Je lis depuis plusieurs jours des camerounais illuminés qui font la critique à leurs compatriotes du fait que ces derniers s’intéressent à l’élection présidentielle gabonaise sous le prétexte que Paul Biya est au pouvoir depuis 34 ans et dirige ce pays sans concession. Ce raisonnement est d’une faiblesse intellectuelle et d’une cécité stratégique coutumière à certains camerounais.
Primo retenez que le changement se produit dans une société qui a pu construire une forte culture politique. Or malheureusement les camerounais ne sont pas encore assez politisés. Ce n’est pas parce que quelques compatriotes débattent des questions politique sur les réseaux sociaux ou sur les plateaux de télévision que la société camerounaise est politisée non. Observez le faible encartement dans les partis politiques y compris de l’opposition; les débats quotidiens qui s’articulent beaucoup plus autour de l’alcool, du sexe et des intrigues, plutôt que les affaires de l’État; la dépolitisation des masses.
Or la culture politique est le produit d’une politisation des masses. Or la politisation des masses, comme le changement, s’opère à travers les dynamiques internes ( affaires nationales) et les dynamiques extérieures ( les affaires concernant les autres pays ou les questions de géopolitiques ou géostratégie). Donc en s’intéressant aux affaires gabonaises, ivoiriennes, burundaises et congolaises etc… les camerounais acquièrent progressivement une culture politique qui permettra à sa maturité de construire le coefficient d’indocilité nécessaire pour provoquer le changement.
Car il n’y a pas de changement dans un pays sans un coefficient d’indocilité fort. Paul Biya est au pouvoir non pas parce que son pouvoir est divin, non pas parce que les camerounais sont amorphes ou faibles mais c’est parce que le coefficient d’indocilité ‘ capacité de résistance face à l’oppression, capacité de revendiquer ses droits sans avoir peur de la répression, capacité à dire NON) n’est pas encore à un seuil suffisant pour provoquer le changement.
Le coefficient d’indocilité est à la fois une production de l’histoire et de la conjoncture. Il se construit progressivement. il n’est pas spontané tout comme il n’y a pas de changement spontané.
L’élection au Gabon les parlent. Ils choisissent leurs camps, défendent leurs idées. Discutent, débattent, argumentent. C’est d’autant plus important que le Gabon pays frère, ami et voisin partage à certains égards la même trajectoire socio-politique que le Cameroun: Ce sont tous des pays gouvernés par des acteurs de la Françafrique. Ping ou Bongo c’est la même chose. Mais en s’intéressant à l’élection gabonaise, les camerounais s’affrontent intellectuellement sur la trajectoire qu’ils veulent donner à leur propre pays. Ils cherchent des réponses à leurs propres questions. Ils définissent progressivement le changement dont ils ont besoin. En fait les camerounais débattent déjà de leur avenir.
LAISSEZ LES CAMEROUNAIS PARLER DU GABON, DE PING, DE ALI BONGO, parce que c’est du changement dans leur propre pays qu’ils représentent. C’est de leur pays qu’ils parlent. C’est la culture politique qu’ils acquièrent.
On ne renverse pas un système qui a 50 en interdisant à ses compatriotes de débattre. Ils doivent débattre de tout. Car de ces débats, naîtra peut-être l’émulation intellectuelle nécessaire pour créer le changement dans leur propre pays.
Par Boris Bertolt, Journaliste