Kolesnikova, cheveux courts et portant du rouge à lèvres, était souriante à l’audience. Elle était enfermée avec Maxime Znak dans la cage de verre réservée aux accusés.
Menottée, elle a formé, à l’attention des quelques médias pro-pouvoir autorisés, un cœur avec les mains. Il s’agit de l’un des signes de ralliement de l’opposition, au même titre que le poing levé et les doigts en V de victoire.
Au début du procès, elle avait esquissé quelques pas de danse en signe de défiance au pouvoir d’Alexandre Loukachenko. Aux commandes depuis 1994, sa réélection décriée en 2020 avait déclenché une contestation sans précédent.
Après la sentence, l’Allemagne a dénoncé une condamnation « injustifiable » et a demandé « la libération de tous les prisonniers politiques en Biélorussie », a déclaré lors d’un point presse régulier une porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères. L’Union européenne a elle dénoncé le « mépris flagrant » de Minsk pour les droits de l’Homme, quand Londres a réclamé la fin de la « répression ».
« Le courage de Maria qui a décidé de rester en Biélorussie, malgré une menace d’une lourde peine de prison, ne sera pas oublié », a souligné de son côté l’ONG Amnesty International dans un communiqué.
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« Terroriser les Biélorusses »
La candidate de l’opposition à ce scrutin, Svetlana Tikhanovskaïa a réagi sur Twitter à ce verdict, demandant « la libération immédiate de Maria et Maxime ». « Il s’agit de terroriser les Biélorusses qui sont opposés au régime », a-t-elle dénoncé.
Maria Kolesnikova avait été incarcérée en septembre 2020 après avoir résisté de manière spectaculaire à une tentative des autorités de l’expulser de son propre pays. Selon ses proches, les services spéciaux biélorusses (KGB) l’ont enlevée, puis lui ont mis un sac sur la tête pour la conduire à la frontière ukrainienne. Refusant de quitter la Biélorussie, elle a sauté d’une fenêtre et a déchiré son passeport, ce qui a entraîné son incarcération.
Maria Kolesnikova et Maxime Znak ont travaillé pour Viktor Babaryko, rival du président biélorusse récemment condamné à 14 ans de prison pour fraude, une affaire qu’il dénonce comme politique.
Ils appartenaient aussi au Conseil de coordination de sept membres mis sur pied par l’opposition après la présidentielle d’août 2020 pour organiser une transition pacifique du pouvoir.
Maria Kolesnikova était l‘une des trois femmes propulsées à la tête du mouvement de contestation, avec Svetlana Tikhanovskaïa, candidate à la présidentielle à la place de son mari emprisonné, et Veronika Tsepkalo. Ces deux dernières ont fui le pays, sous la pression des autorités.
Loukachenko bientôt reçu par Poutine
Le mouvement de contestation, qui a rassemblé des dizaines de milliers de manifestants dans les rues à l’été 2020, a été progressivement maté, avec des milliers d’arrestations, les exils forcés et les emprisonnements de dirigeants politiques, de responsables de médias et d’ONG.
Le régime biélorusse est aussi accusé d’avoir détourné en mai un vol commercial en prétextant une alerte à la bombe, afin d’arrêter le dissident et journaliste Roman Protassevitch qui se trouvait à bord.
Les Occidentaux ont adopté plusieurs trains de sanctions contre Minsk, qui jouit en revanche du soutien infaillible de Moscou.
Le président Loukachenko doit à nouveau être reçu cette semaine par Vladimir Poutine, les deux dirigeants travaillant depuis des mois à un renforcement de l’intégration économique et politique de leurs pays.
(Avec AFP)