Réjouissons-nous évidemment du dénouement heureux ce jour (mercredi 27 décembre 2017) de la séquestration au Cameroun de l’écrivain, universitaire, et activiste Patrice Nganang.
Mais comment clore cette page sans déplorer une fois de plus la passivité des camerounais, notamment ceux de Paris – si prompts à commenter et à donner des leçons dans les réseaux sociaux – mais incapables de témoigner la moindre solidarité au moment des drames comme celui-ci, trouvant comme toujours mille excuses pour ne surtout pas se trouver et/ou être identifiés dans les mobilisations (je ne sais d’ailleurs par qui?).
Avec le Dr. Jean-Crépin Nyamsi, les journalistes Abdelaziz Moudé et Jacky Moiffo (JMTV PLUS), j’ai encore pu l’expérimenter amèrement lors de la conférence de presse donnée dès 19h00 Mercredi 20 décembre 2017 par le Collectif créé pour la Libération de Patrice Nganang à Paris, à la Bourse du Travail (Place de la république).
Nous étions désespérément bien seuls!
Je terminerais presque en remerciant les autorités de Yaoundé pour la célérité dont elles ont fait montre dans le traitement de ce dossier ce jour. Car si nous devions compter sur la seule mobilisation des Camerounais de la diaspora, Patrice Nganang séjournerait encore dans sa cellule du mouroir carcéral de Kodengui à Yaoundé.
Et une fois n’est pas coutume: Merci M. Biya.
Même si j’aurai dés le départ tout tenté sur un plan formel et légal pour vous éviter – ainsi qu’au Cameroun – cette humiliation planétaire.
Joel Didier Engo, Président du CL2P
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La version originale de l’expulsion de nganang.
Par un membre du CNL
Compte rendu circonstancié du déroulement et du dénouement de l’affaire MP et Etat du Cameroun C/ NGANANG Alain Patrice
Les choses s’accélèrent dans l’après-midi du 26 Décembre 2017. En effet, les proches de NGANANG Alain Patrice sont interdits de lui rendre visite à la Prison centrale de Nkondégui. Il a fallu l’intervention de ses avocats auprès du régisseur de la prison pour qu’il puisse recevoir la nourriture apportée par ses proches et finalement s’entretenir avec ces derniers ainsi que ses avocats. Nous quittons la maison d’arrêt autour de 17h, planifiant la visite du lendemain et des jours d’après tout au moins jusqu’au 19 janvier 2018, date à laquelle, l’affaire a été renvoyée suite à la première audience du 15 Décembre, tenue au Tribunal de Première Instance de Yaoundé-Centre administratif. Vers 22h ce même jour, coup de théâtre, nous sommes alertés par une source depuis la prison, qui nous indique que le dossier passera bel et bien à l’audience du 27 Décembre 2017 au lieu du 19 janvier 2018 tel qu’initialement prévu. Nous entrons en contact par des voies que je ne révélerais pas ici avec notre client qui confirme qu’il a été extrait de sa cellule quand il dormait déjà aux fins de notification du mandat d’extraction pour une audience qui passe aujourd’hui.
La nuit a été à la fois longue et courte pour l’équipe de la défense, la plupart des avocats étant hors de la ville et ne pouvant rallier Yaoundé qu’en mi journée. Arrive donc le jour de la fameuse audience. Notre client est effectivement extrait seul autour de 7h30 min et embarqué dans un mini bus CA visiblement préparé pour la circonstance, direction, Tribunal de Première Instance de Yaoundé-Centre administratif. Nous avons la possibilité de nous entretenir avant le début de l’audience ordinaire de Flagrant délit programmé ce jour. Après les réquisitions spéciales du représentant du Ministère public, les avocats constitués dans le dossier pour certains venant hors de la ville, font jouer la préséance pour que le dossier soit appelé le plutôt possible mais en vain car ni le dossier de procédure du juge, ni le dossier administratif du procureur de la République ne sont à l’audience.
Nous nous rapprochons de la représentante du Ministère public qui nous rassure avec un sourire que le dossier va passer. Nous attendons, quelques affaires sont même appelées et renvoyées et soudain, suspension d’audience. Quelque 2 min plus tard, reprise de l’audience par le Tribunal autrement composé. Cette fois, nous avons au siège, le Président du Tribunal lui-même, au parquet, c’est une “collégialité” composée du Procureur de la République près le Tribunal des céans lui-même, d’un Avocat général représentant spécial du Procureur général près la Cour d’Appel du Centre et de la substitut du Procureur qui a initialement commencé l’audience. Le président ouvre l’audience et donne la parole au Procureur du Roi comme il a appelé. Ce dernier après les civilités habituelles à l’égard du Tribunal a remercié le Tribunal d’avoir accepté le rabattement de la date d’audience à son initiative et le re-enrollement de l’affaire à cette date.
Il il a par la suite dit que cette demande qu’il a formulée lui a été instruite par sa hiérarchie, notamment le Procureur général près la Cour d’Appel du Centre dont le représentant spécial était présent. C’est sur cette note qu’il a passé la parole à ce dernier qui s’est présenté en donnant ses noms et prénoms ainsi que son grade. Il a directement embrayé sur l’objet de sa présence qui consistait en effet à venir soutenir oralement et publiquement, conformément à l’article 64 du Code Procédure Pénale, un ordre d’arrêt de poursuites écrit et signé du Procureur général sur instruction écrite du Ministre de la justice dont il produira d’ailleurs au dossier de procédure et qui sera admis comme tel. Après plusieurs longues minutes d’attente et de prise de note par le Président du Tribunal, le jugement dont la teneur suit est prononcé:
Le Tribunal statuant publiquement et contradictoirement à l’égard de toutes les parties:
Donne acte au Procureur général pour ses réquisitions portant sur l’arrêt des poursuites à l’égard du Prévenu NGANANG Alain Patrice,
Constate le désistement du Ministère public en ce qui concerne les poursuites pénales;
Donne mainlevée du mandat de détention provisoire décerné le 13 Décembre 2017 par le Procureur de la République;
Met les dépens à la charge du trésor public;
Après lecture du dispositif du jugement, il a à nouveau suspendu l’audience qui a été reprise par la suite.
Nous nous sommes instamment dirigés à la prison centrale de Nkondégui pour les formalités devant aboutir à sa mise en liberté effective. Y étant, nous recevons un coup de fil venant du Procureur de la République qui nous donne 5 min pour rallier son bureau aux fins de restitution des effets mis sous scellé de notre client. Nous essayons tant bien que mal malgré les embouteillages de Yaoundé de rentrer au parquet. Nous trouvons dans le bureau du Procureur de la République deux cadres de la Police camerounaise notamment le Directeur en charge des enquêtes de la Direction Nationale de la Police judiciaire et son sous directeur. Nous recevons le PV de restitution des effets de notre client daté d’aujourd’hui bien qu’établi hier. Tout est là à l’exception de deux choses à savoir son passeport camerounais et la carte de résident américain de son beau-père qui est Zimbabwéen. Nous protestons et le Procureur ainsi que les deux policiers nous informent que son passeport camerounais a été retenu et qu’il sera expulsé du territoire camerounais dans un vol de 14h30 en nous brandissant le billet d’avion déjà payé par l’argent du contribuable. Nous déchargeons néanmoins le PV avec cette réserve, entrons en possession de ses autres effets et nous dirigeons en même temps que les hauts policiers en direction de la Prison où l’escorte digne d’un film policier avec des gens cagoulés et armés jusqu’au dents est déjà en place. La presse et d’autres citoyens convergent vers la prison, l’ambiance devient très tendue. Après les formalités de levée d’écrou, nous refusons de signer le PV relatif à la rétention de la carte de résident de beau-père qui en réalité n’a rien à voir avec la procédure. Par la suite, nous exigeons notamment Me Hyppolithe méli, la décision d’expulsion du territoire national de notre client mais en vain car aucune décision ni judiciaire, ni administrative n’a été pris dans ce sens. Les policiers consultent leur hiérarchie, le DGSN. Le représentant du MINJUSTICE qui est là appelle également le Ministre de la justice. Le DGSN a dit sur Talking et sur haut parleur “portez le”. C’est ainsi que les gars armés du GSO ont été mis à contribution pour embarquer notre client manumilitari sous bonne escorte digne d’un roman policier. Une fois à l’aéroport, nous constatons un dispositif militaro-policier sans précédent avec des éléments cagoulés et armés près à tirer car ils ont le doigts sur la gâchette. Nous parvenons tout de même es qualité de ses conseils à nous frayer un chemin. Malgré tous nos efforts, nous n’arrivons pas à le voir pour une dernière fois car embarqué par une procédure d’urgence. C’est ainsi que notre client a quitté Yaoundé à bord du vol ET925 de la Compagnie Ethiopian Airlines à destination de New-york via Addis Ababa en Ethiopie.