La Politique de l’Inimitié et de la survie à Yaoundé
Les vrais militants des droits de l’Homme doivent être particulièrement prudents et distants avec les acteurs publics d’un pays où des opposants supposés peuvent se convertir du jour au lendemain au totalitarisme le plus inhumain, au point d’affirmer que« l’alternance au pouvoir est un danger pour le Cameroun ».
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Il est vrai que Maître Jean-de-Dieu Momo (encore lui !) était considéré comme un fervent militant des droits humains, notamment, avec ses plaidoiries comme avocat devant le Tribunal Pénal International sur le génocide Rwandais à Arusha en Tanzanie et sa défense retentissante des 9 de Bependa disparus dans la masse des crimes contre l’humanité perpétrés par le Commandement opérationnel à Douala.
En effet, le 23 février 2001, les forces de sécurité ont arrêté neuf adolescents dans le quartier omnisports de Bepanda à Douala, soupçonnés d’avoir volé la bouteille de gaz de cuisine d’un voisin. Marc Etaha, Frédéric Ngouffo, Chatry Kuete, Eric Chia, Jean Roger Tchiwan, Kouatou Charles, Chia Effician, Kouatou Elysée et Kuate Fabrice ont ensuite été transférés dans un centre de détention situé à Bonanjo-Douala, appartenant au commandement opérationnel, un corps de sécurité d’élite créé pour lutter contre les vols à main armée à Douala et à Yaoundé. Des membres de la famille les ont vu pour la dernière fois les 26 et 27 février. Depuis lors, aucune information n’a été fournie sur leur sort.
Aujourd’hui, Maître Momo a opéré un retournement de veste tonitruant et rejoint l’institution traumatogène qui a provoqué ces disparitions puis commis de nombreuses autres violations graves des droits de l’Homme enregistrées par notre organisation.
Ce type d’attitude peut s’expliquer par une histoire politique du traumatisme institutionnalisée, puis les effets délétères et négatifs de la violence. En particulier, le coût humain de la violence qui est la devise de la post-colonie. La violence devient une caractéristique omniprésente de la vie quotidienne des Camerounais ordinaires en tant que forme de régulation structurelle des rapports sociaux, qui produit une « négation systématique » de l’humanité du Camerounais ordinaire. Une pratique de traumatisme physique et mental causé par le contexte postcolonial.
Dans cet environnement, créer une nouvelle identité émancipatrice est très difficile. La survie devient la seule réelle option.
En cela, la survie n’est pas une seconde nature, la survie est le nom de code du jeu cynique. Dans cette société, des blessures psycho-affectives profondes empêchent le sujet colonisé de se forger une nouvelle identité. Ce qui reste est la reproduction de pratiques violentes héritées de la colonisation. Ainsi, dans cet univers politique inquiet et divisé, Maître Momo a choisi le camp du «vainqueur» dans une logique et une économie libidinale d’escalade contre des opposants politiques légitimes toujours considérés comme des ennemis de la nation et transformés en choses et objets.
Aussi, dans un tel contexte traumatogène, Maître Momo a probablement fait le calcul politique que l’inimitié et le désaccord politique, sinon tribal, sont si profonds qu’il n’y a pas ou plus d’autre moyen que de combattre l’opposition à vie par une compromission bruyante et choquante avec la tyrannie.
En revanche, de véritables organisations de défense des droits de l’homme, telles que le CL2P, comprennent le désir de désescalade du Camerounais ordinaire; sa volonté de créer un nouveau règlement durable, apaisé, et viable au Cameroun. Il est donc temps d’adopter un nouveau paradigme politique où des ethnofacistes professionnels et engagés, obsédés par leur propre sens obscène d’immortalité, cèdent la place à une nouvelle génération de Camerounais cosmopolites, hautement éduqués et sophistiqués, qui aiment leur pays par dessus toutet ont l’imagination requise pour concevoir et promouvoir une alternative productive. Cette relève prend progressivement forme au sein des différentes diasporas avec des méthodes qui peuvent parfois être contestables, mais qui impriment néanmoins un nouveau rapport de forces en traçant un autre horizon dans un pays bloqué depuis 37 ans.
Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques – CL2P
English version
Internalized Violence and Survival Politics in Yaoundé
Real human rights activists have to be particularly cautious and distant with the public actors of a country where supposed opponents can be converted overnight to the most inhuman totalitarianism, to the point of saying that « alternance in power is a danger for the country ».
It is true that Maître jean de Dieu Momo used to be regarded with his work judging genocide in Arusha, Tanzania and his defense of the Bependa 9.
Indeed, on 23 February, nine adolescents were arrested by security forces from the Bepanda Omnisports neighborhood in Douala, as suspects in the theft of a neighbor’s cooking gas bottle. Marc Etaha, Frederic Ngouffo, Chatry Kuete, Eric Chia, Jean Roger Tchiwan, Kouatou Charles, Chia Effician, Kouatou Elysee and Kuate Fabrice were subsequently transferred to a detention facility in Bonanjo-Douala belonging to the Commandement operationnel, an elite security corps created last year to combat armed robbery in Douala and Yaoundé. There were last seen there by relatives on 26 and 27 February. Since then, there has been no information on their whereabouts.
Now, Maître Momo has turned his coat and joined the traumatogenic institution that has caused these disappearances and committed many other grave human abuses violation recorded by our organization.
This kind of attitude can be explained by a history of political trauma and the dangerous and negative effects of violence. Particularly, the human cost of violence which is the currency of the post colony. Violence becomes an omnipresent feature of daily life for ordinary Cameroonians as a form of a structural violence which produces a ‘systematic negation’ of ordinary Cameroonians’ humanity. A practice of physical and mental trauma caused by the postcolonial context.
Within this context, creating a new emancipatory identity is very difficult. Survival becomes the only other option.
In this, survival is not second nature, survival is the name of the game. In this case, deep psycho-affective injuries prevent the colonized subject to forge new identity. What is left is the reproduction of violent practices inherited from colonization. Thus, in this anxious and divided political universe, Maître Momo chose the camp of the “winner” within a logic and libidinal economy of escalation against legitimate political opponents always considered as enemies of the nation and transformed into things and objects.
Thus, in this traumatogenic setting, Maître Momo, probably, made the political calculation that enmity and political, if not tribal, disagreement is so deep that there is no other way but to fight the opposition forever.
Real human right organizations, such as the CL2P, on the other hand, understand ordinary Cameroonian’s desire for de-escalation and for a new durable, livable settlement in Cameroon. It is time for a new political paradigm where professional and committed ethnofacists obsessed with their own obscene sense of immortality make way for a new generation of cosmopolitan and highly educated and sophisticated Cameroonians who love their country and have the imagination required to promote a productive alternative.
The Committee For The Release of Political Prisoners – CL2P