Pour Carles Puigdemont, c’est plutôt une bonne surprise. Certes, la justice allemande a estimé, jeudi 5 avril, que rien ne s’opposait à une extradition du dirigeant indépendantiste catalan en Espagne. Mais, contrairement à ce qu’avait requis le procureur général du Schleswig-Holstein, où M. Puigdemont était incarcéré depuis son arrestation par la police allemande, le 25 mars, le tribunal régional supérieur de ce Land frontalier du Danemark n’a pas retenu l’accusation de « rébellion » figurant dans le mandat d’arrêt européen que l’Espagne avait émis contre lui.
Cette décision est capitale pour l’avenir judiciaire de M. Puigdemont. En ne retenant contre lui que l’accusation de « détournement de fonds publics », l’Allemagne prive Madrid de la possibilité de le juger pour « rébellion », un crime passible de trente ans de prison en Espagne. En risquant désormais ne plus être condamné que pour « détournement de fonds publics », l’ancien président catalan n’encourt plus que huit ans de privation de liberté.
Les juges du Schleswig-Holstein ont donc tenu compte des arguments développés par les avocats de M. Puigdemont ainsi que par un certain nombre de juristes allemands. Depuis dix jours, plusieurs d’entre eux martelaient que l’accusation de « rébellion » ne pouvait être retenue dans la mesure où elle n’a pas, selon eux, d’équivalent en droit allemand. A leurs yeux, le crime de haute trahison, tel que défini dans l’article 81 du code pénal allemand, ne s’applique pas à M. Puigdemont en raison d’absence de violence dans les actes reprochés à ce dernier.
Lire aussi : Le casse-tête juridique et politique de l’affaire Puigdemont en Europe
Caution de 75 000 euros
Contrairement aux réquisitions du parquet, les juges allemands ont également autorisé la mise en liberté de M. Puigdemont, moyennant le versement d’une caution de 75 000 euros et à la condition qu’il se présente une fois par semaine à la police de Neumünster, la ville où il a été placé en détention le 25 mars.
Les avocats du leadeur indépendantiste catalan ont salué cette décision. « Nous sommes très heureux pour notre client », ont-ils déclaré, jeudi soir, se félicitant que la justice allemande ne retienne pas « l’accusation scandaleuse » de « rébellion ». « En Allemagne, il y a une justice », a quant à lui réagi Josep Costa, premier vice-président du Parlement catalan, sur Twitter.
La suite de l’histoire reste incertaine. Depuis l’arrestation de M. Puigdemont, le gouvernement fédéral allemand n’a cessé de répéter qu’il n’interviendrait pas dans cette affaire. En assurant néanmoins, dès le 26 mars, que « l’Espagne est un Etat de droit démocratique » et que « le gouvernement allemand est convaincu que le conflit catalan doit être réglé par la justice et dans le cadre constitutionnel espagnol », le porte-parole de la chancelière Angela Merkel a toutefois laissé clairement entendre qu’il ne s’opposerait pas à une extradition de M. Puigdemont, dont Berlin a toujours jugé le combat en faveur de l’indépendance de la Catalogne illégal autant qu’illégitime.
En théorie, il revient donc maintenant au parquet du Schleswig-Holstein de donner son accord à une extradition. Une décision contre laquelle M. Puigdemont pourrait toutefois tenter de s’opposer en déposant un recours auprès de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe.
LE MONDE | Par Thomas Wieder (Berlin, correspondant)