Je le soulignais déjà dans cette tribune de mon blog Mediapart en 2015, ci-dessous reproduite.
Mais comme toujours le mensonge a de très courtes jambes dans ce pays et finit toujours par rattraper les premiers pourfendeurs des libertés individuelles au sein même du régime en place.
Exactement comme sur les emprisonnements politiques qu’ils nient tant qu’ils appartiennent au sérail politique, y compris ceux de leurs opposants qui en ont payé les frais dernièrement.
C’est cela le Cameroun de Paul Biya, un pays de la roublardise permanente, où les lois sont faîtes pour protéger quelques uns et en exclure le plus grand nombre, dont ses ressortissants de sa diaspora exclus pour leur allogénie supposée et/ou leur nationalité étrangère.
“Un seul mot, Continuez”!!!!
JDE
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S’opposer à la double nationalité, d’abord un enjeu de confiscation du pouvoir au Cameroun
2 avr. 2015 Par Joël Didier ENGO
Je suis de plus en plus amusé – certainement à cause de la distance ou de l’éloignement – du caractère passionnel et souvent disproportionné, voire anachronique, que revêt le débat sur la double nationalité au Cameroun. Nos particularismes culturels, historiques, politiques influencent certainement en partie la position officielle. Pour autant les procès en sorcellerie pour «anti-patriotisme» instruits en permanence contre les bi-nationaux, sont en réalité en opposition et en contradiction flagrante avec la marche de notre monde intégré.
Dit plus simplement: s’opposer aujourd’hui avec un tel acharnement et parfois une telle virulence à la double nationalité va à l’encontre même des intérêts directs du Cameroun et notamment des futures générations de Camerounais.
Parce que les tenants de cette ligne dure et réactionnaire refusent délibérément et obstinément de placer ce débat où il devrait l’être: c’est à dire celui de l’inacceptable injustice et inégalité dans l’accès à la mobilité internationale, à la citoyenneté internationale…qui touche particulièrement les ressortissants africains et certains sud-américains; quand tous les autres nationaux deviennent en réalité des citoyens du monde et peuvent voyager, voire s’installer à l’endroit de leur choix (y compris dans les pays d’Afrique) sans faire face aux mêmes barrières et conditions draconiennes de visas. En 2015 le Droit à la mobilité internationale pour Tous doit être une revendication internationale et panafricaine.
Voilà le monde dans lequel les ressortissants du Cameroun doivent laborieusement se frayer un chemin, se faire une place en s’y adaptant parfois sans une réelle souffrance psychologique. Parce que parfois notre survie personnelle et professionnelle dépend aussi de notre capacité à être bi-national.
À titre d’illustration j’ai quitté en 1995 la France pour les États-Unis avec ma citoyenné camerounaise que je n’aurais d’ailleurs à l’époque renoncée pour rien au monde, même quand il s’est agi de formuler ma volonté d’acquérir la nationalité française du fait de ma majorité française. Et c’est la mort dans l’âme que j’ai été rattrapé par la dure réalité quelques années après. En effet tant que je devais me plier à toutes les tracasseries de visas et que j’avais néanmoins la certitude de pouvoir disposer d’un passeport camerounais en cours de validé, je n’y trouvais rien à redire. Mais du jour où j’ai essuyé les premières remontrances verbales puis écrites «des agents du régime»; et que j’ai su que ledit renouvellement allait singulièrement se compliquer en raison de la centralisation du processus de délivrance et de renouvellement des passeports au Cameroun – longtemps assuré par un prestataire de services aux USA – l’accès à une autre nationalité devenait une question de survie personnelle et professionnelle.
Voilà expliqué de manière simple et pratique les concours d’un débat sur lequel certains ont tendance à gloser à longueur de journée au Cameroun
Et lorsque j’apprends que des députés de la république ont pu se faire taper sur les doigts par la Présidence de la République, parce qu’ils avaient initié une pétition sur la double nationalité, je comprends que nous sommes bien loin de l’enjeu de souveraineté avancé par les réactionnaires, mais d’abord d’un pouvoir exorbitant et arbitraire exercé par un exécutif omnipotent sur chaque camerounais; à travers lequel il s’octroie le droit de vie ou de mort sur chacun de nous.
Et j’en ai encore eu l’illustration tout récemment, quand j’ai vu l’ambassade du Cameroun à Paris nous renvoyer en l’état la demande d’audience introduite auprès de l’ambassadeur par l’association nouvellement créée par les membres de la société civile française et africaine afin de venir en aide aux victimes de Boko Haram. Le simple fait que notre organisation a-politique compte parmi ses membres des ressortissants camerounais qui n’ont pas prêté allégeance au RDPC (le parti-État du Président Paul Biya) et au régime de Yaoundé, a certainement plaidé pour ce refus d’audience; là où – faut-il le rappeler- tous les autres ambassadeurs des pays du Bassin du Lac Tchad (Nigeria, Tchad, Niger…) ont donné une suite favorable et accepté de faciliter nos actions.
En effet partout où une autorité camerounaise dispose d’une parcelle de pouvoir, elle estime jouir du droit de vie ou de mort sur celles et ceux qui en dépendent. Nous sommes donc bien loin de la seule question (au demeurant légitime) de la préservation de la souveraineté du Cameroun, mais d’un véritable excès de pouvoir caractérisé.
Joël Didier Engo