Tribune Le président de la République et le ministre des affaires étrangères doivent prendre des mesures fortes pour réclamer du gouvernement égyptien l’arrêt de l’escalade répressive contre les défenseurs des droits, et la libération immédiate des trois membres de l’Initiative égyptienne pour les droits personnels (EIPR) qui ont été arrêtés la semaine du 15 novembre, dont la vie et la santé sont en danger du fait de conditions de détention inhumaines.
Le président égyptien s’apprête à venir en visite officielle en France ; il est impératif de lui signifier avec force que son gouvernement doit relâcher les employés de l’EIPR ainsi que tous les défenseurs des droits et journalistes détenus arbitrairement. Entre le 15 et le 19 novembre, ces trois directeurs de l’EIPR, une organisation indépendante de défense des droits humains internationalement reconnue, ont été arrêtés et placés en détention provisoire : Gasser Abdel Razek, le directeur exécutif de l’association, Karim Ennarah, son directeur de la justice pénale, et Mohamed Basheer, le directeur administratif.
Les autorités les accusent d’appartenir à une organisation terroriste et de diffuser de fausses informations, des accusations habituelles, utilisées par le régime contre les défenseurs des droits et les journalistes. Un autre employé, Patrick Zaki, est également en détention depuis le mois de février pour « diffusion de fausses informations ».
En réalité, leur seul crime est d’avoir publié des rapports sur la situation des droits dans leur pays, y compris concernant la peine de mort et les exécutions (en forte hausse cette année), les conditions de détention, les droits des minorités religieuses et sexuelles, et les droits économiques et sociaux.
Une escalade répressive du gouvernement égyptien
Leurs conditions de détention sont très inquiétantes. Lors d’un interrogatoire le 23 novembre, Gasser Abdel Razek a dit à ses avocats qu’il est maintenu à l’isolement, sans avoir quitté sa cellule une seule fois depuis son arrestation. Les autorités pénitentiaires ont confisqué toutes ses affaires et lui refusent des habits chauds. Il a constamment froid, il dort sur un lit en métal sans matelas, et il n’a pas le droit d’acheter de la nourriture à la cantine.
Ni les familles ni les avocats n’ont de nouvelles de Karim Ennarah ou de Mohamed Basheer depuis leur mise en détention, et nous craignons qu’ils fassent également l’objet de maltraitances*. La France ne peut rester silencieuse face à cette escalade répressive d’un gouvernement avec lequel elle entretient des relations économiques et stratégiques étroites.
Tout d’abord parce que la France vend des armes et du matériel de surveillance policière à l’Egypte. Ces contrats de plusieurs milliards d’euros sont financés par des prêts issus de l’argent du contribuable français, rendant ainsi notre pays et nos citoyens complices des atrocités commises par le régime.
Pour la libération des membres de l’EIPR
Ensuite parce que les autorités égyptiennes justifient ces arrestations par le fait que l’EIPR a rencontré, le 3 novembre, des ambassades occidentales, dont la France, pour échanger sur la situation des droits humains en Egypte. Le régime d’Al-Sissi tente donc de faire passer le message à la France que tout échange avec la société civile égyptienne sera suivi de représailles, tentant ainsi d’affaiblir les services diplomatiques français et de les dissuader de faire leur travail.
Enfin parce que laisser faire ne peut qu’accentuer l’instabilité politique en Egypte, ce qui menace une coopération efficace entre les deux pays sur des dossiers-clés tels que la lutte contre le terrorisme. Les organisations internationales estiment qu’il y a 60 000 prisonniers politiques en Egypte. Cette accélération des arrestations renforce encore plus la crise politique dans le pays.
Les communiqués de presse ne suffisent plus. Le gouvernement français doit revoir les termes de sa coopération avec l’Egypte et mettre au cœur de la relation bilatérale le respect des droits. M. Macron doit signifier à son homologue égyptien une position claire en faveur de la libération des membres de l’EIPR et de l’abandon de toutes les poursuites contre eux.
* Depuis la rédaction de cette lettre, les autorités ont gelé les avoirs de l’EIPR. Lors d’une audience à ce sujet le 1er décembre au tribunal chargé du terrorisme, le juge a refusé que l’EIPR puisse lire la décision ou connaître ses justifications légales, a refusé que les avocats de l’organisation présentent des arguments, et a refusé que les trois détenus puissent s’entretenir avec leurs avocats.
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