Considéré aujourd’hui par le Département d’État Américain et les Organisations Non Gouvernementales (ONG) comme un Prisonnier d’opinion, il est incarcéré depuis le 16 avril 2012 au Secrétariat d’État à la Défense du Cameroun (le fameux SED où sont aussi embastillés depuis Juin 1997 le Pr. Titus EDZOA et notre compatriote Thierry Michel Atangana) pour une supposée «complicité intellectuelle de détournements de deniers publics»*.
Il publie dans le Jeune Afrique de cette semaine une tribune dans laquelle il livre sa vision de l’Afrique Centrale, de la crise en Centrafrique, puis de la lutte contre l’intégrisme islamiste…en sa qualité d’Homme d’État originaire d’un pays (Le Cameroun) aux abonnés absents sur la scène diplomatique sous-régionale, continentale, et internationale… depuis plus de deux décennies.
La tribune de monsieur Marafa Hamidou Yaya, ancien Sécrétaire Général à la Présidence de la République, puis Ministre d’Etat de l’Administration territoriale et de la Décentralisation du Cameroun, telle qu’elle est parue dans l’Hebdomadaire Jeune Afrique du 2 au 8 février.
Personne ne devrait s’illusionner sur les limites de l’opération Sangaris en République centrafricaine. Elle atténuera peut-être les effets humanitaires de cette crise, mais sans s’attaquer à ses racines. Le développement économique et l’intégration régionale sont les clés de la stabilisation durable de ce pays et, plus généralement, de la région centrale de l’Afrique qui, du Cameroun au Kenya, subit les «externalités négatives» du terrorisme islamiste venu du Nord.
Bien que le taux de croissance annuel moyen de 5% dont bénéficie l’Afrique centrale depuis 2000 représente une performance appréciable, il reste un indicateur trompeur. Tirée par la démographie et le cours des matières premières, et dès lors peu inclusive, cette croissance échoue à créer des emplois, en particulier pour les 200 millions d’Africains âgés de 15 à 24 ans, qui sont les premiers exposés à la tentation extrémiste.
L’avenir de l’Afrique centrale réside, selon moi, dans la consolidation d’un bloc Ouest-Est reliant le Cameroun au Kenya en passant par la République centrafricaine et le Soudan du Sud.
Cette Afrique centrale des deux océans (AC20) s’appuierait sur des infrastructures de transport interconnectées, une convergence économique et une coopération étroite en matière de sécurité.
Quel horizon de développement cette vision ouvre-t-elle? Tout d’abord l’AC20 offrirait aux quatre pays qui la composeraient un atout considérable dont l’Afrique du Sud est aujourd’hui seule à bénéficier sur le continent et qui explique en grande partie sa success story: une double façade sur l’océan Atlantique et l’océan Indien. Elle occuperait une position stratégique de corridor sur l’axe Amériques-Afrique-Asie.
Cette intégration dans les échanges internationaux permettrait aux États enclavés, la République centrafricaine et le Soudan du Sud, de mieux valoriser leurs matières premières. Le Cameroun et le Kenya tireraient quant à eux parti de leur position côtière pour favoriser l’exportation de produits manufacturés et la diversification dans les services.
Les efforts à accomplir, bien sûr considérables, s’appuieront sur des bases solides. La carence de la région en infrastructures est très importante mais l’AC20 compte déjà, avec Mombasa et Douala-Kribi, deux des quatre plus grands ports d’Afrique centrale. Autre amorce solide, le Kenya s’est lancé avec sa vision 2030 dans un programme ambitieux de développement routier et ferroviaire intégré.
Quant au rapprochement politique qui devra sous-tendre le projet dans son ensemble, il pourra s’appuyer sur les liens privilégiés entre le Cameroun et la République centrafricaine, d’une part, et le Kenya et le soudan du Sud, d’autre part. Il trouvera aussi une dimension humaine dans l’expérience commune de peuples partageant latitude, paysages, climat, histoire et culture.
Comment ce projet contribuerait-il à la stabilisation de la région?
Sur le plan de la sécurité, l’AC20 est géographiquement dans la meilleure position pour constituer à la fois un axe d’endiguement de la menace terroriste et un modèle de cohabitation. En effet, elle forme une frontière entre les pays à majorité musulmane, au nord, et ceux à dominance chrétienne, au sud. Or c’est cette frontière qu’assaillent des groupes armés comme la Séléka, les Djandjawid, Boko Haram et les Shebab.
Aujourd’hui, le risque de contagion de la crise centrafricaine aux pays voisins est réel. Et ceux qui, pour mobiliser l’opinion et les décideurs occidentaux, résument ce conflit à un «génocide religieux» ne font qu’accentuer et légitimer les violences, offrant de surcroît aux belligérants le moyen de s’assurer dans les pays limitrophes ou plus lointains des soutiens occultes à leur cause.
Portes d’entrée sur le continent, le Kenya et le Cameroun ont une longue tradition de mixité culturelle, ethnique et religieuse. L’AC20 sera pour eux le moyen d’apporter une réponse africaine crédible aux défis sécuritaires et économiques de leur région.
© Source : Quotidien Le Jour, Cameroun
*La réalité du Contentieux Judiciaire relatif à l’Affaire dite Marafa au Cameroun