Cette terrible nouvelle vient de me parvenir, confirmée sur son fil Facebook par Hubert Ducarme qui pendant tes longues années d’incarcération arbitraire a assuré le lien entre toi et nous, cher Paul Éric Kingue…
Ça surprendra effectivement beaucoup de Camerounais dans cet environnement pollué par les tensions irrationnelles…
Oui nous nous connaissions et nous estimions mutuellement. J’ai en effet fait ta connaissance en 2010 (approximativement ou avant) alors que tu purgeais ta peine d’emprisonnement à vie à la prison de New Bell à Douala et essayions de te redonner espoir tous les soirs au téléphone, élaborant toutes les stratégies pour t’en extraire…jusqu’à ta libération effective.
Tu étais doté d’une détermination exceptionnelle et je suis surtout triste que tu n’aies pas suffisamment profité de ces années de liberté conquise de dure lutte.
Repose en paix là où tu es et que la terre de Djombe Penja te soit légère.
JDE
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Mon ami, Paul Éric Kingue nous a quittés.
Nous sommes connus en 1989 à l’université de Yaoundé. Nous habitions les célèbres mini cité Eyida Mbedi au lieu dit Vladi.
Paul Éric Kingue n’a pas changé. Il a gardé jusqu’à la fin, le même caractère : trempé, vif, énergique.
Lorsqu’il devient maire Rdpc de Njombe-Penja en 2007, il exige une enquête fiscale sur les redevances dues à sa pauvre commune depuis des années par une multinationale exploitante agricole française.
Cette exigence de justice sociale est considérée par les pontes du parti-État, comme une outrance.
Elles vont le lui faire payer au travers d’une cabale judiciaire de plus de 08 ans, assortie d’une condamnation à vie, dont la Cour suprême, sous pression des appels à sa libération du système des nations-unies et autres Ong, constatera la vacuité et l’acquittera pour violation flagrante de la loi.
Il obtiendra d’ailleurs une condamnation de l’Etat du Cameroun à lui payer plusieurs milliards de FCFA, pour cete détention abusive et irrégulière, par le groupe de travail sur la détention arbitraire de l’Onu.
Il meurt aujourd’hui créancier à hauteur de milliards de cet Etat du Cameroun, mauvais payeur.
En réalité, Paul Éric Kingue n’a jamais accepté le mode de gouvernance du Rdpc.
Il y était à un moment de sa vie, comme beaucoup d’autres camerounais, pour essayer de sortir sa communauté, la tête de l’eau.
Lors de son incarcération à la prison de New-Bell, nous nous entretenions régulièrement.
Il ne désarmait pas, malgré toutes ces condamnations fantaisistes qui n’ebranlaient pas son moral.
Nous partagions aussi la parole de Dieu.
Il m’écoutait l’évangéliser, admirait ma nouvelle conversion à Christ.
Dans sa témérité, au sortir de la prison Paul Éric Kingue,refusera de rentrer dans les rangs du Rdpc, malgré de nombreuses sollicitations.
Il va créer son parti, le MPCN qui coalisera avec le MRC, pour soutenir la candidature de Maurice Kamto à l’élection présidentielle de 2018.
Jamais, on a vu un directeur de campagne d’un candidat, si fringant et déterminé dans l’histoire politique du Cameroun post 1990.
Paul Éric Kingue a participé à rehausser d’un cran la candidature de Maurice Kamto, qui l’a d’ailleurs reconnu avec ses mots.
C’est Paul Éric Kingue , qui injecta véritablement le tonus à la revendication post électorale du non au hold-up dans les esprits des camerounais tant de l’intérieur que de la diaspora.
Ses sorties furent le carburant de la résistance contre le hold-up électoral.
Comment oublier, l’effet galvanisateur sur la lutte pour la transparence électorale , de cette célèbre déclaration : ” Jusqu’à la fin de la vie, je ne reconnaîtrais pas la victoire de Paul Biya”
S’en suivra, une autre détention abusive et irrégulière de 09 mois à la prison de Kondengui.
De cet endroit, Paul Éric Kingue subrepticement menait la lutte.
Il réussissait à établir le contact avec l’extérieur. J’en faisais partie.
Lors des préparatifs aux élections législatives et municipales de février 2020, il me fera part de sa grande déception.
Selon lui le MRC venait de violer un accord politique de non concurrence lors des législatives et municipales qui le lierait avec ce parti dans le département du Moungo.
Il me demandera d’ailleurs d’en parler avec Maurice Kamto avec lequel il m’avait mis en contact .
C’était peine perdue puisque le lendemain, le MRC annoncera sa non participation à cette élection.
La rupture était malheureusement consommée.
De nos différents entretiens watsapp au cours desquelles, je lui demandais de passer à autre chose, il m’informera que malgré, la non participation de leur parti, certains cadres du MRC continuent à faire campagne contre lui dans son fief électoral.
Il me jurera qu’il ne pardonnera pas cette volonté de le détruire politiquement alors qu’il a cru tout donner pour son allié politique.
J’avais essayé en vain de le ramener au pardon, jusqu’au 04 décembre 2020, date de notre dernière conversation où il me dira qu’il ne veut plus de mes conseils.
Paul Éric Kingue quitte une scène politique camerounaise, qui lui a été sans pitié.
Pourtant une belle âme. Un homme chaleureux. Un combattant de la liberté.
C’est une autre victime du système totalitaire camerounais qui s’est servi d’une justice instrumentalisée pour le détruire.
Les 15 dernières années de sa vie, environ 10 ont été passés injustement dans les geôles à cause de ses idées, de la recherche de justice sociale, de la démocratie.
Sa dernière lutte, celle pour une véritable décentralisation, qui aurait permis aux pauvres populations de sa commune de vivre mieux.
Espérant au moins que ce pouvoir de Yaoundé, sans cœur, dans un sursaut d’humanité, paiera cette vie détruite, en payant à ses ayant-droits l’argent qu’il lui doit pour l’avoir emprisonné abusivement.
Christian Ntimbane Bomo
Société Civile Critique.