Ça y est ! Nous sommes désormais fichés jusqu’à l’os dans l’année 2018, année de toutes les élections au Cameroun.
Et voici que comme de coutume, l’univers carcéral électif camerounais fait sa rentrée en procédant à l’ouverture de sa prison électorale ad hoc de très haute sécurité. En effet, le code électoral camerounais constitue la clé de voute d’un authentique complexe pénitentiaire dans lequel sont emprisonnés les électeurs camerounais et les élections auxquelles ils participent. Ce pénitencier émanant du code électoral est un ensemble principalement constitué de la composition et du fonctionnement actuels d’ELECAM (Elections Cameroon) et de la Cour suprême siégeant temporairement comme Conseil constitutionnel, faute pour ce dernier d’exister.
En tant que forçats qui peuplent les couloirs de cette brumeuse institution carcérale, les électeurs et candidats sont étroitement surveillés et privés de leur marge de manœuvre ordinaire dans les choix qu’ils expriment, à l’exception près du tenant actuel de la fonction présidentielle et des appareils politiques partisans qu’il entraine dans son sillage. Pour le président actuel, tout semble en effet se passer comme si la seule peine qui lui ait été attribuée dans la distribution des rôles durant l’ouverture de la saison électorale carcérale est celle de la présidence à perpète. Ici, la ration alimentaire est faite de plats réchauffés et rangés sur des étagères médiatiques.
Les forçats seront donc serinés de victuailles suspectes relevant d’immuables ingrédients. Ainsi réveillera-t-on la sempiternelle incapacité de l’opposition à trouver un candidat présidentiel unique, en oubliant de mentionner que cela arrive automatiquement dans les pays ou le système électoral présidentiel repose légalement sur deux tours, exigence devenant impérative en cas d’existence de centaines de partis politiques comme au Cameroun. Bref, on oubliera de dire que les stratégies électives concertées aux différentes élections ne sont au final secrétées que par une superstructure légale y concourant tacitement, voire explicitement. Une fois de plus sera donc, si rien n’y est fait in fine, consacré le principe fataliste du ‘’on va faire comment’’. Or, les inscriptions sur les listes électorales sont à la traîne, car le bagne électoral camerounais révulse.
Il y aura donc une profusion d’encre et de salive pour fustiger, critiquer et honnir les acteurs politiques, surtout de l’opposition. Cependant, l’évocation des manquements innombrables du code électoral camerounais et l’inexistence d’un Conseil constitutionnel, régulateur par excellence des élections, donnera lieu à des formules lapidaires les battant en brèche par le passéisme de l’opposition camerounaise. Ultime paradoxe dénué de rationalité, le Parlement étant monopolisé par un appareil soumis aux seuls désidératas du sommet présidentiel de l’exécutif. Tranchons donc avec ces penchants en suggérant une opposition qui, ayant recensé les travers du code électoral, prend en compte ceux, très nombreux, relevant du viol de la Constitution et introduit une action judiciaire en vue d’y remédier.
Une telle action aurait l’avantage de mettre la justice, et notamment la Cour suprême, devant un dilemme dont le fruit ne pourra être qu’avantageux. Soit la justice y accordera suite et ordonnera une réforme des dispositions querellées, soit elle s’y refusera envers et contre toute logique juridique. Dans le premier cas, aura été gagnée la réforme électorale et dans le deuxième cas, sera établie ‘’preuve à l’appui’’, la démonstration du caractère partisan et donc, non neutre de la Cour suprême. Ceci affaiblirait cette instance en cas de contentieux électoraux ultérieurs. Au demeurant, cette stratégie est républicaine et n’exclut pas que les campagnes, y compris des plaignants, prospèrent dans l’intervalle. Nul doute que la pléthore d’hommes de droit en lice y trouve un intérêt certain et exploite à bon escient cette fenêtre de tir stratégique.
© Quotidien Mutations : Par Bibou Nissack*,Juriste D’affaires