La chute du Vieux Bob: Quel avenir pour les dinosaures gérontocrates africains?
Par Olivier Tchouaffe, PhD, Porte-parole du CL2P
Le vieux Robert “Le camarade Bob” Mugabe est le premier et le seul président du Zimbabwe depuis que le pays a déclaré son indépendance de la Grande-Bretagne il y a 37 ans. Robert Bob Mugabe n’a pas toujours été considéré comme un dictateur, alors que son armée a mené une «correction sans effusion de sang». En fait, le « camarade Bob » était un chef de guérilla fort et efficace contre la Rhodésie coloniale dans la guerre d’indépendance des années 70. En cela George Washington ressemblait beaucoup à Mugabe comme leader d’une révolution réussie et fondateur d’une nation. Mais le plus grand cadeau que Washington a donné au nouveau pays était de renoncer au pouvoir après avoir été président pendant 8 ans. Si Mugabe avait suivi son exemple, il aurait pu être reconnu comme un grand homme. Maintenant il fait partie de la longue liste des dictateurs Africains.
Pourtant si Mugabe avait œuvré pour renforcer les institutions démocratiques du nouveau Zimbawé et laisser le pouvoir aux futures générations de Zimbabwéens libres, comme l’avait fait Nelson Mandela en Afrique du Sud, Mugabe aurait précisément gagné sa place au panthéon des héros africains comme Nelson Mandela, Kwame Nkrumah, Patrice Lumumba, et Thomas Sankara.
La chute de Mugabe démontre par conséquent l’idée selon laquelle la décolonisation est aussi un processus ancré dans la temporalité et implique la mise en place de conditions pour les générations futures à travers une formation institutionnelle alternative et solide. Or cette formation institutionnelle alternative se déroule souvent dans un contexte dominé par l’héritage colonial de la violation des droits de l’Homme et le vol des ressources dans une idéologie des ressources illimitées. D’où la nécessité de clarifier les notions de base de la liberté et des institutions autochtones.
Comment l’échec de la transformation de l’État colonial a fait de nombreux pays africains, comme le Zimbabwe, en un système de plantation biopolitique néocolonial déguisé en État-nation moderne, dans lesquels le maître colonial a été remplacé par un autre visage noir. Dans ce processus, Old Bob a détruit son propre statut d’icône de la libération en réduisant son pays à d’infinies difficultés économiques et politiques.
Aussi, plutôt que d’être un démocrate, le nouveau maître, en tant que maître colonial (noir), est un individu habité par le même ego colonial. Ce type de pouvoir conduit par l’ego signifie que la nouvelle puissance ne souhaite plus mettre en place de meilleures conditions pour les générations futures. Le nouveau maître veut uniquement la récompense que procure le pouvoir dans sa propre vie. Ce qui explique la privatisation du pouvoir en quelques mains et la construction de machines de guerre pour écraser la dissidence. Cette privatisation du pouvoir a conduit Mugabe à travailler en arrière scène pour le transfert du pouvoir à sa femme, Grace “Gucci” Mugabe et à ses enfants, qui se révèlent tous pires que le camarade Bob. Ce geste dictatorial a scellé la scission avec la Zanu-PF (son parti) et Emmerson Mnangagwa (son vice-président), également connu sous le nom de « Crocodile », un ancien de la guerre et héros zimbabwéen contre la Rhodésie colonial, qui a toujours bénéficié d’une forte loyauté de l’armée zimbabwéenne.
Aujourd’hui alors que Mugabe est “protégé” par l’armée dans sa résidence à Harare et fait face à une décision difficile, il pourrait chercher à résister au poids politique qui l’accable, négocier, ou suivre docilement les instructions des nouveaux maîtres du Zimbabwe.
En réalité le vieux Bob est symptomatique d’une classe politique gérontocratique africaine qui, au-delà des postures panafricaines et patriotiques, ne se battait pas pour la liberté, mais pour le pouvoir et l’argent que procure le pouvoir, plusieurs années après la libération du colonialisme, afin essentiellement qu’eux et peut-être leurs familles vivent et continuent de vivre indéfiniment dans un luxe ostentatoire pendant que le reste du peuple croupit dans une misère abjecte. Le but est et a toujours été ici de s’éterniser à vie sur le trône, d’avoir ce que votre oppresseur colonial avait autrefois. C’est justement cette condition humaine de l’auto-préservation qui finit inévitablement par créer la célébration de l’immortalité et du vide obscènes.
Le vieux Bob et ses copains gérontocrates sur le continent sont des témoignages que de grands changements ne se produisent pas du jour au lendemain. Ce qui est essentiel c’est de maintenir la pression et de continuer à travailler pour améliorer les choses. Le CL2P est prêt pour cela.
Certaines personnes ne seront pas ou ne voudront jamais être à la hauteur de ces enjeux de changement démocratique. Certains vous détesteront même pour cela. Mais c’est ce que vous devez faire et le chemin à suivre. Il y a en cela une raison pour laquelle tant de cultures parlent de «lutte intra-institutionnelle», c’est parce que les humains ne peuvent fondamentalement pas divorcés de leur contexte. D’où l’impératif d’une organisation collective pour l’émergence des responsabilités et l’exigence de Justice, c’est à dire un ensemble de régulations qui favorisent la prise de responsabilité personnelle et le sens de la justice pour tous. Cela signifie en pratique: donner à chaque individu les ressources pour agir.
Il ne s’agit donc pas d’une victoire unique. Il s’agit de repousser les dictatures et de ne jamais s’arrêter, même quand les choses semblent un peu plus faciles et la victoire semble à portée de main. Car tuer les dictateurs est beaucoup moins important que planifier ce qui vient ou doit se faire après. Saddam Hussein et le colonel Kadhafi ont de la sorte été tous les deux tués. Mais le cauchemar ne faisait que commencer pour leurs deux pays. Le renversement de Mobutu dans ce qui était alors le Zaïre et qui est maintenant le Congo a été suivi d’une guerre civile au cours de laquelle des millions de personnes ont perdu la vie à cause de la violence, de la famine, et des maladies. Ce qui est important, c’est de s’assurer que le Zimbabwe, ou tout autre régime africain gérontocrate, n’emprunte pas la même voie et que le vieux Robert “Le camarade Bob” Mugabe soit accompagné de manière maîtrisée dans une retraite apaisée.
Olivier Tchouaffe, PhD, Porte-parole du CL2P
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English version
The fall of Old Bob: What future for the African gerontocrats Dinosaurs?
By Olivier Tchouaffe, PhD, Spokesman of the CL2P
Old Robert “Comrade Bob” Mugabe is the first and only president of Zimbabwe since the country declared independence from Great Britain 37 years ago. Robert Bob Mugabe was not always remember as a dictator as his army leads a “bloodless correction.” In fact, “Comrade Bob” was a strong and able guerilla leader against colonial Rhodesia in the war of independence in the 70s. As a matter of fact, George Washington was a lot like Mugabe. The successful leader of a revolution and founder of a nation. The greatest gift Washington gave to the new country was to relinquish power after being President for 8 years. Had Mugabe followed his example he could have been known as a great man. Now he goes down in history as just another power hungry tin pot dictator.
Thus, had Mugabe work to strengthen the new country’s democratic institutions and leave power to future generation of free Zimbabweans, as Nelson Mandela did in South Africa, Mugabe would have been remember in the pantheon of African heroes as Nelson Mandela, Kwame Nkrumah, Patrice Lumumba and Thomas Sankara.
Mugabe’s fall, consequently, demonstrates the idea that decolonization is also a process embedded in temporality and involve setting the conditions for future generations through solid alternative institutional formation. This alternative institutional formation takes place in a context dominated by colonial legacy of human right violation and theft of resources within the ideology of unlimited resources. Thus, the necessity to clarify notions of grassroots indigenous freedom and institutions.
How the failure to transform the colonial state has turned many African countries, such as Zimbabwe, into biopolitical neo-colonial plantation system masquerading as modern nation-state with the colonial master being replaced by another master this time with a black face. In the process, Old Bob has destroyed his own status as an icon of liberation by reducing his country to such dire economic and political straits.
Hence, rather than being a democrat, the new master, as the colonial master, is an individual driven by the same colonial ego. This kind of ego driven power means that the new power is no longer interested in setting better conditions for future generations. The new master wants the reward of power in his own lifetime which explains the privatization of power into few hands and the construction of war machines to crush dissent. That privatization of power has led Mugabe to work behind the scene to transfer power to his wife, Grace “Gucci” Mugabe and his children who all look entire worse than Comrade Bob. This dictatorial gesture has led the split into the one party state Zanu-PF with Emmerson Mnangagwa, also known as “The Crocodile,” a war of the Zimbabwean hero who still received strong loyalty from the Zimbabwean army.
So Mugabe, “protected” by the army in his residence in Harare, faces a tough decision. He could seek to resist the political juggernaut bearing down on him, negotiate, or obediently follow the instructions of the new masters of Zimbabwe.
Old Bob is symptomatic of an African gerontocratic political class who in fact didn’t fight for freedom, but fought for power and money, so that long after colonialism, they and, perhaps, their families would live in luxury while the country is subjected to abject poverty. The goal is always to end up on the throne, to have what your oppressor had. It’s just the human condition of self-preservation that ends up creating the celebration of obscene immortality and void.
Old Bob and his gerontocratic pals on the continent are testimonies that big change doesn’t happen overnight. What’s vital is to keep the pressure on and keep working to make things better. The CL2P is up for it.
Some people won’t be up for it, and some will even hate you for it. But it’s what you’ve got to do. There’s a reason so many cultures talk about “intra-institutional struggle”, with the knowledge that individuals cannot be divorced from their context, therefore, working to organize collective capacity for the demand of justice and responsibility. Therefore, the construction of new forms of regulations that put an emphasis on personal responsibility and equal rights under the law. In practice, giving each individuals the resources to act.
More, because that is what it is. It’s not about any one victory; it’s about pushing back and never stopping, even when things seem a little easier. Hence, Killing dictators is far less important than planning for what comes next. Both Saddam Hussein and Colonel Gaddafi were killed. But the nightmare was just beginning for their two countries. The overthrow of Mobutu in what was then Zaire and is now the Congo, was followed by a civil war in which millions lost their lives through violence, famine and disease. What’s important is ensuring Zimbabwe, or any gerontocrats African regime avoids anything similar.
Olivier Tchouaffe, PhD, Spokesman of the CL2P